Les JMJ vues de l’intérieur

par eratosthène
mardi 23 août 2011

Cet article se veut être un témoignage sur les JMJ vu par un participant. Les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) qui se sont tenues à Madrid du 15 au 21 août ont accueilli près de deux millions de jeunes catholiques du monde entier.

Les Journées Mondiales de la Jeunesse qui ont accueilli près deux millions de catholiques entre 16 et 30 ans à Madrid viennent de se terminer. Les JMJ se sont tenus en deux temps. Du 11 au 14 août, les jeunes ont été dans un diocèse d'accueil en Espagne ou dans l'unique diocèse d'accueil français, celui de Bayonne. Du 15 au 21 août, tous les jeunes se sont retrouvés à Madrid notamment pour la messe finale avec le pape.

Les JMJ sont une expérience particulière et unique. La messe finale à l'aérodrome militaire de Cuatro vientos était quelque chose de particulièrement impressionnant à voir. Près de deux millions de gens se retrouvent là pour prier ensemble et partager leur foi. L'ambiance était électrique, les gens chantaient, criaient, acclamaient le pape. En tant que jeune catholique, on se sent rassuré. Pour un un reprendre un slogan des JMJ, "no estoy solo" c'est à dire "je ne suis pas seul". On est en présence avec des gens du monde entier, de toute origine sociale, de tout courant du catholicisme avec qui on peut parler et approfondir sa spiritualité. C'est là qu'on se rend compte que l'Église a vraiment de multiples facettes. On trouve aussi bien des croyants traditionalistes que des jeunes avec des piercings ou des tatouages.
 
Ainsi, on se sent vraiment raffermi dans sa foi car pendant cette semaine de JMJ, on peut vraiment prendre le temps d'échanger et de prier avec les autres. La catéchèse occupait une position centrale. De la matinée jusqu'au début d'après-midi, on se retrouvait entre jeunes du diocèse (l'équivalent du département pour l'Église) dans une paroisse qui nous accueillait. Un évêque venait faire une conférence sur le thème du jour. Parmi les thèmes, on a eu par exemple l'évangélisation (raconter l'évangile aux autres) et être raffermi dans sa foi. Se suivait une séance en petits groupes où on écrivait une question et une conviction. L'évêque invité et les prêtres du diocèse répondaient ensuite aux questions. La catéchèse se terminait ensuite par une messe. Même si le thème était commun à tout le monde, le contenu pouvait varier dans la paroisse en fonction de l'évêque qui venait présenter son enseignement et de l'équipe pastorale qui animait la catéchèse. Vous pouviez tout à fait vous retrouvez dans une catéchèse plutôt traditionaliste avec un évêque conservateur comme dans une catéchèse très participative et dynamique avec beaucoup de chants et de danse ainsi qu'un évêque modéré. Sur le thème de l'évangélisation, l'évêque que j'ai eu nous expliquait que l'on devait aller évangéliser les non croyants parce que l'on détenait la vérité absolue qui était contenue dans les saintes écritures. A l'inverse, un ami dans une autre ma paroisse m'a dit que leur évêque leur disait que l'évangélisation consistait d'abord à vivre soi même et qu'il était méprisant vis à vis des autres de considérer qu'on détenait la vérité. Comme le montre cet exemple, il serait erroné de croire que l'Église catholique est monolithique. Elle est composée de plus d'un milliard de croyants qui peuvent avoir des convictions très différentes mais néanmoins, ils se retrouvent tous dans une personne débordante d'amour, le Christ qui s'est sacrifié pour toute l'humanité.
 
Le seul reproche que je ferai aux catéchèses était qu'elles étaient un peu longues et répétitives. Elles prenaient l'allure de cours magistrale où les participants restaient assez peu impliqués (néanmoins, cela varie selon les animateurs de la catéchèse). Ce qui était dommage, c'est qu'on restait entre diocèse. L'organisation madrilène n'a fait aucun effort pour varier les activités proposées la matinée. Il n'y a aucune catéchèse organisée entre des jeunes de différents pays, contrairement à ce qui se fait aux rencontres européennes de Taizé par exemple (Taizé est un village de Bourgogne où vit une communauté de moines œcuménique qui organise chaque année une rencontre avec des jeunes dans une capitale européenne). On n'était libre qu'en milieu d'après-midi et on rencontrait finalement assez peu d'étrangers. Les jeunes se croisaient l'après-midi dans Madrid mais il n'y avait pas d'activité de rencontre proposée. Le nombre important de participants obligeait les gens à ne pas s'éloigner de leurs groupes pour éviter de se perdre et il fallait se déplacer pour aller aux activités donc on n'avait pas tant de temps que ça pour discuter.
 
L'après-midi était libre. Les jeunes majeurs se déplaçaient librement alors que les mineurs restaient en groupe avec un responsable. Toute sorte d'activité était proposée. Il y avait aussi bien des activités d'échange autour de la vocation organisée par des congrégations religieuses que des concerts, des pièces de théâtre ou des films. Les jeunes pouvaient aussi faire du tourisme ou se reposer dans un parc comme le très grand et très beau parque del retiro par exemple. Il y en avait vraiment pour tous les goûts (voir le portfolio sonore du monde sur le parque del retiro). On pouvait aussi trouver de la musique religieuse classique que des concerts de rock ou de métal. Je citerai, Jean-Marie Guénois, l'envoyé du figaro à Madrid :
Voilà donc une Eglise catholique, universelle, un peu déjantée, en tee-shirt, bronzée, qui se dandine sous des airs de rock. C'est étonnant. Mais c'est bien pour cela que ces jeunes sont là. Ils se reconnaissent dans cette foi commune qui dépasse toute frontières culturelles, sociales, linguistiques, ethniques, raciales. Catholique, certes, ce rassemblement est unique en son genre. Je ne lui connais pas d'équivalent. Une sympathique globalisation, sous vos yeux, en direct, palpable. Le tour du monde en un jour.
 
A plaza de España le 16 août, des milliers de jeunes se retrouvent pour le concert de Glorious (rock chrétien) dans une ambiance festive et conviviale (vous pouvez voir une vidéo ici). Le prêtre des loubards, Guy Gilbert, a tenu un bref discours pour saluer la jeunesse qui venait aux JMJ.
 
Quelques soirées ont été ponctuées par des moments forts comme la messe d'ouverture, le chemin de croix. Il fallait arriver plusieurs heures à l'avance sous la chaleur écrasante de Madrid. Les pompiers et les volontaires passaient pour asperger d'eau la foule qui attendait sous le soleil. Pour autant, cela n'enlevait pas l'enthousiasme des jeunes prêts à chanter, prier et acclamer le pape.
 
Néanmoins, le contenu des messes n'était pas adapté aux JMJ. La messe d'ouverture était essentiellement en latin et en espagnol. Il était impossible de trouver la fréquence radio des traductions en Français. La messe d'ouverture avec l'archevêque de Madrid était très belle à voir à la télévision mais particulièrement ennuyeuse, ce dernier se contentant de lire sa masse de polycopie en Espagnol. Il y avait peu de chants qu'on connaissait, à part celui l'hymne des JMJ, « firmes en la fe ». L'Eglise catholique montrait sa difficulté à répondre aux attentes des jeunes sur ce point précis. Comme pour la catéchèse, on restait passif et on était peu impliqué, ce qui est vraiment dommage.
 
L'autre bémol dans les JMJ a été l'attitude de certains manifestants anti-JMJ très agressifs. Le 18 août, j'ai croisé un groupe de jeunes Espagnols participants aux JMJ qui ont été agressé physiquement et violemment bousculés par des manifestants. Ensuite, près de la puerta del sol, nous avons croisé un groupe d'une quinzaine de personnes habillés tout en noir qui étaient très agressifs, injurieux et qui cherchaient clairement la bagarre. Le même jour, des jeunes de l'aumônerie de Toulon qui se sont interposés face à des manifestants pour protéger des prêtres qui allaient se faire lyncher par un groupe extrémiste, ont eux aussi été frappés. Ces agressions s'expliquent par le fait que la police, qui était présente à la puerta del sol pour s'interposer, s'est retirée le mercredi soir, laissant les groupuscules anticléricaux libres d'agir à leur guise. Néanmoins, il ne faut pas généraliser. J'ai pu rencontrer aussi des manifestants anti-JMJ très respectueux avec qui j'ai pu débattre. Ils m'ont expliqué qu'ils voulaient la fin du concordat avec l'Église d'Espagne. Je leur ai répondu pour ma part, que j'étais français et donc que je venais d'un pays laïque. Je comprenais tout à fait cette revendication mais je leur ai dit qu'ils se trompaient de cible en s'attaquant aux JMJ.
 
Au final, comme j'ai pu le dire avec mon Espagnol exécrable, « somos todos en la misma mierda ». La crise économique ne fait pas de différence de religion et les jeunes catholiques sont des jeunes comme les autres qui rencontrent exactement les mêmes problèmes au quotidien.
 
Pour clore la polémique sur le coût des JMJ, il faut savoir que ces derniers ont rapporté 160 millions d'euros à l'économie madrilène se selon le président de la Chambre de Commerce de Madrid (source : la croix) contre 50 millions d'euros dépensés par les pouvoirs publics. Le taux d'occupation des hôtels est passé de 40 à 70%. Le million et demi d'inscrits aux JMJ allaient manger dans les 2500 restaurants partenaires avec leurs tickets repas. Les gens présents sont aussi allés boire dans les bars, acheter des souvenirs, etc...
 
Le dernier point négatif concerne l'organisation des JMJ. Les organisateurs n'ont pas réalisé ce qu'était accueillir près de deux millions de personne. A cuatro vientos, on était entassé dans les carrés qui nous était délégué et il n'y avait aucune coordination au sein des volontaires et des policiers présents. Je n'ai pas vu un seul talkie-walkie parmi les volontaires. On est resté sous le soleil à plus de 45 degrés toute la journée à cuatro vientos en manquant d'eau. Il y a eu beaucoup de malaise et la croix rouge sur place était débordée. A la tente à côté de mon carré, il y avait 400 personnes malades pour 100 places.
 
Mais ni la chaleur en journée, ni l'orage en soirée, n'ont eu raison de la volonté des deux millions de personnes présentes. La vigile avec le pape même si elle a été gênée par la tempête est resté très belle. La messe finale le lendemain matin était un moment très fort aussi, le pape est passé en mobile près des carrés. Je ne me suis plus que jamais senti raffermi dans ma foi. L'homélie du pape était très bien (texte accessible ici). Ma foi dans le christ et dans son message d'amour adressé à tous l'Humanité est encore plus vive.
 
Pour conclure, je reprendrai cette phrase du pape adressé aux francophones : « N'ayez pas peur d'être catholiques. Dîtes-le en toute simplicité et en toute vérité »

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