Quand les éditions Larousse falsifient l’histoire...
par Olivier Bach
vendredi 24 septembre 2010
On attend d’un livre d’histoire qu’il nous informe sur la réalité des temps passés. A ce titre, il a les mêmes fonctions qu’un dictionnaire. On doit pouvoir le consulter sans avoir à se demander si les faits qui y sont relatés correspondent à la réalité ou non. Ils doivent être une source d’informations rigoureuses et exactes.
Les Editions Larousse ont publié en 2006, une encyclopédie en 5 volumes, grand format, intitulée « Histoire du monde », qui doit être rééditée prochainement. Ces ouvrages, suivant les propres termes de l’éditeur, « proposent une vision panoramique des évènements les plus importants qui, dans chaque grande aire de civilisation, ont marqué l’histoire du monde ».
Les évènements historiques y sont classés par période et par région du monde.
Le premier tome est consacré à l’Antiquité avec une préface écrite par Claude Mossé, professeur émérite à l’université de Paris VIII et directrice scientifique de ce tome, dans laquelle on peut lire :
« Entre 1400 et 1200 (avant J.-C.), l’Egypte traverse une grave crise religieuse sous le règne d’Akhénaton, le pharaon adorateur du soleil. C’est aussi à ce moment qu’un petit peuple nomade, venu du centre de l’Asie, se retrouve asservi en Egypte ; il se libérera sous la conduite de Moïse, qui saura s’attirer les faveurs du pharaon. Belle histoire, qui fonde « l’élection » du peuple juif et donnera naissance, quelques siècles plus tard, à la première religion monothéiste… »
Or il n’existe à ce jour, malgré les innombrables recherches archéologiques, aucun élément ayant permis de trouver une seule confirmation de cette histoire. De plus, l’esclavage n’existait pas en Egypte à cette époque. Personne n’a jamais découvert la moindre trace de Moïse et d’un peuple juif, esclave d’un pharaon. Sa seule source se trouve dans la Bible qui est donc considérée ici comme historiquement fiable. Or actuellement, aucun historien sérieux n’utilise la Bible comme base historique.
Faut-il rappeler ce qu’ont écrit les archéologues Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman dans leur livre « La Bible dévoilée » :
« La saga historique que nous conte la Bible - depuis la rencontre entre Dieu et Abraham, qui incita ce dernier à émigrer vers Canaan, jusqu’à la libération des enfants d’Israël du joug de la servitude, sous la conduite de Moïse, suivie de l’émergence et de la chute des royaumes d’Israël et de Juda – ne doit rien à une quelconque révélation miraculeuse ; elle est le brillant produit de l’imagination humaine. »
Ces archéologues dont le premier dirige l’Institut d’archéologie de l’université de Tel-Aviv, ne peuvent pas être soupçonnés de vouloir nier l’histoire du peuple juif, étant juifs eux-mêmes. Ils ne font que rapporter la réalité des faits.
Les Editions Larousse ne se livrent donc pas à une simple déformation de la réalité mais à une présentation comme historique de « faits » qui ne se sont jamais déroulés.
Dans ce premier tome, la période 1400-1200 avant J.-C. comprend 20 pages pour l’histoire du monde entier dont la présentation sur la première page est la suivante :
« Vers 1300 avant J-C, quand Ramsès II monte sur le trône d’Egypte, un peuple nouveau fait son entrée dans l’histoire du monde. Après avoir fui l’Egypte, les Hébreux se lancent à la conquête du pays de Canaan, « un heureux pays, pays de torrents et de sources d’eaux qui sourdent de l’abîme dans les vallées comme dans les montagnes, pays de froment et d’orge, de vigne, de figuiers et de grenadiers, pays d’oliviers, d’huile et de miel ». Ils y imposent la croyance en un seul Dieu. »
On ne peut être qu’étonné de lire que, pendant cette période, l’histoire du monde se résumerait à ce qui se serait passé au Moyen Orient avec pour évènement essentiel, la naissance d’un peuple, les Hébreux, qui imposerait le monothéisme. Un tel évènement aurait dû laisser des traces. Or elles sont totalement inexistantes.
On peut être étonné également d’y trouver l’extrait d’un discours de Moïse dans la Bible (Deutéronome 8,7-8) pour décrire le pays de Canaan.
Pour les auteurs de cette encyclopédie, les Hébreux étaient en Egypte à cette époque et ils leur consacrent un chapitre entier dont le titre est : « Proche Orient, Les origines des Hébreux » et qui commence ainsi :
« En 1336 avant notre ère, les Hébreux font leur entrée dans l’histoire avec une inscription égyptienne du règne de Mineptah, premier document écrit concernant Israël. »
En réalité, le règne de Mineptah, appelé aussi Mérenptah, s’est déroulé entre -1213 et -1204 et non en -1336. Une telle erreur est pour le moins gênante dans un livre d’histoire sauf si on cherche à tout prix à faire concorder des dates avec certaines indications de la Bible. Par contre il est exact que de nombreux archéologues considèrent que l’on a trouvé pour la première fois un texte écrit qui mentionnerait le nom d’Israël.
Il s’agit d’une stèle datant du début du XIV ème siècle avant J-C dont le dos a été gravé avec des hiéroglyphes en -1208 pour célébrer les victoires du pharaon Mineptah. Elle a été découverte en 1896 par un Anglais, Flinders Petrie.
Claire Lalouette, égyptologue, en donne une traduction intégrale dans son livre « L’empire des Ramsès ». Le passage qui serait le premier document concernant Israël est le suivant :
« Une grande joie est advenue en Egypte et la jubilation monte dans les villes du Pays bien-aimé. Elles parlent des victoires qu’a remporté Mérenptah sur le Tjehenou…
Défait est le pays des Tjehenou.
Le Hatti est paisible.
Canaan est dépouillé de tout ce qu’il avait de mauvais.
Ascalon est emmené.
Gezer est saisie.
Yenoam devient comme si elle n’avait jamais existé.
Israël est détruit, sa semence n’est plus.
La Syrie est devenue une veuve pour l’Egypte.
Tous les pays sont unis ; ils sont en paix… »
Le terme « Israël » vient de la traduction d’hiéroglyphes à valeur phonétique réalisée par Flinders Petrie lui-même, à savoir :
« isrAr »
Ces cinq lettres sont les seuls et uniques éléments à la disposition des historiens, qui permettent de prétendre que les Hébreux feraient leur entrée dans l’histoire. Et ce serait en dehors de l’Egypte. Rien d’autre n’a été découvert à ce jour. Il faut savoir que les seules données archéologiques de leur présence dans ce pays datent du VI ème siècle avant J.-C., soit sept siècles plus tard sur l’île d’Eléphantine.
Ce chapitre qui résume la Genèse et l’Exode contenus dans la Bible présentent également deux encadrés.
Le premier concerne les ancêtres d’Israël :
« La Bible appelle « patriarches » les premiers descendants d’Adam et Eve, célèbres pour l’âge fabuleux que chacun d’eux a atteint. Ces premiers hommes commettent faute sur faute, le premier crime étant celui de Caïn, qui tua son frère Abel. A cause de ces fautes, le Seigneur se repentit d’avoir créé l’homme sur la terre » et détruisit sa création. Ici se situe le célèbre épisode du déluge et de l’arche de Noé, seul homme à trouver grâce devant l’Eternel. Les races humaines descendent des fils de Noé : Cham, Japhet et Sem, ce dernier étant l’ancêtre d’Abraham et des Sémites. »
Ainsi, au début du XXIème siècle, dans une encyclopédie historique Larousse, on reprend le concept des races issues des fils de Noé. Une telle affirmation est consternante de la part d’historiens. Faut-il rappeler que la Bible n’en fait nullement mention et qu’il a été créé par les musulmans et les chrétiens dans l’unique objectif de justifier l’esclavage des noirs ?
Le deuxième encadré concerne la Bible :
« La Bible est le best-seller absolu. Or, si elle raconte une histoire, elle est loin d’être un livre d’histoire. L’HISTORICITE DE LA BIBLE Ses auteurs se soucient peu d’historicité, mais veulent avant tout faire connaître la volonté de Dieu. Ils utilisent des sources différentes, venues de plusieurs tribus, empruntent des mythes aux peuples qu’ils rencontrent, sans se soucier des invraisemblances ou des anachronismes. La tradition orale est très ancienne, mais le texte n’a été fixé que très tardivement. La découverte des manuscrits de la mer Morte a fait progresser notre connaissance des textes, mais c’est l’archéologie qui fournit les apports les plus précieux, infirmant ou corroborant le récit biblique. »
Il est donc précisé que la Bible ne serait pas un véritable livre d’histoire mais que l’archéologie permettrait, parfois, d’accréditer le récit biblique tout comme le pourraient les manuscrits de la mer Morte. Une telle affirmation est totalement fausse. Non seulement, aucune recherche archéologique n’a permis d’attester le récit biblique de cette époque, mais les fameux manuscrits de la mer morte, ayant été écrits entre 250 ans avant J.-C. et 28 ans après J.-C., ne peuvent absolument pas confirmer ou infirmer des évènements qui auraient eu lieu dix siècles avant. Quand on affirme que la Bible n’est pas un livre d’histoire mais que l’on prétend en même temps, que certains de ses récits correspondraient à la réalité, on travestit la vérité et l’on permet à la croyance en Dieu d’être justifiée.
Car quand on lit dans une histoire du monde publiée par Larousse, des passages tels que :
« …Il n’est pas certain qu’Abraham ait réellement existé ; son nom a peut-être été recréé à partir du mot « hébreu » pour donner à ce peuple un ancêtre mythique. Les sources non bibliques confirment le déplacement de patriarches, ces ancêtres dont parle la Genèse, depuis la cité d’Our en Mésopotamie jusqu’en pays de Canaan… »
« …Originaire de la tribu de Lévi, Moïse est le premier personnage de la Bible dont l’existence soit à peu près certaine ; il aurait vécu à l’époque de Ramsès Ier (mort en 1312 av J.-C.), mais plus probablement vers 1250… »
On ne peut être qu’enclin à considérer que ceux qui prétendent que la Bible est une fable, sont des ignorants ou des menteurs. Comment peut-on prétendre que l’existence de Moïse est à peu près certaine alors qu’aucune recherche archéologique n’en a jamais trouvé la moindre trace ?
On trouve également dans cette encyclopédie un chapitre intitulé « Proche Orient, Adam et Eve ».
Le texte principal et les textes d’explications des illustrations représentant des tableaux anciens dépassent l’entendement, car la Bible y est reproduite sans aucune indication sur l’irréalité du récit. Comment expliquer la présence d’Adam et Eve dans un livre d’histoire ? Il aurait été acceptable de présenter Adam et Eve comme une croyance ayant duré jusqu’au XIXème siècle. Mais, ne reproduire que la Bible oblige à penser qu’ils ont réellement vécu.
Adam et Eve font ainsi partie de l’histoire du Proche Orient. On est loin de la définition du mot « histoire » dans le dictionnaire Larousse : « Science qui étudie le passé de l’humanité, son évolution. »
Après la période 1400-1200, suit l’étude de la période 1200-970 avant J.-C. On y trouve 20 pages pour retracer l’histoire du monde. L’histoire des Hébreux continue sur quatre d’entre elles et commence ainsi :
« Proche Orient. Les Hébreux en Terre promise. Il faudra près de deux cents ans aux hébreux pour prendre la Terre promise aux populations qui y sont installées. La conquête est menée par des « Juges », chefs de tribus chargés de faire régner la paix. »
Là encore, le texte résume la Bible avec la vie de David, dans un royaume riche et prospère. La Bible devient un véritable livre d’histoire et aucune mention ne vient préciser son manque total d’historicité.
On peut s’étonner que la période choisie s’arrête en 970 et non pas en 1000 par exemple. Elle doit correspondre à un évènement très important. L’explication est toute simple, la date de -970 correspond à la fin du chapitre sur les Hébreux :
« A sa mort, en 970 avant notre ère, David est assez puissant pour faire reconnaître Salomon comme roi de l’ensemble des tribus. »
La mort de David supposée en 970, sachant qu’aucune recherche archéologique n’a permis de corroborer cette date, clôture ainsi une période de l’histoire du monde.
La période suivante est 970-800 avant J.-C. Elle comprend 20 pages dont quatre consacrées au « Proche-Orient, le Royaume Juif » qui commencent ainsi :
« Dans la Bible, les « Livres des Rois » racontent l’histoire du règne de Salomon et de ses successeurs, dont les épisodes « merveilleux » sont des témoignages de l’intervention divine. »
Toute cette période est résumée en s’inspirant exclusivement de la Bible. La question est encore une fois de savoir si elle peut représenter une source historique fiable.
Or quelle est la réalité des dernières recherches archéologiques ? On la trouve dans le livre « Les rois sacrés de la Bible, à la recherche de David et Salomon », d’Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman :
« L’écart entre l’art et la littérature, d’un côté, et les données historiques et archéologiques, vérifiables et documentées, de l’autre, nous ont conduits à prendre les mythes fondateurs pour ce qu’ils sont : des visions partagées d’anciennes identités communautaires, exprimées avec puissance et talent, dignes d’intérêt, certes, mais qu’il serait faux d’interpréter de façon littérale comme des exposés fiables de véritables évènements. C’est le cas de David et Salomon, introduits dans le récit biblique comme les pères fondateurs de l’ancien Etat israélite. Pourtant, nous pouvons l’affirmer aujourd’hui- et nous le prouverons avec une abondance de détails dans cet ouvrage-, la plupart des célèbres épisodes de l’histoire biblique de David et Salomon sont soit fictifs, soit douteux sur le plan historique, soit considérablement exagérés. Dans les chapitres qui vont suivre, nous démontrerons, preuves archéologiques à l’appui, qu’il n’y a jamais eu de monarchie israélite unifiée comme celle décrite par la Bible… Sur toute la période située entre le XVIème siècle et le VIIIème siècle avant notre ère, Jérusalem n’a livré aucun indice qui puisse permettre de penser qu’elle ait été une opulente cité, la capitale d’un vaste royaume. Les données suggèrent clairement qu’elle n’était qu’un gros village, dont les habitants, peu nombreux, vivaient sur la partie nord du promontoire, près de la source de Gihon. A en juger par le seul point de vue de l’archéologie, Jérusalem, durant tout cet intervalle multiséculaire- comprenant les règnes de David et Salomon- n’était probablement rien de plus qu’une bourgade, plutôt pauvre, non fortifiée, nichée au sommet d’un promontoire, couvrant une superficie d’environ un hectare et demi, au maximum deux… En termes historiques, cela signifie que les villes que David était supposé avoir conquises étaient encore des centres de culture cananéenne durant toute la durée de son règne présumé à Jérusalem. Quant aux monuments attribués à Salomon, témoins présumés de la grandeur de son Etat, ils ont été en réalité construits par les rois de la dynastie Omride, qui régnaient sur le royaume israélite du Nord durant la première moitié du IXème siècle. Par conséquent, l’archéologie, loin d’avoir démontré la fiabilité historique du récit biblique, nous a au contraire contraints à réévaluer radicalement la nature de la société de Juda et d’Israël au Xème siècle avant notre ère. »
Ainsi les dernières recherches archéologiques sont sans équivoques : la Bible ne peut servir de base historique pour décrire les époques de David et Salomon. Dans le passé, certains pouvaient douter d’une telle affirmation car elle reposait sur l’inexistence d’informations. Aucune recherche ne confirmait ni n’infirmait la Bible. Aujourd’hui par contre, toutes les découvertes avec des datations précises démontrent, sans ambiguïtés, son caractère imaginaire.
Il faut noter que de nombreux croyants s’opposent fermement aux démonstrations des archéologues et cherchent par tous les moyens à décrédibiliser leurs découvertes. Il leur est impossible d’accepter que la Bible ne décrive pas des faits réels.
Il n’est pas contestable d’affirmer que la Bible a influencé l’histoire du monde.
Il n’est pas contestable de la mentionner comme étant le fondement de la vie de nombreux peuples depuis son écriture au VIIème siècle avant J.-C.
Par contre, l’utiliser aujourd’hui pour décrire dans le détail l’histoire du Proche-Orient dans l’antiquité relève de la falsification. Il n’est pas acceptable de faire des Hébreux un peuple, qui aurait marqué l’histoire de l’antiquité dans le monde, quand on sait que cela ne repose sur aucune réalité. Au début de notre ère, la terre était peuplée d’environ 250 millions d’habitants, les Hébreux n’étaient que quelques dizaines de milliers et pratiquement aucun texte ne parle d’eux.
Pendant des siècles, on a cru que la terre était plate et qu’elle était le centre de l’univers. On a découvert un jour que tout cela était faux et la connaissance du monde a pu commencer à se développer.
Pendant des siècles, on a cru que ce qui était raconté dans la Bible était vrai. On a découvert depuis des dizaines d’années que tout cela était faux. Continuer à utiliser la Bible comme une référence historique devrait relever maintenant de la révision historique et du prosélytisme religieux.
Qu’une encyclopédie de l’histoire du monde proposée par les Editions Larousse, participe à cette désinformation est particulièrement grave. Quand on lit ce genre d’ouvrage, on ne doit pas se poser de questions sur la véracité des faits qui y sont exposés. On ne doit pas douter de la fiabilité et de l’objectivité de ce qui y est écrit. Ce n’est malheureusement pas le cas et le pire est de constater que personne n’en a contesté le contenu.
Quel est le but poursuivi par les Editions Larousse et Claude Mossé en particulier, en donnant aux Hébreux une importance dans l’antiquité qu’ils n’ont jamais eu et en accordant à certains passages de la Bible une réalité historique dont il a été prouvé qu’ils relevaient de l’imagination humaine ?
(Pour avoir plus d’informations sur ces sujets, mon livre « Dieu et les religions à l’épreuve des faits » est téléchargeable gratuitement sur le site inexistencededieu.com.)