Persécution des baha’is d’Iran et l’entente inter-religieuse

par concorde
jeudi 1er juillet 2010

Persécution des baha’is d’Iran et la responsabilité des religieux dans l’entente inter religieuse
 
Le 24 juin 2010 les témoignages commencent à affluer et les craintes se sont confirmées. Dans le cadre d’un projet de longue date d’expulsion de ses familles baha’ies, les habitants du petit village d’Ivel dans la région de Mazendaran, au nord d’Iran ont commencé à procéder à la destruction de 50 maisons, devant les yeux incrédules et impuissant de leurs habitants. Ceux qui ont tenté de s’interposer ont été violemment pris à parti, les autorités ayant refusé d’intervenir.
 
Cette explosion d’intolérance religieuse à l’encontre d’une populations dont aucune faute ou méfait n’a jamais été relevée est inqualifiable et une violation des enseignements mêmes de l’Islam que ces populations prétendent se référer. La condamnation du Quran (2 : 83-87) au sujet de tels actes est sans appel :
 
[84] Rappelez-vous aussi que vous Nous aviez donné votre engagement de ne pas verser le sang et de ne pas vous expulser les uns les autres de vos demeures. Et vous y avez souscrit avec votre propre témoignage. [85] Or, voilà que vous vous entretuez, que vous chassez de leurs foyers certains de vos frères, en vous liguant injustement contre eux, pour les accabler d’abus et d’oppression. Et quand ils tombent en captivité, vous les rançonnez, alors qu’il vous était interdit de les expulser. Admettriez-vous seulement une certaine partie du Livre et en rejetteriez-vous le reste ? Quel traitement devra être réservé à ceux qui agissent de la sorte, sinon l’ignominie dans ce monde et le châtiment le plus impitoyable dans l’autre ? Dieu n’est pas inattentif à vos agissements. [86] Ce sont ceux-là qui ont troqué la vie future contre la vie d’ici-bas. Aucun adoucissement ne sera apporté à leurs tourments et aucun secours ne leur sera accordé.
 
Bien plus grave, ces actes visent une communauté religieuse qui depuis plus de 150 ans a été engagée dans la voie de la conciliation inter religieuse. Les baha’is ont réussi à former une communauté qui a pu faire travailler dans l’harmonie les persan de multiples horizons religieux et ethniques, une performance unique au Moyen Orient. Malgré les persécutions qui pèsent sur eux, quelques 300 000 persans sont prêts à confronter l’execution en annonçant ouvertement leur adhésion à ces principes. Les enseignements baha’is ne sont pas étrangers à ce courage, car ils se sentent investis d’une mission de conciliation pour la planète entière.

Baha’u’llah (1817-1892) dont la venu pour les baha’is marque l’avènement d’une civilisation mondiale, a fait de l’unité dans la diversité le thème principal de ses enseignements. Dans son dernier ouvrage, « Epître au Fils du Loup », qui résume son enseignement, Baha’u’llah souligne la mission que les baha’is sont appelés à assumer en faveur de l’union de tous les peuples de la planète : 

« Les diverses confessions de la terre et les multiples systèmes de croyances religieuses ne devraient jamais être autorisés à susciter des sentiments d’animosité parmi les hommes : c’est, en ce jour, l’essence même de la foi de Dieu et de sa religion. Ces principes et ces lois, ces systèmes fermement établis et puissants ont émané d’une seule et même source et sont des rayons d’une seule et même lumière. Qu’ils diffèrent les uns des autres doit être attribué aux nécessités changeantes des époques auxquelles ils furent propagés.
 
Ceins-toi les reins pour l’effort, ô peuple de Baha, afin que le tumulte des dissensions et des luttes religieuses qui agitent les peuples de la terre soit apaisé, et que toute trace en soit complètement effacée. Pour l’amour de Dieu et de ceux qui le servent, lève-toi pour aider cette sublime et suprême révélation. Le fanatisme religieux et la haine sont un feu dévorant le monde, dont nul ne peut atténuer la violence. Seule la main du pouvoir divin peut délivrer l’humanité de cette désolante affliction. Songe à la guerre qui opposa les deux nations et à la manière dont les deux adversaires abandonnèrent leurs possessions et leur vie. Combien de villages furent rayés de la carte !
 
La parole de Dieu est une lampe dont la lumière brille en ces mots : Vous êtes les fruits d’un même arbre et les feuilles d’une même branche. Dans vos rapports les uns avec les autres, faites preuve d’un amour et d’une harmonie extrêmes, ainsi que d’amitié et de fraternité. Celui qui est l’Astre de vérité m’en porte témoignage ! La lumière de l’unité est si puissante qu’elle peut illuminer la terre entière. Le seul vrai Dieu, celui qui connaît toutes choses, témoigne lui-même de la vérité de ces paroles.
 
Efforcez-vous d’atteindre cette condition sublime et transcendante qui peut assurer la protection et la sécurité de toute l’humanité. Ce but surpasse tout autre but et cette aspiration est la reine de toutes les aspirations. Toutefois, aussi longtemps que les nuages épais de l’oppression qui obscurcissent le soleil de la justice ne se seront pas dissipés, il sera difficile à la gloire de cette condition d’être dévoilée aux yeux des hommes. »
 
Baha’u’llah continue ensuite pour souligner le rôle néfaste de certains religieux qui attisent les flammes de la discorde :
 
« Ces épais nuages ne sont autres que les religieux de Perse, propagateurs de vaines imaginations ; nous avons, parfois, parlé le langage du législateur et, parfois, celui du chercheur de vérité et du mystique ; notre intention suprême, notre souhait le plus élevé a toujours été, cependant, de révéler la gloire et la sublimité de cette condition. En vérité, Dieu est un témoin suffisant ! »
 
Toutefois, un plus loin dans ce texte, Baha’u’llah distingue nettement entre les religieux qui propagent leurs « vains imaginations » et ceux qui sont sincèrement engagés dans l’éducation spirituelle de leurs semblables en précisant :
 
« Par " religieux ", dans le passage cité plus haut, nous entendons ces hommes qui, extérieurement, se parent des habits du savoir mais qui, intérieurement, en sont dépourvus… »
 
Ces ignorants en position de pouvoir sont ainsi qualifiés par Baha’u’llah :
 
« Ô vous qui êtes sots et qui cependant passez pour sages ! Pourquoi prenez-vous l’apparence de bergers, alors qu’en vous-mêmes vous êtes devenus des loups acharnés contre mon troupeau ? Vous êtes comme l’étoile qui se lève avant l’aube et qui, bien qu’elle paraisse lumineuse et radieuse, égare les voyageurs de ma cité et les conduit sur les chemins de perdition….
 
Ô vous qui êtes sains en apparence mais intérieurement corrompus ! Vous êtes comme de l’eau claire mais amère, apparemment pure comme du cristal, mais dont pas une goutte ne sera acceptée après avoir été éprouvée par le divin Examinateur. En vérité, le rayon de soleil éclaire identiquement la poussière et le miroir ; mais leurs images réfléchies sont aussi différentes que l’étoile l’est de la terre ; Que dis-je ! Cette différence est incommensurable… ».
 
Quant aux savants sincères, Baha’u’llah en exalte le rang sublime ainsi :
 
« Cependant, les savants qui sont vraiment parés de l’ornement du savoir et de la bonté sont, en vérité, comme une tête pour le corps du monde et comme des yeux pour les nations. Les hommes ont toujours été guidés par des âmes aussi nobles, et le seront toujours. Nous supplions Dieu de daigner les aider à faire sa volonté et à suivre son bon plaisir. En vérité, il est le Seigneur de tous les hommes, le Seigneur de ce monde et de l’autre. »
 
Baha’u’llah conclut par cette injonction envers ses disciples :
 
« Fréquentez tous les hommes, ô peuple de Baha, dans un esprit d’amitié et de fraternité. Si vous possédez quelque vérité, joyau dont les autres sont privés, partagez-la en des termes d’une bonté et d’une bienveillance extrêmes. Si elle est acceptée et réalise son dessein, votre objectif est atteint. Si quelqu’un la refuse, laissez-le à lui-même et suppliez Dieu de le guider. Gardez-vous de le traiter avec malveillance. Un langage bienveillant est l’aimant naturel du cœur des hommes. C’est le pain de l’esprit qui donne un sens aux mots, c’est la fontaine lumineuse de la sagesse et de la compréhension. »
 
De passage à Paris en 1911, Abdu’l-Baha, le fils de Baha’u’llah, insista sur ce principe fondamental de la foi baha’ie en ces termes :
 
« La religion devrait unir tous les cœurs et faire disparaître les guerres et les dissensions de la surface de la terre… Si la religion devient une cause d’inimitié, de haine et de division, mieux vaudrait qu’elle n’existât pas. Abandonner une telle religion serait un véritable acte religieux… si le remède ne fait qu’aggraver le mal, mieux vaut la laisser de côté. Toute religion qui n’est pas une cause d’amour et d’unité, n’est pas une religion. Tous les saintes Prophètes… donnèrent des prescriptions pour guérir l’humanité. Aussi, tout remède qui rend malade ne provient pas du Médecin éminent et suprême ».
 
Voilà le contexte dans lequel ces 50 familles ont été expulsées et leurs foyers détruits. L’histoire dira si la population de Ivel aura bénéficié ou perdu en se débarrassant de ces messagers de paix, promoteurs de l’entente inter religieuse.
 

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