Oui à la burqa

par Alright
samedi 27 juin 2009

Le gouvernement Sarkozy, comme à son habitude, vient de dégoupiller une nouvelle grenade : la grenade burqa. Beaucoup se diront qu’il s’agit encore d’un nouveau leurre, d’une nouvelle grenade aveuglante en ces temps troubles. Car il est vrai que ce gouvernement est une vraie éolienne quand on voit la quantité de vent qu’il arrive à brasser (la différence essentielle étant que dans le cas d’une éolienne, on arrive à mesurer son rendement…). Cependant, dans le cas présent, s’attaquer au port du voile intégral, c’est tout sauf du vent, surtout quand on désigne une commission parlementaire de 65 personnes pour plancher sur le sujet.

Au premier abord, la réponse à la problématique d’interdiction de la burqa coule de source : la burqa est un symbole d’asservissement de la femme au pays des Droits de l’Homme ; c’est également un symbole religieux extrémiste ostentatoire dans notre régime laïc… Bref, une loi sur l’interdiction de la burqa serait une bonne chose. Basique. Binaire.

Ce cheminement de pensée est facile… trop facile ! La problématique est en vérité bien plus délicate. Si l’on s’arrête là, on reste dans une vision franco-française du problème alors qu’il s’agit d’un sujet de société qui dépasse largement le cadre de nos frontières.


Ceux qui réfléchissent plus loin parviennent la plupart du temps à cette autre problématique : le port de la burqa s’intègre dans le principe de liberté de culte, mais entre du coup en contradiction avec le principe de laïcité qui veut que le culte ne soit pas ostentatoire. Nous avons donc un paradoxe : la laïcité, qui est censée être garante d’une certaine forme de liberté (la non ostentation du culte étant, à l’instar du vote à bulletin secret, une pseudo liberté), restreint justement cette liberté pour d’autres personnes.

Ce second cheminement de pensée est plus intéressant que le précédent… sauf qu’il conduit à une impasse car la problématique à laquelle on arrive s’avère simplement insoluble.


Nous avons donc deux courants de pensée communs sur ce sujet ô combien épineux : l’un qui aboutit à une vision partielle et occidentale du problème, basé sur un axiome (d’autres appelleront ça une vérité). L’autre qui aboutit à une question stérile. Dur.


Il s’agit pourtant de répondre à une simple question : est-il bon (pour qui, ou quoi, d’ailleurs ?) d’interdire le port de la burqa ?

Nous ne sommes donc pas plus avancés.

Pour aller de l’avant sur ce problème, je propose de le prendre à l’envers : mettons nous dans la situation où la France interdit effectivement le port du voile intégral par le biais législatif. Une musulmane qui vient en France est donc obligée d’aller à l’encontre de ses principes et de sortir non voilée. Mais que dire d’une française qui va dans un pays radicalement islamiste ? Elle aussi est obligée d’aller à l’encontre de ses principes et de mettre un voile pour sortir.

La France serait alors "à égalité" avec les pays islamistes radicaux. Belle avancée en vérité ! Nous qui accusons le monde musulman de basculer dans l’obscurantisme et l’intolérance, nous agirions exactement de même !


Ce n’est donc pas une question d’asservissement de la femme, comme l’entend notre bon ami Sarkozy. On ne peut nier que cette question existe, certes, mais c’est une question annexe, découlant de la question fondamentale. Ce n’est pas non plus une question de laïcité - liberté. On est en fait bien au-dessus de ces deux problématiques : c’est la question de l’éthique de la société en général qui est posée. Souhaitons-nous régresser et mettre le doigt dans l’engrenage de l’intolérance ? Ou préférerons-nous continuer de progresser vers une société basée sur des valeurs universelles et pluriculturelle ?


Cela dit, dans tous les cas, si notre gouvernement était un peu plus diplomatique, il ne poserait pas la question en ces termes. Le fait de pointer ouvertement l’Islam du doigt est considérablement maladroit, à un tel point qu’on ne peut que penser que cette maladresse est 100 % volontaire. C’est le côté "grenade aveuglante" voulu par Sarkozy, qui joue un jeu toujours plus dangereux en la matière.

Au lieu de vouloir légiférer pour interdire le port de la burqa, il serait plus intelligent de réfléchir à interdire le port de tout signe religieux exagérément ostensible, quelle que soit la religion. Evidemment, cela n’empêcherait pas les questions précédentes de se poser. Mais au moins, cela atténuerait le dangereux choc culturel et communautariste qui va grandissant.

Mais une telle idée est manifestement naïve : il est tellement plus bénéfique d’instaurer les musulmans en croquemitaines ! Au moins, les cibles des haines ne sont ni les patrons, ni les banquiers, ni les traders, et encore moins le gouvernement en place…


Stigmatiser une communauté, pour faire oublier les soucis économiques et les problèmes de société, ça ne vous rappelle rien ?

Alors, avant de s’engager tête baissée dans le cheminement de réflexion tout tracé qui ne conduit qu’aux heures les plus sombres de notre histoire, mieux vaut prendre le temps de s’arrêter et se demander : la question que je me pose est-elle la bonne ? C’est le premier principe de la philosophie.


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