Les menaces de mort contre Molly Norris, ou l’autre affaire des caricatures de Mahomet

par Catherine Segurane
jeudi 15 juillet 2010

La dessinatrice Molly Norris, de Seattle, est menacée de mort par Al Qaida, qui la soupçonne d’être à l’origine de la seconde affaire des caricatures de Mahomet. Cette seconde affaire, caractérisée par la journée du 20 mai 2010 intitulée "Jour où tout le monde dessine Mahomet", a donné lieu, en particulier au Pakistan à des réactions hystériques, allant du blocage de Facebook à des démarches devant l’ONU pour instituer mondialement la peine de mort pour blasphème. Le plus grave est que le tout nouveau journal en ligne d’Al Qaida a décrété la condamnation à mort de Molly Norris, ainsi que, par extension, de tous ceux qui ont participé au concours de caricatures, et par extension encore, de tous les Occidentaux.
 
Cette "autre affaire" des caricatures de Mahomet démarre de façon un peu mystérieuse avec une page Facebook (aujourd’hui disparue) déclarant, en anglais, que le jeudi 20 mai 2010 sera le "Everybody draw Mohamed day", le jour où tout le monde dessine Mahomet. L’idée de départ est attribuée, au moins par les islamistes, à Molly Norris, aujourd’hui sous menaces de mort par ’Al Qaida. Celle-ci a pourtant déclaré ne pas être à l’origine du groupe Facebook, désavouer la journée du 20 mai, et a même présenté ses excuses au monde musulman.

La controverse a débuté après qu’un épisode du dessin animé "South Park" a été censuré par une chaîne américaine pour avoir utilisé Mahomet comme personnage. En réponse à cette censure, une dessinatrice de bande dessinées, Molly Norris, a posté sur le Net un post qui montre divers objets, dont une tasse et une cerise, qui affirment être Mahomet. Pour plaisanter, elle appelait dans ce post à organiser , le 20 mai, une "journée où tout le monde dessine Mahomet". Le post est devenu viral. Il a été pris au sérieux, et la journée a été vraiment organisée avec comme quartier général la page Facebook.

Une personne interrogée sur la chaîne MSNBC et se présentant comme le créateur de la page a affirmé que l’idée de départ était de défendre "la liberté d’expression". 

"Nous n’avons jamais pensé que ça se développerait à ce point", a ajouté cette personne, identifiée comme s’apelant "Andy". 

"Nous pensons que la lutte pour la liberté d’expression ne peut être limitée par un pays comme le Pakistan", a poursuivi "Andy", assurant qu’il ne s’agissait pas d’une incitation à la haine contre les musulmans. 

Ce n’est donc plus un seul journal qui publie une série de caricatures de Mahomet, comme ce fut le cas en 2005 au Danemark lors de la première affaire des caricatures, c’est un concours mondial qui est lancé. Il va susciter une série de réaction diverses, allant du blocage de page sur internet à cet appel au meurtre.
 
On rappellera que la première affaire des caricatures n’est pas terminée, et que l’un des dessinateurs, Kurt Westergaard, a été victime d’une tentative de meurtre en début d’année. C’est le deuxième projet d’attentat contre Westergaard : un premier attentat, dans le but de l’étrangler, avait déjà été planifié. Une tentative d’incendie criminel eut lieu contre la maison d’un autre caricaturiste, Lars Vilks, heureusement sans dégâts humains.
 
Il en fallait cependant plus pour décourager les mystérieux initiateurs de la journée du 20 mai. Leur idée fut largement relayée, en particulier sur Youtube. Le Pakistan, furieux, fit bloquer Facebook jusque fin mai, puis ce fut le tour de Youtube. Puis, ce fut le tour de tout site, page ou adresse connu du Pakistan pour diffuser des caricatures, et ils étaient nombreux, puisqu’il s’agissait d’un concours ouvert à tous. Huit cent adresses internet tombèrent au champ d’honneur de la guerilla informatique, dont des pages de Wikipedia. Cette encyclopédie en ligne fut même un temps bloquée complètement, l’autorité de régulation du Pakistan ayant estimé qu’on y trouvait de plus en plus de pages "blasphématoires". 
 
Le 19 mai, veille du grand jour, Poste de Veille publia en ces termes des nouvelles du front : 
 
"La Journée Tout le monde dessine Mahomet le 20 mai n’a pas pour objectif d’écœurer les musulmans, mais de rappeler que l’Occident n’est pas régi par la charia et que la liberté d’expression, fondement de la démocratie, est un acquis non négociable. Près de 43 000 personnes sont inscrites à ce groupe Facebook revendiquant la liberté de blasphémer l’islam et d’innombrables blogues publieront demain des dessins de Mahomet, n’en déplaise aux âmes sensibles. Avis aux fanatiques musulmans et à leurs collabos : plus vous protesterez, plus il y aura de caricatures de Mahomet sur Internet. Vos menaces sont contre-productives."
 
Plus de 11 000 dessins furent réalisés.
 
L’accès à Facebook et Youtube fut rétabli à partir du 26 mai, sauf pour des pages jugées blasphématoires. 
 
Des manifestations monstres, avec appels au meurtre, se succédèrent plusieurs jours durant au Pakistan.
 
Un autre front se situe à l’ONU. L’Organisation de la conférence islamique (OCI) y faisait déjà un intense lobbying en faveur d’une législation internationale condamnant le blasphème. Ces tentatives se durcirent encore. 
 
L’assemblée nationale du Pakistan adopta à l’unanimité deux résolutions, dont l’une exigeait que les Nations Unies adoptent une loi mondiale rendant le blasphème passible d la peine de mort. 
 
En outre, plus de deux douzaines de groupes religieux pakistanais, regroupés sous l’égide de la JUD , une importante organisation "caritative" à la mode islamique, ont décidé de saisir l’ONU d’un projet de législation mondiale prévoyant la peine de mort pour le blasphème.
 
Pour Al Qaida, pas besoin d’attendre l’issue des parlottes onusiennes : ces honorables gentlemen ont leur journal en ligne, comme les lecteurs d’Agoravox le savent. Ce journal n’a pas perdu son temps pour aller à l’essentiel : son premier numéro prône l’exécution de ceux qui "diffament" Mahomet.

"La solution appropriée à cette campagne de diffamation (du prophète) qui monte en puissance" est "l’exécution de ceux qui sont impliqués", lit-on dans cet article cité par SITE.

L’article évoque notamment la caricaturiste Molly Norris, qui "devrait être l’une des principales cibles à assassiner, avec les autres personnes qui ont participé à sa campagne", selon l’article publié dans le magazine d’Aqpa.

Les exécutions ne doivent toutefois pas se limiter aux participants de la journée initiée par la caricaturiste, affirme encore le texte. "Parce que (les participants) usent d’un droit défendu par la loi, ils sont soutenus par l’ensemble du système politique occidental. Cela rend (...) l’attaque de n’importe quelle cible occidentale légale du point de vue islamique", peut-on y lire. "Nous allons lancer des attaques, nous allons bombarder, nous allons assassiner, et puissent nos mères porter notre deuil si nous ne nous élevons pas pour prendre la défense (de Mahomet)".


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