Pourquoi le monde arabe n’est pas libre

par Karim Sarroub
mardi 1er juillet 2008

La légitimité du pouvoir politique puisé dans la religion au Moyen-Orient. Sa structure, ainsi que la subordination de l’écriture à des fins de prestige et d’exploitation. Des peuples.

Voilà (à peu près) le thème de ce brillant essai publié d’abord en arabe, en Egypte, dans la discrétion (médiatique) totale, puis en anglais, et enfin en français aux éd. Denoel : « Pourquoi le monde arabe n’est pas libre. »

Son auteur : Moustapha Safouan, lacanien de la première heure, que normalement on ne présente plus. Mais je vais le présenter, même brièvement, car j’enrage de voir à quel point sur Wikipedia sa fiche est à néant : vide et elle ne contient rien. Alors que celle de cet illuminé de Tariq Ramadan fait plusieurs pages.

Moustapha Safwan (dit Safouan) est né en Egypte (Alexandrie), le 17 mai 1921. Il vit aujourd’hui à Paris. Un des premiers fidèles de Jacques Lacan, c’est en 1949 qu’il le rencontre et commence son travail avec lui comme analyste de contrôle.


Quelques-uns de ses ouvrages :

- Jacques Lacan et la question de la formation des analystes ;

- Le Transfert et le Désir de l’analyste ;


- La Sexualité féminine dans la doctrine freudienne ;

- La Parole ou la Mort ;

- L’Inconscient et son Scribe ;

- L’Echec du principe du plaisir ;

- Malaise dans la psychanalyse : le tiers dans l’institution et l’analyse de contrôle ;

- Dix conférences sur la psychanalyse.



Pourquoi donc le monde arabe n’est pas libre, à votre avis ? En ce moment, on a beaucoup glosé sur l’incapacité ou la difficulté du musulman à respecter les lois de la République, tergiversé ici ou là sur l’incompatibilité de l’islam avec la démocratie. Ce qui n’est pas faux. Le monde arabe n’est pas libre à cause de la façon dont les gouvernements usent de la politique, au nez et à la barbe des populations qui voient pourtant, à la télé, sur internet, à la radio, au cinéma, dans les journaux, qu’elle existe bel et bien ailleurs, cette foutue politique, et qu’elle y est pratiquée différemment.

Désormais, il faut ajouter que c’est la politique elle-même qui est incompatible, contradictoire, cruelle, dans les pays arabes, quand on voit ce qu’on en fait. Car elle est gangrenée de l’intérieur par le religieux. Pour aborder la question du terrorisme islamique, l’auteur nous rappelle que le Coran est la parole de Dieu présentée sous la forme d’un texte et, comme tel, il ne peut pas, comme Platon l’a dit, répondre aux questions. Il ne peut pas échapper, non plus, aux conflits des interprétations. C’est bien parce que le Coran ne dit rien sur l’autorité politique et sur les moyens de gouverner que chacun fait sa petite loi, du truand qui s’autoproclame « émir » jusqu’au Cheikh qui vous explique gentiment (en images dans la note du 28/06/08) la supériorité intellectuelle, naturelle et évidente, de l’homme sur la femme, parce qu’Allah les a créés chacun selon leur propre nature. Puis le Cheickh (un Saoudien) fait des dessins sur un écran d’ordinateur pour expliquer tout ça.

Pas de politique sans religion dans les pays arabes. Si vous en connaissez un, je suis preneur et je déménage dès demain. L’une ne va pas sans l’autre, que ce soit au Moyen-Orient ou au Maghreb. Depuis la nuit des temps, et pas seulement pour les Arabes, les politiciens ont usé et abusé de la religion pour asseoir leur légitimité. Le problème avec l’islam, c’est que ça continue encore aujourd’hui, contrairement aux autres religions.

C’est au commencement qu’il faut aller inspecter la chose : il n’y a jamais eu la moindre référence à la politique, que ce soit dans le Coran ou dans les paroles du Prophète, d’où tout ce désordre. Le résultat : tout repose sur la corruption, la répression, la censure et la tendance naturelle des États à assujettir leur propre population, en se servant de la religion ou, sous prétexte de combattre le terrorisme islamique, comme on le voit en Tunisie, la plus grande prison d’Afrique (seulement pour le Tunisien.)

Confusion du politique et du religieux, confiscation de la langue par le pouvoir : telles sont les clés de cette paralysie générale dans les pays arabes que Moustapha Safouan démontre merveilleusement bien en se basant aussi sur la langue. Pour lui, la traduction dans la langue populaire des textes sacrés de l’islam apparaît du coup comme une question décisive pour l’évolution du monde arabe. Espérons-le.

Soyons clairs une dernière fois : la cause, elle est dans l’appareil étatique dans les pays arabes, et non dans le Coran lui-même, qui pourrait se lire comme n’importe quel livre de poésie. Tant que la politique repose sur des interprétations hallucinantes du Coran, et tant que ce dernier s’immisce dans les institutions des pays et dans la vie des gens, la démocratie fera toujours défaut aux Arabes et aux musulmans.

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