Le suaire de Turin : réponse à Sciences et Avenir et à quelques certitudes zététiques

par Cazab
jeudi 30 décembre 2010

Dans son numéro de janvier 2011, la revue Sciences et Avenir consacre un dossier de plusieurs pages au suaire de Turin. Un dossier assez bien fait et à jour, avec un scoop majeur : la datation de 1988 serait définitivement confirmée. Et l’article scientifique qui l’avait démolie en 2005 serait à son tour démoli par un autre expert. Le tout saupoudré d’affirmations péremptoires et « zététiques » et servi chaud juste avant les fêtes de Noël. Alors, on remballe tout et on n’en parle plus ? En fait, rien n’est réglé et l’année 2011 annonce aussi son lot de surprises. Voici quelques clefs pour comprendre le suaire de Turin : un dossier toujours ouvert et plein de chausse-trapes, où l’on comprend vite qu’il faut se méfier des publications tapageuses.

Timothy Jull, l’homme par qui la controverse continue

D’abord un mot pour résumer l’affaire de la radiodatation du suaire de Turin. C’est une affaire qui court depuis maintenant plus de 20 ans. En 1988, on procéda à un prélèvement d’échantillon sur un coin du suaire. On divisa cet échantillon et on en envoya une partie à trois laboratoires pour le dater. Le résultat fut clair : entre 1260 et 1390. Dès la parution de l’article dans la revue scientifique Nature, il y eut des contestations, et toutes les thèses ont surgi. En 2005, un chimiste américain, Raymond Rogers, ayant travaillé depuis longtemps sur le suaire publia des conclusions sans ambiguïté : l’échantillon venant d’une zone contaminée et donc non représentative du drap. La datation était bonne pour la poubelle. Or fin décembre 2010, la revue Sciences et Avenir dégaine un scoop : Rogers s’est trompé, et c’est un ancien de la datation C14, Timothy Jull qui l’affirme dans une autre revue scientifique. Alors, n’est-ce pas fort simple et l’affaire ne se termine-t-elle pas joliment ?

Toutefois ces révélations ne trompent pas ceux qui s’intéressent de près à l’affaire. Si, pour un néophyte, le dossier de ce magazine de vulgarisation est joliment bouclé, à y regarder de plus près la datation C14 de 1988 n’a toujours pas fait la preuve de sa validité.

Les arguments les plus faibles : la forme et l’homme d'abord

 Voici trois arguments qui relativisent la publication de Jull. Ce sont les plus faibles car ils portent uniquement sur la forme ou attaquent l’homme. Néanmoins ils viennent immanquablement à l'esprit, alors autant s’en débarrasser de suite.

Les étranges oublis de Sciences et Avenir

Après cette mise en bouche, passons aux éléments substantiels. Sciences et Avenir montre une jolie connaissance du dossier mais cela ne rend que plus étranges les oublis majeurs. La nuance vendrait-elle moins bien que le scoop ? On n’ose l’imaginer… Voici donc ce que la revue s’abstient de mentionner (la liste n'est bien sûr pas exhaustive) :

De la nécessaire prudence et du fond

La controverse continue

Comme on le constate, la validité de la datation C14 est très loin d’être prouvée dès que l’on veut bien introduire un peu de nuance et moins de scoop. Il ne reste qu’à attendre d’autres études mise en avant par Sciences et Avenir. Selon le spécialiste du suaire Giulio Fanti, professeur à l’Université de Padoue, la prochaine publication dans une revue scientifique, faite par des universitaires espagnols, devrait contredire l’étude de Rachel Freer-Waters et de Timothy Jull. 2011 ne sera assurément pas l’année de la fin de la polémique entre scientifiques sur la datation. Mais ce sera peut-être une année où la presse française reflètera un peu mieux l’état de la science et son avenir.

 

Références à l’appui

Il est naturellement impossible de mentionner ici toutes les références sur lesquelles je m’appuie pour cet article. Je me contenterai donc d’un échantillon que j’espère représentatif…

J.-B Rinaudo, C. Gavach, Le Linceul de Jésus enfin authentifié ?, François-Xavier de Guibert, 2010.

S. Cataldo, T. Heimburger, T. Castex, Le linceul de Turin, Complément d'enquête, Docteur angélique, 2010.

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