Prendre la Bible homo

par Pale Rider
vendredi 12 juin 2015

La décision de l’Église Protestante Unie de France d’autoriser la bénédiction des couples de même sexe donne une réponse affirmative à la question posée il y a plus de 30 ans : Les protestants sont-ils solubles dans la société ? Oui : sans sel et avec beaucoup de miel.

Le 17 mai dernier, l’Église Protestante Unie de France (EPUF) a autorisé ses églises locales à bénir les couples de même sexe qui en feraient la demande.

 Autorisé : pas imposé. Voilà l’astuce qui a permis, à l’issue d’un scrutin à main levée, d’obtenir un vote « soviétique » de 94 voix « pour » et 3 « contre ». Cette quasi-unanimité a effrayé même une partie de ceux qui avaient voté « pour », car tout le monde a bien compris que ce vote ne représentait pas la base des Conseils presbytéraux. Certes, les travaux préparatoires avaient fait ressortir une tendance légèrement majoritaire en faveur du « pour » ; mais ce vote est apparu comme une sorte de viol de l’opinion des paroissiens.

Sola Scriptura

 Passons sur la cuisine interne. Le problème, c’est qu’au xvie siècle, le protestantisme s’est construit sur le principe de la sola Scriptura  : l’Écriture seule est souveraine en matière de foi, contre le catholicisme qui lui adjoint la Tradition, avec tous les abus et toutes les contradictions qui se sont stratifiés au cours des siècles.

 Or, dans le document de 4 pages qui a été ratifié par ce vote, l’EPUF s’est montrée incapable de produire le moindre texte biblique pouvant étayer la bénédiction des couples de même sexe. Pour cause : depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, tous les textes relatifs à l’homosexualité, quelles que soient ses formes (anarchie violente des Sodomites ou pédérastie à la grecque) la condamnent sévèrement et sans nuance. Adieu la sola Scriptura  : avec les meilleures intentions du monde, on a plié Dieu aux désirs d’une catégorie particulière au lieu de soumettre nos désirs à ceux de l’Éternel. Quelle que soit l’opinion qu’on a sur cette affaire, cela pose un problème de lecture des textes, d’autant plus que ce sujet-là, contrairement à d’autres (par exemple le mensonge) est traité sans ambiguïté dans la Bible dont ces chers protestants de l’EPUF se réclament.

 Faut-il préciser que tous les protestants sont unanimes pour récuser l’homophobie ? Le problème, c’est que le refus d’accéder à toutes les revendications des gays ou des lesbiennes est ipso facto taxé d’homophobie. Pourquoi ne pas admettre ce qui était évident il y a encore quatre ou cinq ans : l’homosexualité, par définition, impose de passer par des artifices pour accéder à la parentalité. Est-ce de l’homophobie d’avoir simplement un peu de bon sens ?

 Fin de la parenthèse. Maintenant, nous allons montrer comment on peut aisément tordre le sens des Écritures en les citant hors contexte, procédé que diverses sectes (mais aussi diverses églises) ne se privent pas d’utiliser.

Le roi Salomon

Premier exemple : pour soutenir le mariage homosexuel, dans la Bible il existe un texte ; je l’ai rencontré, et je vous le cite : « Salomon s’allia par mariage avec le Pharaon, roi d’Égypte. » (1 Rois 3.1, version Colombe) Salomon, l’homme à femmes, aurait-il donc été un homme à hommes ? Et de surcroît pour des raisons politiques ? La sola Scriptura n’aurait donc pas été violentée pour justifier la bénédiction des couples homosexuels. Apparemment…

En effet, le verset suivant ruine cet espoir fugace de sauver l’âme de l’EPUF : cette « alliance par mariage » se fait via la fille du pharaon, dûment épousée par notre grand sage : « Il prit pour femme la fille du pharaon, et il l’amena dans la cité de David… » « Ouf ! » pour les uns. « Caramba ! encorrre raté ! » pour les autres. Je précise que le verbe hébreu ‘hattan signifie à la fois « s’allier par mariage » et « devenir gendre », les deux sens se trouvant ici réunis.

Ce petit exemple permet à chacun de constater à quoi peut mener l’art de parvenir à ses fins en exploitant isolément certains versets de l’Écriture. Mais en voici un autre.

Mères porteuses dans la Bible

À en croire Lucas Lemenech, l’un des deux pères des jumeaux nés par GPA au Mexique en mars dernier (la porteuse, bonne catholique, estime avoir ainsi fait sa B.A., ce qui devrait lui raccourcir son temps de purgatoire) s’exprimait début juin 2015 sur France Inter en ces termes : « Il y a deux mentions de GPA dans la Bible. Par Abram et Saraï, et Rachel et Jacob. » Antoine Krempf, sur le site de France Info, a publié une vérification biblique tout à fait honnête (http://www.franceinfo.fr/emission/le-vrai-du-faux/2014-2015/le-vrai-du-faux-02-06-2015-02-06-2015-11-53) . Ne pouvant pas avoir d’enfant, Sara, la femme d’Abraham, lui demande de pratiquer ce qui semble avoir été une coutume courante il y a quatre mille ans : faire un enfant à la servante de la femme légitime, cet enfant devenant « officiellement » celui de la légitime. C’est ainsi qu’Abraham engendra Ismaël d’Agar, la servante égyptienne, pour Sara (Gn 16). Pourtant, Isaac allait naître, plus tard, de Sara elle-même.

Deux générations plus tard, la même situation allait se… reproduire avec Jacob. La femme qu’il aime, Rachel, est stérile. Désespérée, elle lui demande de prendre sa servante Bilha, qui devient enceinte de plusieurs enfants « officiellement » attribués à Rachel. Rachel est avec Léa une des deux épouses légitimes de Jacob. Mais Léa, qui a cessé d’enfanter, a la même idée qu’elle et donne sa servante Zilpa à Jacob : deux femmes, deux servantes.

Ce que M. Lemenech oublie de dire, c’est que ces procédés ne sont pas approuvés dans l’Écriture et qu’ils ont eu des conséquences désastreuses. Abraham et Sara ont manqué de foi car, selon la promesse qu’ils avaient reçue, ils enfanteront eux-mêmes l’enfant annoncé. Mais leur tentative bien humaine (certes compréhensible) a produit la rivalité Ismaël/ Isaac qui perdure jusqu’à aujourd’hui (cf. Gn 16.12). Quant à Jacob avec ses quatre femmes, il va devoir traiter des problèmes de jalousie incessants entre elles, sans parler des retombées conflictuelles entre les 12 fils. J’ajoute que Rachel aura fini par enfanter deux fils (mais elle mourra en mettant au monde Benjamin).

La confusion de Babel

 Beaucoup de débats ont eu lieu sur le mariage homosexuel, lequel est évidemment destiné à ouvrir le droit à l’enfant au mépris du droit de l’enfant. Quand un couple homosexuel mâle ou femelle fait fabriquer un enfant (qui, biologiquement, n’est au mieux qu’à moitié le sien), cela implique l’intervention d’un géniteur ou d’une génitrice, qui sera évidemment exclu/e de la famille, voire intégralement effacé de l’histoire de l’enfant. Lorsque l’EPUF recevra des demandes de baptêmes de tels enfants, elle fera une cérémonie à laquelle ne sera pas convié l’un des deux géniteurs biologiques de l’enfant. Voilà ce que l’on est en passe d’entériner ; voilà la confusion qui se développe non plus seulement dans la société, mais jusque dans une Église qui se veut en phase avec l’air du temps davantage qu’avec la Parole dont elle se prétend dépositaire. Au lieu de maintenir une sagesse minimale dans un monde sans boussole, l’EPUF se rallie au mélange des genres attisé par les revendications communautaristes. Comme l’écrivait un éditorialiste protestant : rendez-vous dans cinquante ans pour le bilan. Et tant pis pour les gosses dont la filiation est volontairement brouillée.


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