La laïcité est instrumentalisée en idéologie du rejet de la différence et de l’altérité. Cependant, ce sont les chiffres qui en parlent le mieux et expliquent le fond d’un problème qui crée un faux débat.
Les médias, souvent sous la coupe et l’influence des politiques, nous serinent l’idée suivante : les femmes qui portent la burqa sont en danger et malheureuses. Ce « costume » traditionnel est en soi une atteinte à la liberté. Il faut donc une loi pour les protéger, malgré elles, sans tenir compte de leur envie profonde. Le problème est donc posé. Il faut maintenant creuser l’affaire et essayer de comprendre le pourquoi du comment.
En France, 367 femmes porteraient ce vêtement dit intégral. Ce chiffre ne me semble pas erroné dans la mesure où en tout et pour tout, même en promenant dans diverses régions, j’ai dû en croiser 2 à tout casser. Les forcenés laïcistes favorables à un projet de loi interdisant le port de la burqa et du niqab vont me répliquer dare-dare : oui mais souvent, ces femmes ne sortent pas de chez elles, alors c’est normal de ne pas les voir. Bien sûr, je suis entièrement d’accord, mais dans ce cas, le chiffre de 367 correspond à quoi ? Comment les a-t-on comptabilisées ? Les RG qui ont balancé ce chiffre ont-ils simplement donné le nombre de femmes qui peuvent être vues ou alors l’ont-ils pondéré (ce qui serait prudent en matière de statistiques) en tenant compte de celles qui ne sortent pas ? Là est l’astuce ? Sont-elles bien 367 ou beaucoup plus comme le nombre des chômeurs en France d’ailleurs (humour de ma part…).
Toujours dans un souci de compréhension, j’ai fouillé un petit peu sur les faits. J’ai trouvé quelques petits trucs étonnants que je voulais vous soumettre.
En France, on compte actuellement 113 carmels et 1380 carmélites. Bénédictines, clarisses, dominicaines et visitandines, autres religieuses contemplatives (joli mot !) sont environ 7 800. C’est-à-dire qu’en France, plus de 9 000 religieuses (qui sont aussi des femmes) sont cloîtrées, habillées de la tête aux pieds en cachant la moindre parcelle de cheveux. On ne les voit pas mais elles existent. Loin de nous, de notre regard. Je me suis demandée si la nouvelle loi dite de protection de la femme pouvait les concerner. Cela semblerait légitime non ? Ah oui, mais elles, on ne les voit pas. Donc, elles ne gênent pas notre regard laïc. Et puis bien sûr, il va de soi que ça correspond pile poil à la culture française. D’autre part, on pourra m’objecter que ces femmes ont choisi librement de porter le voile (oui, on dit ça pour les religieuses chrétiennes) et de se consacrer corps et âmes à Dieu.
En continuant sur les chiffres qui, d’après le courant intégriste de la pensée unique, pourraient porter atteinte à la dignité de la femme, j’ai trouvé d’autres chiffres encore plus étonnants :
- En France, en moyenne, tous les 3 jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint.
- Toujours en France, environ 50 000 plaintes pour viol sont déposées chaque année, sans compter, ces femmes qui, par peur, ne portent pas plainte.
- 6% des femmes ont subi des injures sexistes en 2005.
- Le salaire des femmes est inférieur de 27% à celui des hommes.
Mais bien sûr, Madame Amara préfère fermer les yeux sur ces faits (étonnant de la part d’une militante active qui prétend lutter contre toutes les formes d’oppressions faites aux femmes) pour marteler obsessionnellement qu’il faut tout faire pour stopper la propagation de la burqa en France, comme si c’était une maladie honteuse, une sorte de peste à éradiquer à tout prix. En tant que femme, laïque de surcroît, je souris. La seule qui me semble avoir un raisonnement moins simpliste dans cette affaire est la verte Cécile Duflot.
Dans le Parisien du 18 juin 2009, on trouve ceci : La secrétaire générale des Verts Cécile Duflot ne pense pas qu’une éventuelle interdiction du port du voile intégral puisse "amener quelque chose de positif", le risque étant que les femmes musulmanes concernées "disparaissent de notre vue" et que leur situation soit "pire".
"Le port du voile intégral me heurte humainement en tant que femme, en tant que féministe mais la stigmatisation, ça ne me semble pas être une bonne solution. Je ne pense pas que l’interdiction brutale va amener quelque chose de positif", a déclaré Mme Duflot en juin 2009 sur Canal+. (Raisonnement typiquement politique il est vrai : on ménage la chèvre et le chou)
Le mot est lâché : stigmatisation. En légiférant, les politiques pointent du doigt ces femmes et les jettent à la vindicte populaire. Regardez ces femmes qui bafouent notre laïcité française ! nous dit-on. Les médias relaient copieusement les idées préconçues en parlant de souffrance, de non-choix, d’acte liberticide de la part de leur proche de laisser ces femmes porter ce vêtement "moyenâgeux". En allant plus loin dans cette stigmatisation, on peut affirmer, sans trop prendre de risque, que c’est tout simplement la religion musulmane qui est mise à l’index. En ignorant l’acte liberticide catholique à l’encontre des religieuses (cloître, voile, interdiction de sortie…) mais en légiférant sur la Burqa, nos politiques annoncent la couleur : la France, état laïc, approuve les religions catholique et juive (les loubavitchs avec leurs papillotes, costumes noirs, chapeau etc.), mais réprouve les coutumes musulmanes. Pourquoi, dans ce cas, ne pas déshabiller les rabbins, les nonnes, les prêtres, évêques et tutti quanti ?
Naïvement, je pensais pourtant que nous étions dans un état laïc, où la liberté de culte (et aussi de culture) était autorisée et ne souffrait d’aucun interdit. Fichtre, je tombe de haut…
Sous le prétexte fallacieux de sauvegarder la laïcité, nous assistons progressivement, successivement et inexorablement à l’intrusion inflationniste du législatif accompagné par son cortège règlementaire, dans la sphère des libertés individuelles.
On allume des mèches, on tire à boulets rouges sur un adversaire désigné (toujours le même) dont les aspirations supposées contreviendraient à l’idée de la démocratie et de la République, on fabrique à l’aide des médias alignés, un ennemi à abattre qui entretiendrait la menace perpétuelle dirigée contre les valeurs inspirées par l’esprit des lumières de l’histoire de France.
Désormais, on constate que l’existence de ces femmes constitue aux yeux d’une portion de l’opinion publique (promptement manipulée et manipulable à loisir) une agression et une atteinte à la bonne morale républicaine et que certains, pour des motifs purement partisans, s’empressent de reléguer en dehors de la sphère publique. Le but inavoué de ce désir de légiférer consiste vertueusement à diaboliser une frange de la population de part ses vêtements, son attitude ou ses coutumes.
Cela crée donc un précédent et ouvre une boîte de Pandore à partir de laquelle tout est possible. Ainsi, chaque personne qui ne rentrera pas dans le moule, ou plus prosaïquement "dans la norme" sera montrée du doigt et donc sanctionnée. On peut présupposer que les gothiques pourraient subir d’ici peu ce type de "bannissement social".
Sources :
Quelques videos intéressantes à regarder :
Le voile chrétien :
Le costume ressemble étrangement au niqab.
Ces petits clips et films exposent des femmes épanouies, heureuses dans leurs choix. Nul besoin de venir les enquiquiner sous prétexte de les protéger.
Photo prise, le samedi 17 octobre 2009 à 16h25, gare Montparnasse à Paris. Cette nonnette se promenait tranquillement : aucun regard désapprobateur, tout est normal dans le meilleur des mondes. La laïcité se porte bien selon que l’on soit musulman, chrétien ou juif. Son équivalent niqab aurait attiré toute l’hostilité des suspicions et préjugés des uns envers les autres.
L’habit ne fait pas le moine. Les femmes qui ont décidé volontairement de porter un vêtement ou un autre, peu importe la connotation religieuse associée, ont le droit de manifester leur liberté sans avoir à rendre compte à tous ces inquisiteurs érigés en défenseurs de la nouvelle laïcité qui ronge de plus en plus l’espace des libertés individuelles susceptibles de s’exprimer dans l’espace public. Après l’éradication de la burqa et du niqab, l’église, à travers ses institutions séculaires, sera probablement l’objet des prochaines tourmentes et attaques, notamment dans ses signes extérieurs. Qui d’autre après ? Dans le grand mouvement d’uniformisation de la société d’en bas, il faudra s’attendre à d’autres lois réductrices du champ des libertés fondamentales. C’est pourquoi je défendrai toujours ces femmes car à travers elles, ce sont aussi nos libertés qui seront demain menacées.