Le monothéisme révélé, la plaie de l’Humanité

par Allexandre
mardi 11 février 2014

Trois religions monothéistes révélées concernent environ 2 milliards 500 millions de personnes. Nées dans le « croissant fertile », elles ont marqué l’histoire des Hommes depuis 3000 ans. Et quand je dis marqué, je devrais rajouter « au fer rouge  ». Les Hébreux furent les premiers, chronologiquement, à recevoir la parole divine, via Abraham et Moïse (dont l’Histoire est dans l’impossibilité d’entériner l’existence, la Bible ne pouvant servir de source historique). Ils étaient le " peuple élu" de ce Dieu qu’ils nomment Yahvé. De là est née une sorte de « rejet  » des non-juifs, de ces « Gentils  » auxquels il ne fallait pas se mêler sous peine d’être souillé. Il faut bien avouer que ce Yahvé n’avait rien de bien sympathique  : jaloux, vengeur, intolérant, il aurait, soit disant, façonné l’Homme à son image…c’est dire  ! Le judaïsme est toujours présenté comme le premier monothéisme. C’est un raccourci à la fois faux et insultant pour des peuples bien antérieurs aux Sémites sur cette terre du Proche-Orient. Les Occidentaux ont la fâcheuse tendance à « occulter  » tout ce que la Grèce a emprunté à l’Egypte et aux civilisations sumérienne et perse. Le pharaon Aménophis IV fut le premier à imposer un culte monothéiste  : ce fut celui d’Aton, d’où le surnom d’Akhénaton pour le pharaon, époux de Néfertiti. On peut aussi parler du Zoroastrisme et du culte de Mithra. Preuve une fois de plus que la Bible est loin d’être fiable.

Puis vint Jésus, le Nazaréen, porteur lui aussi de la Parole de Dieu, son Père... Jésus est juif et dérange les autorités hébraïques par le message d’amour et d’ouverture qu’il véhicule. Il sera condamné et crucifié. De là, la naissance d’une nouvelle religion, le christianisme, qui, si elle fut persécutée (bien qu’il faille être précis sur le sujet et sa réelle ampleur) dans les trois premiers siècles de son existence par des autorités romaines soucieuses de maintenir la cohésion de leur immense empire (le culte de l’empereur étant une obligation pour tous), fut à son tour persécuteur et intolérant dès son officialisation par l’empereur Théodose en 391. Les cultes polythéistes sont interdits, les temples détruits et les païens exclus au nom de l’amour de Jésus. Les juifs quant à eux devinrent le peuple déicide, bouc émissaire tout désigné et porteur de tous les maux. Les persécutions dont ils furent l’objet sont largement encouragées par la nouvelle religion. Il faudra attendre la deuxième moitié du XXème siècle (1965) pour que l’Eglise catholique le reconnaisse officiellement après le Concile de Vatican II (les termes de « mécréant  » et « déicide  » pour qualifier les juifs sont retirés du missel).

Enfin en 632, le prophète Mahomet donnait naissance à la troisième religion, l’islam. Pour tolérante qu’elle fut dans les premiers siècles de son existence, elle ne tarda pas à se retrouver face à face avec ces « infidèles  » qu’étaient les chrétiens. Depuis le XIème siècle, l’histoire est empreinte de ces luttes au nom d’un Dieu sensé être le même (les Croisades commencent en 1095 et s’achèvent en 1492 par la victoire d’Isabelle la Catholique). Au nom de ce même Dieu, on a tué, massacré, exterminé pour mieux dissimuler des rivalités de pouvoir qui n’avaient rien à voir avec les religions. Mais on a aussi établi des codes de moralité pour mieux cadrer les sociétés concernées. Ces codes ont principalement eu pour effet d’interdire un certain nombre de comportements et de pratiques (en particulier touchant à la sexualité), cherchant par tous les moyens à culpabiliser les hommes pour mieux les assujettir. Evidemment comme toute invention humaine, ces religions n’ont pas eu que des effets négatifs, mais ce sont ceux là que je veux dénoncer. Les effets positifs, on nous les a assez martelés.

En fait si l’on regarde l’histoire des religions, nous constatons plusieurs phénomènes.

Tout d’abord que les religions de l’Antiquité, de nature polythéiste, n’ont jamais vraiment débouché sur des conflits. Le plus souvent, les dieux se retrouvaient, sous des noms différents, dans toutes les régions où étaient établies des sociétés. Le bassin méditerranéen en apporte la preuve flagrante  : n’y avait-il pas trois cents dieux honorés dans l’empire romain  ? D’Isis l’Egyptienne à Jupiter et Junon, dieux grecs romanisés, sans oublier l’orientale Astarté, souvent assimilée à Aphrodite-Vénus.

La seule condition étant que tous les Romains vénérassent l’empereur  : son culte était un ciment permettant d’unifier un empire très vaste et très composite. Juifs et chrétiens refusèrent, au nom de la certitude qu’ils avaient de détenir la vérité, et se trouvèrent alors en opposition avec l’autorité.

Les religions extrême-orientales, de l’hindouisme au bouddhisme, ne semblent pas avoir généré des conflits de l’ampleur de ceux provoqués par les trois religions révélées, et en tout cas pas pour des raisons purement « religieuses  ». Quant à l’animisme, dont on ne parle guère ou seulement avec une certaine condescendance, il n’a jamais cherché à imposer aucune vérité puisqu’il n’en était pas le dépositaire. Seules les religions monothéistes révélées ont prétendu détenir des vérités dogmatiques et suscité des conflits meurtriers partout où elles sont passées  : et Dieu dans tout çà  ? Ça n’a pas l’air de trop le préoccuper que l’on massacre et exécute en son nom. Trois religions, un seul Dieu et trois vérités, cherchez l’erreur.

Quoiqu’il en soit, elles sont à l’origine de millions de morts au nom de ce Dieu unique. Les persécutions des Hébreux ou des chrétiens, de Nabuchodonosor II au VI ème siècle av JC. à Dioclétien en 304 – 305, ne sont-elles pas autant le symbole de l’intolérance romaine que de l’arrogance de ceux qui prétendaient détenir la vérité  ? Puis les Croisades, moment fort des ces luttes religieuses, ont scellé pour des siècles l’opposition entre musulmans et chrétiens. Dans le même temps, les juifs étaient persécutés de façon régulière dans le monde chrétien, un peu moins dans le monde musulman. Mais non contents de se faire la guerre, les tenants de ces religions s’entre-déchirèrent. En 1054, le schisme grec éclata l’Eglise catholique et donna naissance à l’Eglise orthodoxe d’Orient et à l’Eglise catholique romaine. La vraie raison de cette rupture n’est pas tant religieuse que politique  : le pape et le patriarche de Constantinople réclamaient la préséance pour chacun d’eux (le sac de Constantinople en 1204 par les croisés en dit long sur les relations entre Occidentaux et Orientaux). Ils s’ignorèrent jusqu’au début des années 1960 avec Vatican II et la volonté d’œcuménisme. Les guerres de religion en Europe durèrent près d’un siècle et demi entre 1520 et 1648 (fin de la Guerre de Trente ans), divisant le continent européen entre catholiques et protestants, eux-mêmes n’étant pas toujours d’accord entre eux. Là aussi, ils reconnaissaient tous Jésus fils de Dieu ressuscité, mais les vérités n’étaient plus tout à fait les mêmes. En terre d’islam, Sunnites et Chiites ne reconnaissaient pas la même légitimité aux successeurs du Prophète. Aberration suprême de religions venues apporter l’amour, le partage et l’ouverture aux autres et n’ayant abouti qu’à une intolérance grandissante. A quoi ont-elles donc servi ces « grandes religions  »  ? On peut se poser la question. Face au vide spirituel laissé par une société de consommation dans laquelle l’argent et les biens matériels sont devenus une finalité, et la disparition du communisme en tant que forme de religion moderne, nous assistons à une résurgence du fait religieux dans un contexte de montée des fondamentalismes de tous bords et d’exacerbation des haines religieuses. Et pourtant, on a souvent imputé à l’analphabétisme ambiant ces dévotions irrationnelles et superstitieuses. Mais, même à l’aube du XXIè siècle, malgré une instruction largement répandue, les comportements demeurent (c’est soi-disant la « foi  »). La seule inquiétude que cela induise chez moi, c’est de constater que les replis identitaires religieux ne peuvent qu’accroître l’intolérance et le rejet de l’autre parce qu’il est « différent  ». Il serait temps de dire avec force que ces religions n’ont jamais eu pour seul but que d’accaparer un pouvoir qui ne pouvait être légitimé que par le divin (le principe du pouvoir de droit divin intervient après la légalisation du christianisme par l’Edit de Milan adopté par Constantin 1er en 313, qui perd dès lors son statut d’empereur-dieu) et qu’elles ont semé en nous des automatismes conditionnés, ayant pour but d’empêcher toute réflexion rationnelle. Se définir comme juif, chrétien ou musulman avant de se voir comme citoyen d’un Etat démocratique (ou prétendu tel) et laïque, là est le risque majeur. L’éveil des consciences est nécessaire et il est un préalable à toute action d’ouverture vers les autres. On pourra faire toutes les campagnes contre le racisme, tous les appels à la tolérance  : ils resteront lettre morte tant qu’on ne se sera pas débarrassé de ce poids religieux que nous traînons depuis près de trente siècles, et qui, loin de nous « libérer  », n’a eu de cesse de nous enchaîner psychologiquement. Quant à l’idée, voire l’argument, largement répandue, selon laquelle Dieu aurait fait l’homme libre de choisir, elle me paraît un peu légère, pour ne pas dire simpliste. Ce qui est sûr, c’est que ce Dieu n’a pas les mêmes élans de tendresse selon qu’on est Blanc, chrétien, et vivant aux latitudes moyennes, ou selon qu’on est Noir, pauvre et vivant dans des zones géographiques fragiles. Dieu a sûrement donné le choix aux Haïtiens de subir les dictatures, la misère, l’analphabétisme, les catastrophes naturelles et autres violences quotidiennes  : les voix de Dieu sont, paraît-il, impénétrables.

La tradition prête à Malraux cette prédiction, « le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas  ». Au vu de la première décennie, je dirais plutôt religieux et extrémiste. Depuis une vingtaine d’années, la religion dans ce qu’elle a de plus restrictif revient en force et s’invite dans le domaine public. L’islam est devenu le mal personnifié et l’instrumentalisation de Ben Laden et d’Al qaïda par les Etats-Unis et l’Occident semble conditionner une montée de l’islamophobie. Le terrorisme islamiste est devenu le nouvel ennemi de l’Occident éclairé et libéral. Il fallait bien justifier les stratégies états-uniennes après la chute de l’URSS, et l’Afghanistan a servi de trait d’union. Les attentats du 11 septembre 2001 sont arrivés à point nommé, et ont renforcé le sentiment d’insécurité et donc, la politique sécuritaire tous azimuts. Ainsi a-t-on distillé dans les esprits l’amalgame entre musulman et islamiste. Les intérêts stratégiques et pétroliers des puissances occidentales ne s’encombrent pas de détails d’éthique et l’évocation du « choc des civilisations  » par Bernard Lewis dans les années 1950 et repris par Samuel P. Huntington plus récemment (1993) en témoignent. Ce dernier en a cependant donné une analyse très différente de Lewis. Il n’est pas étonnant cependant de les retrouver auprès des néo-conservateurs de Bush, ce dernier n’ayant pas hésité à en appeler à Dieu pour l’aider dans son combat contre « l’empire du Mal  » avec l’aide des évangélistes et des juifs sionistes. Heureusement que les bouddhistes, les hindouistes et les animistes ne causent pas autant de soucis à la planète  ! Il n’y a vraiment que les trois religions révélées pour provoquer autant de dégâts, de haines et de fanatismes exacerbés.

Ne serait-il pas plus juste et plus honnête de dire que, comme les Grecs, nous avons créé Dieu à notre convenance, mais sous une forme unique et métaphysique pour mieux répondre à nos besoins et à nos limites d’entendement  ? Dire cela serait évidemment remettre en cause un ordre établi pluriséculaire, et plonger une partie de ceux qui s’y raccrochent, dans le désarroi le plus complet. Trop d’intérêts, de luttes de pouvoir et d’appât financier sont menacés.


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