Les célébrations d’Ashoura

par Thomas GILBERT
jeudi 29 novembre 2012

« Il avançait, tantôt sur le ventre, que raclait les pierres, en s’aidant des mains et de la pointe des pieds ; tantôt sur les coudes, et la cuisse repliée de sa jambe valide… »

Miguel-Ange Asturias « Monsieur le Président »

Ashoura
Photographie Shahab Afsharan

Un jour comme les autres à Machad, capitale religieuse de la République Islamique d’Iran, les chants à la gloire du martyr chiite de l’Islam, l’Imam Hussayn, petit-fils de Mahomet, ont tout juste remplacé la diatribe antisémite et anti-américaine du président Ahmadinejad, l’hystérie des croyants venus répondre à l’appel de cette tradition ancestrale a tout juste remplacé les rugissements des bassidjis et les cris sourds de leurs victimes que l’on enterre dans la honte ; dans un Etat qui a proclamé en 1979, la souveraineté divine, un fanatisme en remplace un autre, puisque « Dieu est omnipotent et omniscient », il ne reste aux iraniens qu’à le servir. En 680, l’imam Husayn a été assassiné à Karbala par ses ennemis omeyades. Depuis lors, ses partisans « shiy’a » célèbrent son martyr dans un spectacle sanglant, en se mortifiant le corps et le visage, perdu dans leur foi, justifiant leur allégeance dans le sang et la souffrance. Dimanche dernier, les célébrations d’Achoura ont eu lieu à Machad. Selon des analyses contemporaines, la mise en place d’une République Islamique en Iran n’a jamais été un retour en arrière, un retour aux sources et à la tradition, mais l’établissement d’un ordre nouveau qui place le divin au centre de la vie politique, sociale et culturelle, et libère ses représentants illégitimes de leurs obligations essentielles en matière de respect des droits de l’homme.

Aschoura
Photographie Shahab Afsharan

Si l’on en vient à considérer, que la critique de la monarchie absolue et la marche vers une démocratie en Angleterre, ont été inaugurés par Thomas Hobbes lorsqu’il a émis quelques réserves à l’égard de la religion chrétienne, et dénoncé la tutelle des institutions romaines, on peut alors imaginer en faisant une extrapolation un peu osée, qu’une société qui ne se délie pas de la tutelle spirituelle et sacrée n’a aucune chance d’évoluer vers un système démocratique sur un modèle occidental, qui, quoi qu’il en soit, est plus respectueuse de l’homme. Les gouvernants en Iran fondent leurs prérogatives sur la volonté d’un dieu unique, et derrière le semblant d’humanité de toutes les religions, se cachent la misère de ceux qui ont décidé de l’exploiter pour contrôler les hommes. « Il n’y a de dieu que Dieu ». Les célébrations religieuses ou traditionnelles, les médias, et l’art participent alors au grand bal de la tyrannie embaumant la dictature avec un parfum si familier que l’on croirait l’avoir toujours désiré. A Machhad, un jeune garçon marche en se frottant le visage contre le sol aride et sec de l’Iran moderne. Il avance torturé au milieu des hommages de la foule en délire, venu commémorer la mort d’un tout autre martyr. Aux cris de « Husayn Kochtechod » (Hossein est mort), l’hystérie collective atteint son paroxysme, les hommes se frappent la tête avec des battes, les femmes chantent, et les vieillards hurlent, et cet enfant relève son visage plein de sang et de poussières, peut-être qu’il représente mieux à lui seul l’Iran du XXIème siècle que toutes ces analyses. Aveuglé par la poussière de Dieu, l’Iran a perdu la raison, elle rampe sur le sol faisant couler le sang de ses fils.  

"La pensée a des ailes, rien ne peut l'arrêter"

Ashoura
Photographie Shahab Afsharan

 

Ashoura
Photographie Shahab Afsharan


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