Le voile et la pudeur en Islam
par Argoul
vendredi 3 juillet 2009
C’est cette inversion qui cause problème. Ce n’est pas d’être musulman ou tout simplement pudique, mais de jeter sa différence à la face des autres, alors qu’on sollicite, dans le même temps de vivre sur son terrain, en profitant de tous les avantages annexes des libertés et du développement.
La vêture, en islam, concerne hommes et femmes. « Elle est envisagée au regard de la notion coranique de ‘awrât, ces parties du corps humain que la ‘pudeur’ exige que l’on cache à la vue des autres, ou plus exactement de certains autres », instruit encore l’article ‘voile’ de ce Dictionnaire. La pudeur s’oppose au désir, elle vise à neutraliser le corps pour ne pas éveiller les désirs. Toutes les sociétés connaissent la pudeur mais seules celles régies par les religions du Livre l’ont poussée à la caricature. On se souvient de la pudeur victorienne qui faisait mettre des jupettes aux pieds des tables, car il était « indécent » de montrer ses pieds… La burqa n’est qu’une application paysanne de cette manière. Le catholicisme n’est pas en reste, les tartuffes s’empressant de réclamer aux autres ce qu’ils sont incapables de maîtriser en eux-mêmes : « cachez ce sein que je ne saurais voir ! » La peur ne réside pas dans le pied, le visage ou le sein exposé – mais bel et bien dans le regard qui les voit. Est « indécent » la concupiscence de qui mate – pas la partie du corps naturel qui s’expose. Dieu ne nous a-t-Il pas créé à Son Image ?
De quoi comprendre l’obsession de sexe qui a saisi la psychanalyse dès Freud, les refoulements expliquant les névroses, le refus de la réalité les psychoses. Dieu père interdit le sexe pour monopoliser son pouvoir créateur : ses affidés rabbins, curés et ayatollahs usent de la pudeur comme d’une loi pour contrôler la société. Faut-il abandonner l’idée de Dieu pour vivre enfin débarrassé des tabous, des hypocrisies et des tourments ? Non, sans doute, mais peut-être faut-il plutôt se débarrasser de ceux qui se persuadent de parler en Son Nom…
La pudeur, en islam, concerne les deux sexes dès la puberté. Mais pas avant : ainsi, il n’est pas indécent à un garçonnet ou à une fillette d’aller tout nu. C’était le cas encore chez les Touaregs des années 1960. Dès la puberté, la pudeur des hommes et des garçons va du nombril aux genoux, d’où cette mode du short en piscine qui a éradiqué le slip depuis quelques années dans nos banlieues. Est-ce que voir les cuisses ou les fesses d’un mâle donne aux Croyants envie de le sauter ? Pour les femmes, tout dépend de l’évolution de la société musulmane : plus celle-ci est lettrée et cultivée, moins les femmes sont voilées – car il est considéré que la civilisation permet de dominer les instincts bruts. A l’inverse, les sociétés les plus archaïques, paysannes ou illettrées, voilent entièrement les femmes, leur voix même étant impudique, comme pouvant inciter à la fornication. Le Dictionnaire précise : « Il convient de remarquer que la ‘awra n’est pas une qualité intrinsèque de la femme en tant que telle, puisqu’elle varie en fonction de son statut social et religieux. »
Hypocrisie qui n’est pas propre à l’Islam car, le duel Bayrou-Cohn Bendit récent le montre, le Tartuffe de Molière est d’une brûlante actualité !
Mohammad Ali Amir-Moezzi (direction), Dictionnaire du Coran, 2007, Laffont Bouquins, 981 pages, 28.5€, article « voile »
Molière, Tartuffe, 1664, Folio, 230 pages, 2.85€