Noirs dessins
par Jean Quastigeno
mercredi 8 février 2006
Comme le disait hier une femme sur France-Inter : l’intérêt de ces réactions musulmanes à de médiocres crobards pour la plupart, c’est que ça nous fait toucher du doigt les valeurs auxquelles on tient, et qui nous semblent si évidentes qu’on en oublie de les chérir : le droit de penser différemment du consensus, la liberté d’expression, la libération des femmes, la démocratie, la laïcité, toutes choses absentes du monde arabo-musulman.
Le MRAP vient de porter plainte contre France-Soir pour incitation à la haine raciale, ce qui est parfaitement stupide, puisque les caricatures danoises attaquaient une religion, et non une race ou une ethnie. Il est vrai que le Français moyen ne fait en général pas de différence entre race et religion, ce qui est évidemment préjudiciable aux rares personnes athées vivantes issues de la culture arabo-musulmane. Mais il est tout aussi vrai que les Arabo-musulmans ne la font pas non plus, cette différence, comme le montre ce texte paru sur un site musulman * :
« Croquer Ben Laden dans toutes les postures imaginables ne suscitera de réactions émues que chez une marge infime des musulmans. Dépeindre le prophète de l’Islam sous les traits de l’assassin, c’est induire par amalgame « décomplexé » que l’ensemble d’une branche de l’humanité - avec ses croyants, ses incroyants, ses laïcs, ses athées et ses tout ce que l’on voudra, même ses élites violemment éclairées ces jours-ci - sont des criminels potentiels, que l’Islam est fondamentalement sanguinaire et menace la paix du monde ».
Ce texte a été écrit par des « intellectuels » musulmans, et il est parfaitement clair dans la perversité fondamentale de son double langage : même « incroyant », « laïc », « athée », un être issu de la culture arabo-musulmane est tenu de se sentir concerné par les critiques que des athées ou incroyants issus d’une autre culture adressent à Mohammed. Traduction : « Toi qui es né par hasard dans la culture musulmane, même si tu deviens athée, tu restes un musulman ». Une invivable injonction paradoxale formulée à mots couverts (et probablement inconsciemment, étant donnée l’absolue fusion-confusion entre pensée et religion dans l’Islam) à laquelle un bas-du-front national franchouillard ne peut qu’acquiescer en la traduisant dans son propre langage par « les bougnoules, tous pareils, de la vermine islamique ». La boucle est bouclée : entre fachos de bords opposés, on se comprend, puisqu’on partage au fond la même connerie fondamentale, la même haine de l’autre. J’ai un copain algérien qui est athée et qui lit Spinoza en ce moment. Il conchie le prophète, picole, mange du porc, est de gauche, et refuse qu’on l’appelle « musulman ». Il est clair.
Autre remarque : l’incroyable asymétrie des réactions des musulmans lorsqu’ils veulent comparer les caricatures anti-islamiques aux caricatures anti-juives dont ils se repaissent chaque jour sur leurs télés. L’un d’entre eux se demandait ce que les juifs penseraient si on dessinait un juif arborant une croix gammée, ou un bébé juif embroché par la baïonnette d’un SS. On pourrait le comprendre, si les caricaturistes danois avaient croqué un Mohammed affublé du sigle de l’ETA, de l’IRA, des Tigres tamouls ou de n’importe quelle organisation terroriste non-islamique. Mais ce n’était pas le cas : dans ces caricatures, l’islam était associé au terrorisme islamique, pas à un autre et encore moins à son contraire (dans le cas du rabbin arborant une croix gammée comme dans celui du bébé juif et du SS). Par contre, il aurait été légitime de croquer Mohammed arborant une croix gammée, en rappelant que pendant la IIe Guerre Mondiale, l’islam était l’allié des nazis, et qu’à la fin de la guerre, tous les pays musulmans ont offert refuge aux criminels nazis...
Pour finir, j’adresse ma sympathie et ma compassion à tous ceux qui sont nés dans la religion musulmane et qui ont eu le courage de devenir athées ou agnostiques.