Le spectre de la loi sur le blasphème

par Asif Arif
vendredi 29 novembre 2013

Au Pakistan, la loi sur le blasphème pourrait se définir comme une épée de Damoclès au dessus de la tête de l’ensemble des minorités (hindous, chrétiens, musulmans ahmadis, musulmans chiites, sikhs) ; dans un axe de réflexion tout à fait similaire, on pourrait également la qualifier de spectre ; ce même spectre du blasphème a encore fait des ravages.

 

 

Un médecin britannique

Selon les faits qui nous ont été rapportés, un médecin britannique de confession musulmane ahmadi, Docteur Masood, a été arrêté dans le district du Old Anarkali à Lahore, au Pakistan. Deux personnes sont venues visiter Docteur Masood et lui ont posé des question d’ordre médical dans un premier temps.

Après avoir rédigé l’ordonnance de prescription, les deux personnes se sont mises à poser des questions religieuses et le Docteur Masood y a répondu spontanément. Seulement, les deux inconnus avaient tout enregistré sur une bande vidéo et ont affirmé que le Docteur Masood avait commis un acte contraire à la loi sur le blasphème. Dans cette bande vidéo, que le quotidien Ahmadiyya Times s’est procuré, il semblerait que le Docteur Masood prononçait un verset du Coran à haute voix.

La répression des musulmans ahmadis au Pakistan

Largement détaillée dans une tribune écrite sur le site Le Cercle Les Echos, la situation des minorités au Pakistan est déplorable. Un rapport du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) est également venu condamner cette situation inacceptable au regard des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Reste que selon la Constitution pakistanaise, les musulmans ahmadis n’ont pas la possibilité de revendiquer tout droit qui laisserait supposer qu’ils appartiennent à la religion musulmane. L’Ordonnance XX, adoptée par le dictateur Zia Ul-Haq, a criminalisé la situation des musulmans ahmadis de sorte que toute revendication religieuse qui serait liée à la confession musulmane est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans. Les ahmadis, quant à eux, revendiquent être des musulmans et demandent à ce que leur liberté de conscience et de religion leur soient reconnues.

L’absence d’identité religieuse

En citant le Coran à haute voix, le Docteur Masood a commis un acte blasphématoire puisque, conformément à la Constitution et au Code pénal pakistanais, en étant un ahmadi, il n’avait pas le droit de se dire musulman et de réciter des versets coraniques. Lorsque les officiers de police ont emmené le Docteur Masood au poste de commissariat local, une foule de personnes s’est réunie devant afin de demander l’application de la loi sur blasphème.

Jusqu’à ce jour, aucune autre information ne nous a été apportée concernant cette affaire. Elle fait suite à de nombreux cas concernant les musulmans ahmadis (notamment l’assassinat d’une famille à Karachi) et à une montée fulgurante des mouvements extrémistes au Pakistan, ainsi qu’en témoigne l’attentat contre l’Eglise chrétienne du 22 septembre. Selon le rapport du HCR, plus de 40% des condamnations pour blasphème au Pakistan concernent des musulmans ahmadis.

Asif Arif

Directeur de Cultures & Croyances (www.cultures-et-croyances.com)

 


Lire l'article complet, et les commentaires