Le développement de l’idée religieuse

par Robert GIL
mercredi 3 octobre 2012

Admettre l’existence d’une Divinité, c’est reconnaître la nécessité des liens qui unissent la créature au Créateur, et la religion n’est autre chose qu’un ensemble de croyances et de pratiques, reliant l’homme à Dieu, stipulant les droits de celui-ci et les devoirs de celui-là.

Dès l’origine, l’idée de religion rencontre l’idée de supériorité s’incarnant dans les biceps les plus robustes. Les tribus primitives étaient en état perpétuel de guerre. Mais les guerriers comprirent vite que leur force musculaire n’aurait qu’un temps, qu’ils n’auraient pas toujours vingt-cinq ou trente ans, que de plus jeunes viendraient et les remplaceraient. Et pour conserver sa suprématie, l’autorité du coup de poing accepta avec empressement le concours de l’autorité morale, cette force nouvelle.

La coalition était fatale. Elle se produisit. C’est sous la forme du Dieu des armées qu’elle se manifesta. On vit une poignée de combattants soutenus par le fanatisme faire mordre la poussière à une armée entière, folle de terreur ; parce que les oracles consultés s’étaient prononcés contre elle. Dés lors, du Dieu des tempêtes, au Dieu des moissons, et il y eut bientôt une multitude de dieux et de demi-dieux, se combattant dans leurs manifestations. Mais le besoin de savoir rongeait l’esprit humain. Des penseurs étaient nés qui crurent avec raison que la toute-puissance ne pouvait se diviser, qu’il ne saurait y avoir conflit, rivalité entre les tout-puissants. Et le monothéisme sortit sous la poussée de ces observations.

Le christianisme fit son apparition. A ses débuts, ce fut un courant populaire, une lutte des faibles contre les forts, et si nous voulions établir un parallèle entre l’époque où Jésus-Christ, né dans une étable, de parents pauvres, pauvre lui-même, choisissait douze apôtres parmi les plus pauvres, prêchait avec eux en faveur des déshérités, et l’époque que nous traversons aujourd’hui, où des hommes à la parole ardente demandent plus de bien-être, plus de justice, plus d’égalité, il nous serait possible d’en démontrer l’analogie frappante.

Mais des hommes se mêlèrent à ce mouvement et lui imprimèrent une orientation nouvelle. Tirant parti du mysticisme de l’époque, comprenant que les temps du réalisme n’étaient pas encore venus, ils dépouillèrent insensiblement Jésus-Christ de son humanité, le divinisèrent, le convertirent en un fondateur de religion nouvelle et, crédules, ignorants, fanatiques, les disciples de l’homme de Bethléem s’éloignèrent peu à peu des revendications immédiates et des préoccupations terrestres ; ils remplacèrent par la résignation et l’amour de la croix l’esprit de révolte qui les avait jusqu’alors animés ; ils n’aspirèrent plus qu’à un monde de béatitudes éternelles, mettant en pratique cette parole de l’Écriture attribuée à Jésus-Christ : « Mon royaume n’est pas de ce monde ».

Et lorsque Constantin s’aperçut que le christianisme, tueur de colères et fomenteur de soumissions, était de nature à consolider son pouvoir, il lui tendit la main et la paix fut faite. A partir de ce moment, l’idée chrétienne prit une extension extraordinaire, un développement vertigineux. Elle eut l’oreille des Grands, donna des conseils aux monarques. Devant elles les fronts les plus altiers se courbèrent. Du moment que la vie n’était qu’un court passage dans cette vallée de larmes qu’était la terre, une seule chose importait : le salut de notre âme. Le progrès était retardé, la pensée enchaînée. Douter était un crime, aucune pénalité n’était assez sévère pour le réprimer.

On vit l’idée religieuse s’associer à tous les abus, à toutes les exploitations : les papes dominent les rois, les évêques commandent aux seigneurs ; à la voix enflammée des Pierre l’Ermite, des Saint-Bernard et des moines qui parlent au nom du Christ, des millions de combattants s’ébranlent, à travers l’Europe en marche vers l’Orient, à la conquête du tombeau de Jésus et des terres qu’a foulées aux pieds le Messie.

Des générations de fidèles couvrent l’Occident de cathédrales magnifiques, de gigantesques basiliques. La musique, la poésie, la sculpture, le théâtre, la peinture, l’éloquence, la littérature, toutes les manifestations artistiques, pénétrées de catholicisme, retracent les grandes lignes de la Légende biblique. Les esprits sont sous le charme, les volontés sous le joug. L’humanité tremble ; elle adore… Dieu triomphe ! C’est l’apogée.

Sébastien FAURE  (1858-1942)

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