Le fils du charpentier

par C’est Nabum
vendredi 25 décembre 2015

Joyeux Noël à tous !

Épitre aux mécréants.

Quelque part, de par cette vaste planète, un enfant est né dans une étable. C'est ainsi que commence l'histoire et, à partir de là, les avis divergent. Certains affirment qu'il est né sous une bonne étoile et ne cessent de l'encenser quand d'autres réfutent cette idée avec véhémence. L'âne et le bœuf se refusant à témoigner, nous resterons dans l'expectative sur les circonstances exactes de l'affaire.

Notre sainte mère l'Eglise qui n'a jamais été très perspicace en ce qui concerne les choses du sexe, affirme, péremptoire, que sa mère n'avait jamais vu le loup. Position assez surprenante que même le Kamasutra refuse de tenir. L'ange Gabriel à ce propos, joue les innocents et cherche à noyer le poisson. C'est sans doute lui qui donnera à son filleul le goût de fréquenter les pêcheurs. Mais n'allons pas trop vite en besogne.

L'enfant a poussé son premier cri ; il sort déjà de l'ordinaire. Trois nobles personnages, venus on ne sait d'où, la tête dans les étoiles, pensent avoir trouvé la force en lui. Ils le couvrent de cadeaux et lui tressent déjà des louanges alors que c'était des langes qu'il lui aurait fallu. Tout prophète qu'il aspire à être, le bambin remplit ses couches comme tous les autres.

Celui qui lui tient lieu de père officiel, charpentier de son état est bien marri. Il n'a même pas eu le temps de lui fabriquer un berceau. À quoi sert de manier ainsi la varlope et la scie si c'est pour laisser sa femme et son fils sur la paille ? L'artisanat n'a jamais permis de faire fortune mais cette fois, naître ainsi à la fortune du pot, ce n'est pas digne.

Les rois mages enfoncent le clou. Ils déplorent la rusticité de cette crèche improvisée et font grand grief au charpentier de son imprévoyance. On peut déplorer leur attitude qui va marquer durablement la vie du garçon. Certains même pensent que sa fin fut influencée par ce comportement délétère. Rien ne nous permet d'éclaircir le propos.

Toujours est-il que Joseph s'était fait pour spécialité de travailler le sapin. La légèreté de cette essence, sa facilité d'entretien, son transport aisé et sa vitesse de croissance plaident indubitablement en faveur de ce choix. Que son fils préférât le chêne pour finir son existence au sommet du Golgotha atteste une fois encore de l'incompatibilité d'humeur entre ces deux illustres personnages.

Les jeunes années du fils du charpentier nous demeurent obscures. On sait cependant qu'il s'essaya vainement à prendre la suite de son père. Il se tapa fréquemment sur les doigts ; il avait des plaies aux mains qui inquiétaient beaucoup sa pauvre mère. Elle lui disait souvent qu'il finirait mal, qu'il ferait bien mieux de s'appliquer à jouer du marteau plutôt qu'à inventer des histoires.

Il est vrai que le garçon avait la parole plus facile que le coup de main. Il se fit prêcheur, allant dans le désert pour convaincre les grains de sable, les renards du désert et les rares touristes de l'époque. Son style, fait de métaphores confuses et de paraboles énigmatiques, déplut fortement aux autochtones. Nul n'est jamais prophète en son pays : le fils du charpentier le découvrait à son tour.

Il faut avouer qu'il prit fort mal la chose. Il bouda, se renferma dans un isolement inquiétant. Sa mère ne cessait de lui dire : « Cesse de faire ta tête de cochon ! ». On voit ainsi que cette brave femme n'avait pas toujours des remarques opportunes. Elle jetait de l'huile sur le feu sacré et préparait ainsi des jours noirs pour son rejeton.

 Il trouva néanmoins une bande de joyeux lurons disposés à le suivre pourvu qu'il facilitât leur reconversion ! Les hommes étaient pêcheurs et le poisson venait à manquer. Les douze apôtres cessèrent leurs jérémiades et emboîtèrent le pas du jeune homme. À son imitation, ils se firent porte-parole, chambres d'écho et d'amplification d'un message révolutionnaire.

Les rumeurs allèrent bon train dans la région. Les forces d'occupation de la Palestine entendaient d'une mauvaise oreille ce groupuscule crypto-anarchiste qui voulait saper les fondements du pouvoir en place. La sédition n'est jamais très bien vue, le pouvoir allait voir de quel bois se chauffaient les supplétifs de César. La sédition devait cesser.

Le fils du charpentier qui se souvenait être né le jour de la Noël, sentant sa dernière heure arriver voulut faire un réveillon pour célébrer ses Pâques. On peut remarquer que la confusion commençait à gagner son esprit. Un témoin oculaire affirme qu'il abusa du vin ce soir-là. Mais peut-on croire en la parole de ce Judas ?

Toujours est-il que le repas tourna à la farce. Le fils du charpentier fut vendu par l'un de ses amis. Pilate le condamna à la croix avant de faire ses ablutions quotidiennes et quelques évangélistes se firent fort d'enjoliver l'histoire pour en faire un conte de fées. Nous en sommes encore à nous demander si tout cela est bien raisonnable et s'il faut accorder foi à cette incroyable épopée.

Je vous laisse juge de la crédibilité de ce conte apographe à dormir debout. J'avoue ne pas être capable de démêler le vrai du faux, d'autant que d'autres aspirent eux aussi à jouer les martyrs pour défendre une autre version de l'histoire sacrée. Au jugement dernier, seul Dieu reconnaîtra les siens pourvu qu'il n'ait pas abusé des agapes de Noël, lui aussi.

Impiétément leur.


Lire l'article complet, et les commentaires