Le marxisme, une hérésie chrétienne
par Pierre de La Coste
lundi 23 novembre 2009
Nous sommes tellement occupés à critiquer et à combattre un capitalisme devenu fou (crise financière, réchauffement climatique, épuisement des ressources, hyper-consommation dans les pays riches...) que nous oublions que son frère ennemi, le communisme, menait lui aussi l’humanité à sa perte. Or, le marxisme-léninisme reposait sur l’hérésie inverse de la prédestination calviniste : le libre-arbitre érigé en absolu et donc la mort de Dieu.
Face aux urgences de l’heure, il semble inutile de tenter de comprendre le communisme. Ne s’est-il pas condamné lui même ? François Furet parle du « passé d’une illusion » dans l’un des réquisitoires les plus implacables qui lui ait jamais été consacré. Drôle d’ « illusion » qu’un système qui a envoyé, le premier, un homme dans l’espace, vérifier de visu la révolution copernicienne ! Solide mirage qui a tenu la dragée haute aux États Unis et leurs alliés dans la course aux armements pendant quarante ans !
Crimes écologiques
Nous avons étés contemporains du plus grand naufrage politique et intellectuel de tous les temps. Mais cet échec est un mystère. Il ne doit pas nous empêcher de poser la question du sens du combat communiste, quoiqu’il soit discrédité par son échec final : « pourquoi les communistes se battaient-ils, alors même qu’ils croyaient en un sens de l’Histoire ? » En d’autres termes : comment peut-on être à la fois libre et déterminé ?
La réponse officielle (encore donnée ces dernières années par le Parti communiste Français) est : « c’est pour hâter l’avènement du Grand Soir, de la fin de l’Histoire et de la société sans classe ». Mais cette réponse ne tient pas. On ne sacrifie pas sa vie et celle des autres (de millions d’autres !) pour rendre plus rapide quelque chose qui arrivera nécessairement. Les derniers véritables communistes risquent d’emporter leur secret dans leur tombe...
La liberté dans l’Histoire
La vraie réponse est que l’engagement communiste n’est pas rationnel, il est mystique. C’est une « foi », comme on l’a souvent dit et répété, mais sans suffisamment souligner la contradiction avec Hegel (« tout ce qui est réel est rationnel »), dont le marxisme s’inspire pourtant. Le militant communiste n’agit pas dans le but d’arriver à un objectif donné, grâce à des moyens objectivement nécessaires. Il se sent comme investi du sens de l’Histoire. Il sent l’émancipation de l’Homme agir en lui.
C’est une manière de régler la contradiction entre liberté et déterminisme. Rien ne peut empêcher la marche en avant de la Liberté, qui est donc déterminée. Le militant communiste est à la fois totalement libre et absolument déterminé. Il est une liberté qui marche dans l’Histoire. Cette marche en avant vers le Bien expulse progressivement le Mal, qui n’est qu’un produit des contradictions de la lutte des classes.
Le marxisme, parti de l’idée de liberté absolue de l’homme et de son émancipation dans l’Histoire, se retourne en déterminisme et en négation de la liberté humaine. Cette « trahison de l’idéal communiste » est bien connue. On la déplore, mais on ne la comprend pas. Le marxisme, à la suite du Rousseauisme, divinise le libre-arbitre en supprimant Dieu. Mais très vite, c’est le Parti, l’Etat, qui incarne cette Liberté abstraite, contre l’individu. "On le forcera d’être libre", disait Rousseau dans le Contrat social.
L’humanité moderne est donc face à deux échecs successifs et symétriques : l’hypertrophie de la toute puissance de Dieu par la Prédestination calviniste et puritaine, qui mène au capitalisme anglo-saxon ; et d’autre part l’émancipation de l’Homme poussée jusqu’à la liberté divinisée, qui mène au matérialisme communiste. Ces deux échecs sont aussi, d’un point de vue chrétien, deux hérésies.