Problématiques autour de la circoncision « masculine »

par Catherine Segurane
mardi 17 janvier 2012

La circoncision, au départ entendue, sans qu'il soit besoin de le préciser, comme circoncision masculine rituelle, est quasi-généralisée (le "quasi" est important) en milieux juif et musulman. Elle fut longtemps indiscutée, même au delà de ces milieux : on la supposait anodine.

Cette indulgence est injustifiée. Pratiquée sur des enfants, la circoncision rituelle pose le problème de leur incapacité à refuser leur consentement. Le caractère anodin de l'opération est de plus en plus contesté par les médecins, ou alors ils précisent que l'opération est quasi sans risque (le "quasi", ici encore, est important) à condition d'être pratiquée par un médecin, c'est à dire -ô contribuable ! ô payeur universel ! ô laïque supposé n'avoir d'objection légitime à rien puisque tu es supposé ne croire en rien !- remboursée par la sécu.

Plus grave encore : de nombreux sous-entendus idéologiques sont présents. Déjà, l'association de mots "circoncision masculine" sous entend que la circoncision peut être féminine. La circoncision "féminine", vous l'avez compris, c'est l'excision. En sous-entendant, par cette manipulation lexicale, que l'excision est une forme de la circoncision, on sous-entend aussi que l'excision n'est pas sexiste (puisque c'est une variante d'un traitement auquel les hommes sont soumis eux aussi) et qu'elle est anodine (puisque la circoncision masculine est supposée telle).

Enfin, l'ONU, dominée par les pays islamiques, fait maintenant des rapports pour dire que, dans certains cas, la circoncision combat le SIDA.

Quelques observations :

Il n'y a pas équivalence entre circoncision "masculine" et circoncision "féminine" :

Cette dernière correspond tout simplement à l'excision, une mutilation génitale féminine bien plus grave que la circoncision "masculine" ; la terminologie est importante, et a donné lieu a de nombreux débats entre organisations associées à l'ONU ; les implications idéologiques du choix des mots sont évidentes ; "circoncision féminine" est minimisant ; "mutilation génitale féminine" est jugé trop stigmatisant par certains, mais réussit cependant à s'imposer (cf cette Déclaration inter-institutions, page 26, annexe 1 relative à la terminologie) ;

La circoncision "masculine" n'est pas anodine

Ce texte de l'Association française d'urologie fait le point sur les complications observées, y compris dans le cas de circoncisions médicalisées et commente :

"Les auteurs soulignent, entre autres, la nécessité d'informer la communauté urologique et les patients sur la morbidité de ce geste qui a souvent du mal à trouver une place dans un environnement médical adapté et que la sécurité sociale ne peut raisonnablement prendre en charge en dehors des indications strictement médicales."

Les circoncisions médicalement justifiées sont très rares

Les médecins sont sous une importante pression de familles qui recherchent le remboursement de la circoncision par la sécurité sociale, une fraude pure et simple. Pour cela, on parle beaucoup de circoncisions médicalement nécessaires pour corriger un phimosis. Or, ces cas sont beaucoup plus rares que les remboursements correspondants, et les interventions sur les enfants ne sont en principe pas justifiées. Mais on ne cesse d'entendre dire que faire la différence entre circoncision rituelle et circoncision médicale est très compliqué, qu'il y faudrait une armée de médecins contrôleurs ... bref on renonce à combattre cette fraude. En réalité, si l'on voulait la combattre, il n'y aurait aucune difficulté (hormis celle d'affronter les communautarismes religieux).

En effet, qu'est-ce qu'un phimosis ? 

C'est le fait que l'orifice du prépuce est trop serré pour permettre au gland de sortir. C'est donc pour permettre des rapports sexuels que l'opération est nécessaire. Avant la puberté, l'enfant peut vivre sans inconvénient avec son phimosis. Il peut donc paraître raisonnable de lui laisser le soin, à l'âge adulte, de se faire opérer lui-même, sans intervention des parents ni de leurs conseillers religieux. En d'autres termes : il faudrait interdire les corrections de phimosis sur les mineurs. Il est alors permis de penser que rares seront les jeunes gens qui se feront mutiler sans nécessité réelle.

Il existe aussi le para-phimosis, provoqué par les manoeuvres incompétentes pour décalotter le gland : tentatives de circoncisions "sauvages" par exemple. Si les responsables de telles manoeuvres étaient sanctionnés comme ils devraient l'être pour leurs manoeuvres mutilantes, le para-phimosis tendrait à disparaître.

La circoncision ne combat pas le sida

Les obscurantismes religieux ont des ressources infinies, et ils ont même réussi à convaincre l'ONU (il est vrai très perméable aux revendications religieuses) de mettre en place des programmes de circoncision pour lutter contre le sida. Sous le double timbre de l'OMS et d'ONUSIDA, est paru un document intitulé Nouvelles données sur la circoncision et la prévention du VIH : conséquences sur les politiques et les programmes.

Ce document conclut que la circoncision protège partiellement de la contamination de la femme à l'homme. Cependant :

"La circoncision ne protège pas complètement contre l’infection à VIH. Les hommes circoncis peuvent toujours contracter l’infection à VIH et, une fois séropositifs, transmettre le virus à leurs partenaires sexuels. La circoncision ne remplace donc pas d’autres méthodes destinées à prévenir la transmission hétérosexuelle du VIH, mais elle représente une stratégie additionnelle."

Ce même document souligne à quel point cette protection est imparfaite :

" La circoncision ne doit jamais se substituer à d’autres méthodes de prévention du VIH àl’efficacité reconnue, mais toujours s’insérer dans un ensemble de mesures comprenant le report de l’âge des premiers rapports sexuels, les rapports sans pénétration et la diminution du nombre des partenaires sexuels ; la promotion et l’utilisation correcte et régulière depréservatifs masculins et féminins ; les services de conseil et de dépistage du VIH ; et les services de traitement des infections sexuellement transmissibles. "

Toujours dans ce même document, qui pourtant promeut la circoncision, on peut lire :

"Puisque les résultats ont confirmé que la circoncision réduit le risque de transmission hétérosexuelle du VIH à l’homme, on prévoit une augmentation de la demande pour cette intervention. Cependant, il est également capital de veiller à diffuser des informations claires et précises sur la nécessité de continuer à prendre d’autres mesures de prévention du VIH. Ces messages seront nécessaires pour éviter que les hommes n’acquièrent un sentiment erroné de sécurité et qu’en conséquence, ils n’adoptent des comportements sexuels à risque qui pourraient remettre en cause l’effet protecteur partiel de la circoncision."

Dans des pays marqués par le machisme et par la vulnérabilité sociale des femmes, on imagine jusqu'où peuvent aller les conduites à risques quand, au prix d'une "petite opération" bénie par l'ONU et l'OMS, ces messieurs peuvent penser avoir trouvé le graal leur permettant d'éviter la transmission du sida de la femme à l'homme.

Que des organismes officiels dépendant de l'ONU puissent faire une telle promotion de la circoncision, même avec quelques précautions de langage sur la nécessité de ne pas en faire un moyen de prévention unique, cela laisse pantois ... on dirait que ces technocrates ignorent que les moyens de prévention ne protègent pas les mêmes personnes (le préservatif protège davantage de la transmission de l'homme à la femme) et que, dans une société très inégalitaire, cette donnée est à prendre en compte.

Bien entendu, la conséquence de la "découverte" de ce pseudo-moyen de prévention est que le document préconise de mettre à la disposition des populations des moyens de circoncision médicalisés. C'est le judaïsme et l'islam qui vont être contents :

"Un vaste engagement de la communauté est nécessaire pour introduire ou élargir l’accès à des services sûrs de circoncision."

Et maintenant quelques voeux pieux :

"Dans tous les programmes de circoncision, les responsables politiques et les administrateurs de programme sont tenus de surveiller et d’atténuer le plus possible les conséquences potentiellement néfastes de la promotion de la circoncision comme méthode de prévention du VIH, telles que les relations sexuelles non protégées, la violence sexuelle ou l’assimilation de la circoncision avec la mutilation sexuelle génitale."

" La prestation des services de circoncision doit être utilisée comme une occasion de répondre aux besoins de santé sexuelle des hommes, et ces services doivent conseiller activement et promouvoir un comportement sexuel plus sûr et plus responsable."


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