Les véritables objectifs de la manifestation des catholiques de dimanche

par Daničle Dugelay
samedi 12 janvier 2013

Les religions et, en particulier, l'Eglise catholique appellent leurs fidèles à manifester contre le projet de loi instituant le "mariage pour tous". Elles cachent les véritables motifs de leurs actions. Dans un souci de vérité, je pense devoir les révéler.

Ne vous y trompez pas, si la hiérarchie catholique appelle à la mobilisation de ses fidèles pour participer à la manifestation de dimanche contre « Le mariage pour tous », ce n’est pas pour une simple question de conviction morale, ni pour « protéger les enfants ». En fait, il s’agit pour elle de défendre le dogme, comme elle l’a fait contre Galilée et beaucoup d’autres, chaque fois en s’opposant à un progrès, parfois scientifique, aujourd’hui sociétal.

En effet, le mariage est défini dans le catéchisme comme l’union entre un homme et une femme, assorti de quatre piliers dont l’un est la procréation. Personne ne doit toucher au catéchisme et sa définition du mariage est « sacrée », comme ils le rappellent si bien. Bien entendu, nombreux sont ceux qui leur ont rappelé que la loi concerne le mariage civil et non le mariage religieux, mais ils n’en ont cure. En effet, le Service Pastoral d’Etudes Politiques a des projets pour l’avenir proche et, parmi ceux-ci, celui d’obtenir la reconnaissance du mariage religieux à égalité avec le mariage civil. On peut alors supposer que ce dernier deviendrait inutile en cas d’union devant le prêtre. Il est donc préférable pour l’Eglise que les deux cérémonies soient fondées sur des bases identiques et, notamment, sur la même définition du « mariage ». Vous pouvez vérifier cette information sur le site de « Liberté Politique » qui est, en quelque sorte, le bulletin informatique du Service Pastotale d'Etudes Politiques (SPEP).

Peut-être ne connaissez-vous pas Le Service Pastoral d’Etudes Politiques ? Il est situé à Sainte-Clotilde, à deux pas de l’Assemblée Nationale, si proche qu’un employé de la Chambre des Députés m’a parlé de cette église comme d’une annexe catholique au service de nos parlementaires. Ils peuvent assister à des messes régulières et une « Messe des responsables politiques » annuelle, lors de la rentrée en automne. Là, nos élus et leurs conseillers volontaires reçoivent les instructions données par le Vatican. Le prêtre responsable de cette basilique est souvent appelé « l’aumônier des parlementaires ». Il paraîtrait – mais là je le dis sous toute réserve – que de nombreuses propositions de lois passent par le SPEP avant d’arriver sur le bureau de l’Assemblée ou du Sénat. Vous vous croyiez dans une République laïque ? Elle est en effet ainsi qualifiée dans notre Constitution et notre laïcité républicaine s’exerce selon les termes de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat de décembre 1905. Cependant, il semble qu’aucun Président, aucun gouvernement n’ait eu le désir de mettre de l’ordre dans tout cela. Au contraire, Lionel Jospin a institutionnalisé la rencontre annuelle avec les autorités religieuses, Sarkozy a resserré les liens entre les institutions religieuses et l’Etat, imaginant avant de partir les « conférences départementales des libertés » dans chaque préfecture avec les autorités religieuses, heureusement pas encore mises en place partout ; il semble que ce projet soit actuellement en discussion. Par contre, les membres de notre gouvernement ne manquent pas d’honorer en tant que tels les manifestations religieuses et d’organiser des rencontres fréquentes. En réalité, nos dirigeants parlent souvent de laïcité, mais n’ont de cesse de l’étrangler.

Que cela soit bien net : la laïcité n’est pas la tolérance, ni l’égalité entre les religions, ni la liberté de conscience ou d’exercer un culte. La laïcité est le principe politique de séparation entre les religions et l’Etat. Si vous avez un doute, je vous invite à ouvrir un dictionnaire, en papier et récent. De la même façon, le cléricalisme a une définition précise : « fait d’être favorable à l’intervention du clergé dans les affaires publiques » (Littré 2009). Le cléricalisme est illégal et l’appel des évêques à manifester contre un projet de loi l’est tout autant. Chaque citoyen, prêtre, imam, pasteur, rabbin, croyant, agnostique ou athée a le droit de manifester, mais pas l’Eglise catholique ou toute autre religion et elles n’ont pas non plus à favoriser une expression politique.

En appelant ses fidèles à organiser ce rassemblement, l’Eglise catholique s’immisce dans les affaires publiques et, dans ce cas, elle refuse une évolution du mariage afin qu’il demeure conforme à ce qu’il est dans son propre projet politique, autant dire qu’elle entend faire entrer son dogme dans nos institutions. C’est inadmissible et cela le serait tout autant si cela venait d’une autre religion.

 

L’épiscopat réclame un grand débat public. Que ne l’a-t-il pas fait dans ses propres rangs puisque certains prêtres doivent exprimer leur désaccord par écrit dans la presse (1) ? Les « débats » réclamés par l’école catholique pour ses élèves ressemblent certainement plus à des leçons de catéchisme qu’à une discussion logique et relevant de l’esprit critique, puisque la conclusion est « vérité dogmatique ». Le dogme ne se discute pas, il s’impose : il est donc contraire à l’idée de débat démocratique. De plus, ces échanges sont restés à l’abri du « huis clos » dans les établissements, ce qui est contraire à la notion de débat public.

L’Eglise catholique prétend que cette loi serait contraire à la nature et mettrait en danger les enfants. Mais enfin qui fait injure à la nature si ce n’est l’Eglise elle-même ? Pourquoi impose-t-elle le célibat aux ministres du culte, c’est-à-dire l’abstinence si ceux-ci veulent s’en tenir aux lois de l’Eglise ? Et il en est de même pour les moines et les sœurs. Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait d’horribles faits divers dans les médias quand on s’oppose ainsi aux instincts naturels des êtres humains. Ils prétendent défendre les enfants, mais combien de petites victimes innocentes ces dispositions idiotes ont-elles faites ? Combien de familles détruites ?  Quelle tyrannie d’imposer ces règles contraires à la nature !

 

Aussi, je veux mettre en garde tous ceux qui manifesteront dimanche : ils se trouveront intégrés parmi des cléricaux acharnés, souvent fondamentalistes, et accompagneront des membres du Front National, des Identitaires et toutes sortes de groupes d’individus d’extrême droite. Je ne pense pas que ce soit de bonnes fréquentations pour eux et surtout pas pour leurs enfants. Ne doutons pas que cette action rassemble une foule importante. Je suis assez âgée pour me souvenir de celle de Versailles où les laïcs, les personnels, les parents d’élèves, les élèves majeurs (j’espère !) des écoles catholiques, hors contrat ou même sous contrat, avaient été pratiquement contraints d’y participer sous les arguments efficaces de la carotte et du bâton.

 

Voilà pourquoi je tiens à informer les citoyens des objectifs véritables de cette manifestation : imposer le dogme, peut-être le Droit canon, dans notre Droit Civil républicain.

 

  1. Voir le site golias-news.fr

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