Les femmes de Mahomet et leurs maisons

par Emile Mourey
jeudi 22 janvier 2009

Mahomet fut un redoutable chef de guerre. Honnête, courageux et miséricordieux, il fut celui qui réalisa l’unité d’une Arabie que les luttes tribales et les vendettas à répétition avaient plongée dans une mortelle anarchie. J’ai évoqué le sujet dans mes articles des 10 octobre et 16 novembre 2006 et je n’y reviens pas. Je rappellerai seulement les dernières paroles que Mahomet prononça sur son lit de mort : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix. »

Redoutable chef de guerre, Mahomet fut aussi un habile politique et un fin stratège.

On raconte
que lorsque le prophète arriva à Médine, son chameau le conduisit tout droit sur un lieu sacré où il construisit par la suite une mosquée.

Ce passage se trouve dans le livre du musulman Tabari que je considère comme le récit le plus fiable et le plus authentique concernant la vie de Mahomet (Mohammed, sceau des prophètes, pages 134 et 135, éditions Sindbad, 1980).

Puis il alla loger dans la maison d’Abou-Ayyoud. Bien que sans ressources, Abou-Ayyout était le personnage le plus important de Médine. Mahomet lui laissa les parties hautes mais prit possession des pièces du rez-de-chaussée.

Admirons la grande humilité de Mahomet qui, dans un premier temps, a laissé à un pouvoir fragilisé par l’anarchie et par ses difficultés financières la responsabilité de la surveillance du haut de la terrasse, et donc, la responsabilité du maintien de l’ordre. A l’image d’Abraham, son illustre prédécesseur, Mahomet ne se présente pas comme un conquérant mais comme un invité, ou plutôt comme un hôte qui, en échange de l’hospitalité qu’on lui accorde, apporte son soutien militaire.

Comme on lui demandait comment il prenait la chose, Abou-Ayyoud avait coutume de dire : « Si vous demandez à quelqu’un comment il se trouve quand il a Dieu au-dessus de lui et le prophète de Dieu en dessous, que voulez-vous qu’il vous réponde ? »

 "Je suis un étranger, avait dit Abraham, mais néanmoins un résident (Gn 23,4)". Tabari dit à peu près la même chose. Il précise que le premier acte de Mahomet en s’installant à Médine fut d’élever une mosquée, puis tout à côté, sa propre maison (Tabari, page 125). De toute évidence, cette maison de Mahomet, chef de guerre, ne pouvait être que fortifiée et probablement très bien fortifiée. Abraham, lui aussi, prenait possession d’un territoire en commençant par y élever un autel (Gn 12,7-8) et ensuite, pour protéger cet autel dédié à Dieu, une fortification ; cela me semble évident.

Asad, fils de Zorâra du clan des Beni Naddjâr
fut le grand artisan de la venue à Médine du messager de Dieu. A sa mort, les Beni Nadjâr se tournèrent vers le prophète et lui dirent : « Ô apôtre de Dieu, donne-nous un naqib. » Mahomet leur répondit : « Vous êtes mes oncles. Je ne veux être que l’un des vôtres. » (Tabari, page 113).

Cette grande humilité de Mahomet va de pair avec une non moins grande habileté politique. Dans un premier temps, il refuse le pouvoir, mais cela pour mieux le saisir par la suite quand il sera en position de force. En effet...

En arrivant à Médine, Mahomet demanda à Abou Becker de donner l’ordre à sa fille Aïscha, qui se trouvait toujours à La Mecque, de le rejoindre (Tabari, pages 113 et 114).



Que signifie cette venue de la "famille" après la construction de la maison ? En tant qu’ancien militaire, j’avoue que cela me surprend. Ce dont avait besoin Mahomet pour rétablir l’ordre à Médine n’était pas d’une femme mais de partisans, les fidèles, ceux qui, à la Mecque, l’avaient accompagné dans son combat politique. En outre, s’il a acheté tout le terrain avoisinant, c’est bien pour y adosser des logements pour ses autres femmes, un logement par femme (pages 125, 169 et 353). Dans le langage militaire trivial de notre époque, on dirait aujourd’hui qu’il les a installées "à sa botte".

« O vous, femmes du Prophète, vous n’êtes pas comme les autres femmes. »

Cette phrase correspond très exactement au début du verset 32 de la sourate XXXIII de mon exemplaire du Coran. C’est une phrase qui fait débat dans le milieu musulman érudit. Cette sourate rappelle la situation des musulmans au moment de la guerre du fossé. Les adversaires de Mahomet qui détenaient le pouvoir à la Mecque avaient mis sur pied une très importante coalition en ralliant à leur cause des chefs de tribus victimes du blocus que Médine exerçait sur les voies du commerce. En outre, une partie de la population médinoise, qui avait à se plaindre des avantages que le prophète donnait aux musulmans immigrés, commençait à le lâcher plus ou moins "hypocritement". Certains semblaient même souhaiter la victoire des Mecquois qui les aurait délivré de Mahomet. Face à tous ces conjurés, Mahomet avait alors appelé l’ensemble des musulmans à l’union sacrée, ceux qui étaient venus à Médine et ceux qui se trouvaient encore à la Mecque. Car cette sourate est un véritable appel que Mahomet adresse à ses partisans, où qu’ils soient. Il leur demande de croire toujours en lui, d’agir mais tout en les mettant en garde contre les opérations "hypocrites" de l’adversaire. C’est une véritable guerre psychologique que Mahomet peut perdre ou gagner, une guerre où les combattants de l’ombre jouent un rôle important.... d’où l’évocation symbolique de voiles. Il s’agit, bien entendu, de mon interprétation. Je comprends qu’on puisse ne pas être d’accord, mais alors, qu’on m’explique ce que viennent faire ces femmes du prophète avec leurs voiles dans une sourate qui n’a pour objet que d’appeler des populations à soutenir des combattants défaillants face à des conjurés de toutes sortes qui menaçaient de les écraser ? Oui ! Je crains que le texte du Coran qui nous est parvenu ait été mal traduit, modifié, ou plutôt, mal interprêté.

L’histoire a une logique et, contrairement à tout ce que ses détracteurs prétendent, le Coran n’est pas un ramassis confus de citations égayées par des histoires de femmes. Quel est son message ? Dans le contexte de l’époque, cela ne peut être que celui-ci, selon moi. Bien entendu, je le répète , ce n’est que mon interprétation : « Populations musulmanes ! Vous n’êtes pas des femmes comme les autres. Si vous avez accepté de partager votre vie de tous les jours avec celui que Dieu a choisi comme messager, vous devez faire preuve d’un dévouement sans limite et d’une fidélité à toute épreuve. Prenez garde de ne pas tromper celui que vous avez épousé. »

Le Coran originel a-t-il été mal traduit, modifié, ou plutôt, mal interprêté ? Je le crains. Et cela depuis le début. En effet…

Mahomet avait vingt-cinq ans lorsqu’il unit sa destinée à Khadidja. Ayant acquis la réputation d’homme sûr, c’est tout naturellement qu’il se trouva chargé des nombreuses caravanes qui faisaient alors la prospérité de la ville.

Je me demande si Khadidja ne serait pas, en réalité, le nom de la grande bourgeoisie commerçante de la Mecque qui a soutenu Mahomet avant l’hégire. Première épouse du prophète, son union avec Mahomet correspond à une période de prospérité et de stabilité. Sa mort en marque la fin. Les luttes intestines au sein de la population mecquoise, la compétition des clans entre eux, ont ensuite affaibli un pouvoir qui ne tenait encore debout que grâce à Mahomet… jusqu’au jour où la situation politique le poussa à l’exil.

Qu’on relise l’histoire de Mahomet et l’on constatera que chacun de ses mariages correspond à une situation, à un événement ou à un acte politique en rapport avec une population.

Est-ce que derrière ces femmes qu’épousait le prophète, il n’y aurait pas des organisations, associations, cellules... publiques ou clandestines ?

Khadidja : organisation politique au sein de la classe commerçante dominante de la Mecque, avant l’hégire.
Aïscha : organisation politique des nouveaux partisans de Mahomet. Garde et entourage rapproché du prophète. Seule organisation n’ayant pas eu d’autres maîtres que Mahomet. Après la tentative de sédition d’Abdallah, a failli, dit-on, abandonner le prophète pour le jeune Cafwân. Est restée fidèle à Mahomet jusqu’à sa mort en dépit des difficultés de sa fin de règne.
Sauda : organisation politique regroupant les anciens musulmans du premier exil revenus d’Abyssinie.
Hafça : organisation traitant des affaires de justice selon la nouvelle loi.
Oumm-Salama : organisation politique liée au clan Makhzoum ralliée à l’islam. Après la mort de ses protecteurs au combat d’Ohod, recueillie par Mahomet.
Djouwaïriya : organisation des juifs amis du musulman Thâbit, rachetée par Mahomet.
Oumm-Habîba : anciens partisans d’Abou-Soufyan, grand adversaire de Mahomet, convertis à l’islamisme et accueillis par le prophète.
Zaïnab : organisation politique/réseau du fils adoptif de Mahomet passée sous les ordres directs du prophète.
Cafiyya : organisation politique des juifs convertis après la victoire de Mahomet sur les Juifs de Khaybar.
Maïmounna : organisation politique des convertis de la Mecque ralliés à Mahomet lors de sa visite de l’Accomplissement.

Essai de justification.

Ligue des vertueux, Parfumés, Confédérés, clans, tribus, familles, alliances, noms simples, complexes ou doubles, toute étude sur la société d’avant et du temps de Mahomet se perd dans les sables d’une extrême complexité d’où il ressort néanmoins une constatation : l’importance et le rôle des organisations et organismes du type réseau.

Cette culture des réseaux, Mahomet en a fait, d’après moi, un art de sa guerre. La belle jeune fille qui suit Mahomet après la défaite des Juifs Beni Qoraïzha, la belle Cafiyya qu’épouse le prophète après la chute de la forteresse juive de Kaybar, ne seraient (peut-être) pas seulement des femmes comme on peut le lire dans une lecture "en surface" de la sourate XXXIII mais également,et surtout, des organisations rassemblant des vaincus qui désormais se seraient mis au service de leur vainqueur. Lors de la visite de l’Accomplissement, pendant trois jours sur le mont Bat’hâ, le prophète attendit ceux qui, dans la population de la Mecque, voulaient venir à lui. Seule Maïmounna vint (s’inscrire)... autre organisation ??? (organisation plus ou moins secrète et d’autant plus efficace au sein de la population mecquoise).

Les épouses que Mahomet installe à Médine dans son entourage ne seraient-elles pas les comités directeurs de ces différentes organisations, réseaux plus ou moins clandestins restés sur place qui renseignaient le prophète et noyautaient les populations vaincues mises sous tutelle ?

Ainsi s’expliquerait le conseil qui était donné de ne s’adresser à ces femmes que derrière un voile (pour ne pas les compromettre, verset 53 de la sourate XXXIII). Ainsi s’expliquerait - Tabari, page 114 - qu’Aïscha ait pris parfois le visage de l’ange Gabriel (l’ange, agent de renseignement par excellence). Ainsi s’expliqueraient les dérogations matrimoniales accordées à Mahomet puisque ses alliances n’étaient des femmes que pour le symbole (verset 49 de la sourate XXXIII). Ainsi s’expliquerait le mariage du prophète avec Aischa, une organisation de fidèles qui n’avait que neuf ans d’existence.

Bien sûr, tout ce que je viens d’écrire n’est qu’hypothèses. Bien sûr qu’en tant qu’ancien militaire, je privilégie ce qui est stratégie au risque de l’erreur. Mais si les exégètes musulmans pensent que, mariée à quarante ans, Khadidja, après avoir eu sept enfants, pouvait encore, à cette époque, en avoir un huitième vers quarante-huit ans, eh bien, il faut croire au miracle.


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