Quand le diable sort de sa boîte !

par C’est Nabum
vendredi 11 octobre 2013

Est-ce encore l'école de la République ?

Se boucher les oreilles …

Un curieux évènement s'est produit dans une classe très sage d'enfants qui font leur entrée en sixième. Venus d'horizons lointains, ils sont nés en France, partageant massivement une foi qui exige une fidélité absolue à ses dogmes. La confrontation avec l'école française peut bien vite prendre des allures de rupture, de conflit entre leurs croyances et les contenus abordés en cours.

Je ne m'attendais nullement à une hostilité manifeste de leur part. J'ai connu en d'autres établissements des garçons surtout menant un combat violent contre les idées d'évolution de l'espèce, contre les cours d'histoire et la place faite aux femmes. C'était alors le fruit d'une provocation, d'un jeu pour gagner du temps en de vains débats. Je me demandais vraiment s'ils croyaient vraiment à ce qu'ils avançaient .

Ils ne faisaient que répéter pour importuner des théories mal comprises, des slogans serinés, des postures déterminées par quelques agitateurs secrets. Au fond d'eux, il y avait bien plus de place pour la culture occidentale qu'il ne voulaient bien le laisser paraître. Je ne doute pas une seule seconde qu'aujourd'hui, ils ont pour beaucoup d'entre eux, abandonné leurs stupides convictions.

Je sais en écrivant « stupides » que je vais déclencher le courroux des gentils adeptes du créationnisme. Ces joyeux drilles de l'obscurantisme se recrutent dans toutes les grandes religions monothéistes. Il n'y a pas d'exclusivité dans cette volonté de nier la science et ses avancées qui interrogent plus qu'elles ne donnent de certitudes. Ces gens veulent se rassurer en fixant pour toujours une vérité intangible ; ils sont plus à plaindre qu'autre chose …

Non, ce qui me conduit à vous narrer ce qui se passa en classe est de toute autre nature. Les plus anciennes peurs, les plus absurdes superstitions sont revenues à la surface. Nous nous pensions les héritiers des lumières et nous découvrons que les bougies ont été soufflées. J'en suis encore déstabilisé dans la conviction que j'avais que de génération en génération, des progrès se faisaient dans les consciences.

Venons-en au fait ! Il est si banal, si ordinaire que je crains que beaucoup ne me croiront pas, trouveront que j'exagère la réalité. Pourtant, tout ceci est rigoureusement exact. Nous étudiions la carte de l'agglomération orléanaise et les élèves devaient se situer par rapport aux point cardinaux , les différentes communes en fonction des deux repères essentiels de notre communauté urbaine : la Loire et la ville d'Orléans.

Soudain un élève me demande pourquoi trois communes portent en partie le même nom : « Saint Mesmin ». J'évoque alors la légende du jeune moinillon cénobite qui, armé d'un tison, traversa la Loire pour tuer un dragon qui terrorisait le pays et ses habitants. L'affreuse bête vivait dans une caverne en un lieu qu'on appelait Béraire … J'aime raconter des histoires et j'étais parti à dévider la fable …

Ils écoutaient attentifs, ils trouvait l'aventure pittoresque quand l'un d'entre eux me demanda si les dragons avaient vraiment existé. Que n'avait-il pas ouvert ici la boîte à Pandore ! J'expliquai alors que l'animal était une métaphore exploitée par Clovis et ses conseillers pour édifier le bon peuple qu'ils voulaient rallier à la vraie religion du moment. Nous étions en 511 et le catholicisme s'efforçait de repousser les vieilles croyances païennes.

Et cette fois, je déparlai ! Je vous en demande pardon ; je suis un sot qui ne connaît pas le nouveau guide de bonne conduite de la parfaite neutralité laïque. J'expliquai que le dragon représentait ici les forces obscures, le mal, le diable en personne. Le mot était lâché, la terreur s'empara sans feinte ni concertation de quatre de mes chers élèves si mignons !

Ils se bouchèrent immédiatement les oreilles ; une fillette même se couvrit la bouche et pendant les quelques minutes qui nous séparaient de la sonnerie libératrice, ils ne changèrent pas d'attitude. J'avais prononcé un mot « interdit » j'en avais appelé à des forces néfastes. Le diable n'a pas sa place dans nos écoles. Vade retro vieux bonhomme !

Voilà où nous en sommes alors que nos bons responsables veulent nous faire parapher la charte sur la laïcité. En évoquant une fable issue de la culture chrétienne, j'ai sans doute commis une erreur. En voulant décrypter ses intentions, j'ai fait une faute. En mettant à mal la liberté de conscience de mes élèves, je dois être condamné au bûcher. Il est désormais interdit d'évoquer le diable et la littérature va en prendre un sacré coup.

Quant au libre arbitre, j'ai bien peur qu'il ne doive aller au diable ! Oreilles bouchées et bouche close, la transmission des valeurs est en mauvaise voie. Nous vivons un renversement des valeurs et je crains que cet épisode sans importance ne soit précurseur de temps délicats. Je n'ai pas pu entrer dans l'analyse de ce qui venait de se passer. Il y avait là un interdit plus fort que l'école, circulez, il n'y a rien à expliquer.

Diablement leur.

 


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