Le départ de Benoit XVI : La mort de l’Eglise Catholique

par Avic
lundi 18 février 2013

Le 28 Février prochain, le pape Benoit XVI, quitte sa charge. Il l’a annoncé de manière solennelle le 11 Février dernier, invoquant des raisons en rapport avec son âge et sa capacité à exercer pleinement son ministère. Il aurait pu très bien partir en douce, sans faire d’annonce, comme n’importe quel employé donnant son préavis, ç’aurait été la même chose. Quelques titres dans les médias, faisant un petit retour sur Jean-Paul II (LE Pape, le vrai) dont il fut le secrétaire, ou rappelant brièvement le parti Nazi qu’il côtoya pendant sa jeunesse (comme tous les allemands de son âge aujourd’hui). Quand ces médias daignent parler vraiment de lui, c’est pour insister sur ses qualités de théologien et mettre parfois l’accent sur son conservatisme. On ne parle de lui comme pape que pour dire qu’il ne le sera plus bientôt. Et de louer son courage et son abnégation d’avoir décidé de renoncer avant d’être diminué par l’âge et la maladie. Mais n’avait-on pas loué le courage et l’abnégation de Jean-Paul II pour n’avoir pas renoncé, malgré l’âge et la maladie ? Allez comprendre.

Pourtant, quelque chose de gigantesque est en train de se passer sous nos yeux. L’annonce de Benoit XVI n’est pas un fait divers. Un pape, ce n’est pas n’importe qui. De par son statut, sa « démission » n’est pas quelque chose d’anodin. Si l’on regarde l’Histoire de la Papauté, seule une petite poignée de papes ont quitté leur charge avant leur mort. Et encore ! Exception faite de Célestin V, qui renonça au trône de Saint-Pierre en 1294 pour des raisons de commodités personnelles, tous les autres furent en fait écartés ou destitués, leur pontificat se déroulant le plus souvent pendant des périodes troublées.

Benoit XVI semble donc être le seul pape, avec Célestin V, à avoir renoncé à sa charge sans contrainte. C’est tout de même assez rare pour attirer un peu plus l’intérêt sur cet acte. Mais on constate que ce n’est pas du tout le cas. Dès lors, le seul fait que les médias – qui ont plutôt une certaine tendance à l’exagération – tentent de minimiser l’évènement, à le rendre anodin et à en diminuer la signification et la portée, est suspect. Qu’y a-t-il derrière le départ de Benoit XVI ? Y a-t-il d’autres raisons que celles invoquées par lui pour l’expliquer ? Si rien ne se passait au sein de l’Eglise Catholique, ces questions seraient sans grand intérêt. Mais il se passe énormément de choses, depuis un certain temps, dans et autour de cette Eglise dont le chef est démissionnaire. Depuis quelques années, on assiste à un travail de sape méthodique de tout ce qu’elle est et représente, démolissant ainsi tous ses symboles et valeurs, un par un, avec la complicité des catholiques eux-mêmes. Cela s’est fait de manière tellement transparente qu’elle en devient indétectable. Paranoïa ? Non. Tout le monde a vu ces attaques et y a même pris part. Aucune d’entre elles n’était directement dirigée contre l’Eglise. Et pourtant…

Le catholicisme est la religion la plus adaptative de tous les monothéismes. Ce qui fait sa force et sa faiblesse. Il a accompagné toutes les tyrannies tout en s’y pliant, a généré des siècles d’obscurantisme tout en s’ouvrant à la connaissance, a subi toutes les révoltes et révolutions tout en les canalisant. Enfin il a, de par son héritage judaïque, appliqué tous les interdits bibliques, en inventant même d’autres qui lui sont propres, tout en créant des moyens de les contourner. C’est l’Histoire même des peuples d’obédience catholique. Alors d’où vient cette intolérance subite de ces peuples vis-à-vis de leur religion ? Alors même qu’ils admettent sans problème que les musulmans soient obligés de manger hallal ou les juifs de manger cacher, ils n’acceptent plus aucune directive venant de leur religion. Alors qu’ils peuvent concevoir qu’un iman ou un rabbin ait une influence spirituelle sur ses ouailles, il n’est plus question pour eux d’accepter qu’un curé ose l’ouvrir en dehors de sa sacristie.

Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi ce rejet allergique ? Plusieurs facteurs ont contribué à cela. En premier lieu, le plus ancien d’entre eux : la laïcité. A l’origine la laïcité n’était rien d’autre qu’une lutte pour le pouvoir. Il s’agissait de reprendre le contrôle complet de la gestion des peuples, y compris la formation du futur citoyen à travers sa scolarité. Des lois furent votées et elles avaient pour objectif de tenir la religion à l’écart de tout ce qui relevait du fonctionnement des institutions de l’état. Toute fonction ou pratique dans la fonction publique était soumise à ces lois. En aucun cas celles-ci ne concernaient la façon de vivre, d’être et de penser du citoyen ne faisant pas partie de l’appareil de l’état. L’Eglise, après de durs combats, finit par s’adapter.

Mais malgré son acceptation, c’est pourtant de là qu’arrivèrent les attaques. Au début du XXIème siècle, une nouvelle guerre venait d’être déclarée contre l’Islam, avec tous ses clichés : charia, terrorismes, et… bourqas, hijab, nijab, niqab, chador, tous voiles qui ont en commun d’être islamiques mais que personne ne peut différencier. Le fait d’être islamique suffit. La bataille fut menée au pas de charge, contre une résistance quasi nulle (et pour cause : les ennemies étaient à peine quelques centaines). La bataille se voulait grandiose, retentissante, avec clairons et trompettes médiatiques à l’appui. Et l’étendard de la laïcité précédant les valeureux combattants. La laïcité ? C’est partout désormais. Cachez ces signes religieux que nous ne saurions voir. Les voiles ? A la maison, et encore… La croix ? Sous la chemise, et boutonnée, s’il vous plait. La kippa ? Itou, quoique… Tout ou presque doit disparaître. La Civilisation est en guerre contre l’obscurantisme. La laïcité doit l’emporter partout : dans la rue, les lieux publics, au travail, partout où on peut être vu. Elle ne concerne plus seulement les serviteurs de l’état dans leurs fonctions, mais tout le monde.

L’Eglise ne moufta pas. Elle ne se sentait pas trop concernée. Et pourtant, bien que non visée, elle y laissera autant de plumes, sinon plus, que l’Islam. L’offensive a eu pour résultat de cantonner le religieux dans un espace plus que réduit : à la maison. Or, croyant ou pas, les citoyens ont un héritage catholique jusqu‘au bout des ongles. Leurs lois, leurs mœurs, les règles de vie quotidiennes, leur imaginaire, leur langage même, jusque dans les noms de beaucoup de villes (les Saint- quelque chose), et ne parlons pas des prénoms. Vouloir balayer tout ça d’un revers de main c’est déconstruire une société. C’est pourtant ce qui fut tenté.

Mais la guerre continuait. Un autre front s’était ouvert, cette fois au nom de la loi. On ne sait comment la chose démarra, mais tout d’un coup, on se retrouva au milieu de plein d’affaires de pédophilie dans lesquelles étaient impliqués des prêtres, dont certains étaient montés en grade. Des personnes, silencieuses depuis des années, se mirent tout d’un coup à parler, tous en même temps, et ce dans tous les pays. Des associations se formèrent. Des soutiens psychologiques s’organisèrent (pour des traumatismes dont certains datent de plus de 20 ans). Coïncidence ? Elle serait belle ! Bien sûr, L’Eglise ne pouvait que condamner. On n’en attendait pas moins d’elle. Ce faisant, elle se condamnait elle-même, car, comme a dû le comprendre le Pape, cette attaque n’était pas fortuite. Ce vaste mouvement, « spontané » en apparence, semble trop bien orchestré pour être un évènement circonstanciel. Mais le piège était tel que Benoit XVI ne pouvait que jouer le jeu des assaillants. Malgré les condamnations, les démissions, et les manifestations de repentir, on l’accusera de couvrir certains évêques en « trainant » à accepter leur démission. Une association aux Etats-Unis a même porté plainte contre lui et deux autres cardinaux à la Cour Pénale Internationale.

Sur un tel sujet et dans un tel contexte, l’attaque était imparable. Aucune défense n’est possible. Devant le malheur des victimes, surtout s’il s’agit d’enfants, on ne peut que compatir. Toute autre attitude ne peut qu’aggraver le cas du coupable. Seul l’émotionnel compte. L’un des résultats de cette vague d’accusation est que le regard sur les prélats a complètement changé. Le curé, qui était jadis le père, l’ami, le conseiller, le guide même, n’est plus qu’un vulgaire obsédé, un voyou protégé par une soutane, un hypocrite derrière une façade vertueuse. On ne pouvait mieux assassiner l’Eglise. A ce stade, elle peut encore espérer se ressaisir et faire entendre à nouveau sa voix. Mais, apparemment ce n’est pas au programme de ceux qui veulent la défaire. Leur action se poursuit donc, par petites touches. Le peu que l’Eglise interdit encore, comme l’amour libre ou l’homosexualité (ou le mariage pour tous), devient un levier pour mettre le Vatican dans une situation inconfortable. Se rajoutent à cela quelques scandales visant des proches du Pape. Un scandale de plus en ces saints lieux n’a rien d’exceptionnel. Bien au contraire, on pourrait même dire que c’est l’autre nom du Vatican, tant nous en avons vus au cours de l’Histoire, et quels scandales !

Mais dans ce contexte, un scandale de plus, c’est beaucoup. Il y a plus grave. On oublie trop souvent que le Vatican est un état. Un état avec son gouvernement, son économie, son système financier. Or ce système financier est largement interconnecté avec le système financier mondial. Récemment, la Banque du Vatican s’est vu fermer son compte chez le géant JP Morgan Chase, et interdire de carte de crédit par la Banque d’Italie. Situation inédite, que l’on pourrait comparer à un embargo. Et c’en est un. Pourquoi cet embargo ? Sachant qu’asphyxier financièrement un état, c’est l’amener doucement vers la mort, que cherche-t-on ?

Le Pape se devait de réagir. Mais comment ? En a-t-il seulement les moyens ? Je ne crois pas. Ce n’est même pas très utile, car ce n’est pas l’Eglise seule qui est visée. La cible c’est ce qu’elle représente dans la tête et les cœurs des catholiques, le fondement même des sociétés catholiques. Ce qui est pathétique, c’est que ce sont les catholiques eux-mêmes qui prêtent la main à leur propre destruction. Il suffit de leur donner une cause ou un ennemi (l’Islam fera l’affaire, comme toujours) pour les embarquer dans n’importe quelle entreprise, même d’autodestruction. Un pape, dans ces conditions d’impuissance totale, que peut-il faire ? Rien, sinon attendre que la machine à broyer finisse par l’atteindre personnellement, ou bien passer la main. Dans les deux cas, son départ est au bout.

 

Avic

Réseau International


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