Questions sur l’islam : entretien avec Salma, de l’association « Le Jardin de Fatima Zahra »

par Cercle des Volontaires
mardi 27 août 2013

À l’occasion de le fête de l’Aïd al-Fitr, le Cercle des Volontaires est venu à la rencontre du collectif de jeunes femmes qui vient de créer récemment l’association « Le Jardin de Fatima Zahra » aux Ulis (91). Nous avons fait connaissance avec une dizaine de jeunes femmes entourées de leurs enfants et, durant une après-midi conviviale, nous avons échangé nos points de vue sur la religion, sur la quête de spiritualité, et bien évidemment sur la place de la femme dans notre société.

Dans un contexte social tendu, avec un chômage de masse et une augmentation de la précarité ces dernières années, la politique du gouvernement tend, chaque jour un peu plus, à stigmatiser les hommes et les femmes de confession musulmane, et à susciter la peur et le rejet envers les femmes portant le voile, comme en témoigne la loi du 11 octobre 2010 interdisant le voile intégrale dans l’espace public, ou encore la toute récente proposition du Haut conseil à l’intégration (HCI) qui préconise l’interdiction du voile islamique à l’université. Face à ce constat, les femmes de l’association Le Jardin de Fatima Zahra se sont engagées à ré-informer leurs concitoyens et concitoyennes sur l’Islam.

Salma, l’une des représentes de l’association, a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à nos questions :

 

Cercle des Volontaires : Salma, pouvez-vous nous présenter l’association en quelques mots ?

Salma : L’association « Le jardin de Fatima Zahra », est une toute jeune association dédiée à la spiritualité musulmane au féminin. Parti du constat qu’il y a un manque d’information et de connaissance concernant l’islam et sa spiritualité, le jardin de Fatima Zahra œuvre ainsi à enseigner, expliquer et transmettre aux femmes l’essence du message islamique.

C.d.V. : Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui vous ont conduit à vous convertir à l’islam ?

Salma : Il y a beaucoup de raison qui m’ont conduit à me convertir à l’islam. D’abord, j’ai toujours été une personne curieuse du monde et désireuse de comprendre la manière dont réagissent les autres. Cette curiosité m’a poussé à étudier l’histoire du monde, les civilisations et les religions, et cela a réveilleré en moi mon vide existentiel ; ce vide qui m’a en fait toujours habité mais que je cherchais à cacher par de fausses préoccupations, des faux semblants.

Dés lors, j’ai traversé une terrible crise existentielle ; je ne savais plus à quoi je servais, quel était mon but sur terre ? Où vais-je ? Quel est le sens de cette vie ?… Suite à cette crise de l’âme, je me suis naturellement orientée vers ma religion de l’époque qui était le catholicisme.

Ce retour à la religion m’a apporté de l’apaisement mais ne traitait toujours pas mon mal et ne répondait toujours pas à mes questions qui me rongeaient intérieurement. Dans cette démarche de sincérité, et avec beaucoup d’appréhension, je me suis dirigée vers l’islam en lisant le Coran, « le fameux » Coran sur lequel on s’acharne tant et qui suscite tant de controverses.

A ma grande surprise, j’ai été grandement frappée par la beauté du message qui en découlait. C’était donc ça, le Coran ? Chaque fois que je le lisais, j’y ajoutais foi, j’avais enfin trouvé les réponses à mes questions par l’islam.

C.d.V. : Ce choix est-il en lien avec le constat d’une déliquescence des mœurs de notre société ?

Salma : Il est important d’aller à la source et de comprendre que la société n’est que le reflet de l’état des individus qui la composent. Et si l’individu est mal, la société est mal aussi. C’est donc à nous de se réformer individuellement pour pouvoir espérer un changement mondial.

C.d.V. : Vous portez le hijab. Le voile est souvent présenté comme le symbole de la domination masculine sur la femme. Pouvez vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi de porter le hijab ?

Salma : Effectivement, je porte le voile par conviction depuis que j’ai embrassé l’islam, soit six ans. C’est une démarche personnelle répondant aux attentes de ma religion. Personne ne m’a poussé à le mettre car j’étais la seule musulmane de mon entourage et au contraire je subissais une pression pour le retirer, comme la plupart des musulmanes qui se battent pour le garder. L’assimilation du hijab à la domination masculine est un mythe, car si on observe bien la société occidentale aujourd’hui et surtout dans les médias, la femme est celle qui subit le plus de pression. On la considère uniquement en tant qu’objet de désir et de jouissance ; pour vendre une voiture on a besoin de son corps, pour vendre un shampoing on a besoin de son corps ; son corps est exposé comme de la viande bon marché. Dans ce système, l’homme est habillé et la femme est déshabillée, qu’on me prouve alors qu’il n’y a pas de domination masculine. Et cette pression mène à des troubles, des dépressions, des maladies comme l’anorexie, la boulimie voire le suicide. La femme est réduite à son apparence et n’est pas considérée en tant qu’être capable d’être vue et entendue pour ce qu’elle est réellement. Avec ce hijab, j’ai le contrôle sur moi et sur les regards, et moi-même j’impose les limites.

L’islam voit les choses selon sa réalité. Cette réalité est que nous vivons dans un monde composé d’hommes et de femmes naturellement attirés les uns par les autres. Dans ce soucis de préserver le monde et la société, car la famille a une place centrale dans la religion, l’islam a établi des lois qui permet de préserver la société des vices et déviations, et le voile est une des solutions et c’est un fait incontestable que l’on accepte ou non. Avec ce hijab, on ne me considère plus uniquement en tant qu’objet de désir, mais en tant que personne morale, un être humain dans toute sa dimension. L’islam nous dis soyez vous-même, ne vous souciez pas du regard des autres, rapprochez-vous de votre propre authenticité.

C.d.V : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien dans vos rapports avec les autres ?

Salma : On m’observe et me questionne beaucoup, mais cela ne m’affecte pas et c’est compréhensif car j’étais pareil avant ma conversion. Cela est dû au manque de connaissances et d’informations sur les questions de l’islam et cela crée un sentiment d’angoisse alimenté par les médias. C’est pour cela que je m’engage à expliquer et dialoguer dans la paix puisque notre but n’est pas d’être invisible mais mieux visibles. Il faut que la société accepte la différence et la pluralité.

C.d.V : Prochainement, une loi sera adoptée au Parlement pour interdire le voile à l’Université, après l’école en 2004. Que pensez-vous de ces lois qui empêchent à certaines femmes d’avoir accès à l’enseignement ?

Salma : Concernant la question du hijab et de l’enseignement, je trouve que c’est malheureux pour un pays qui prétend défendre les droits de l’homme de ne pas être cohérente avec ses propres valeurs ; je ne reconnais pas la France. Ainsi, quelle est l’alternative qu’on propose alors à ces femmes qui cherche justement à s’élever aussi bien sur le plan spirituel que scientifique si on les met de côté ? Qu’est-ce qui dérange réellement dans ce bout de tissus ? Ou, pour aller plus loin et être honnête avec soi, qu’est ce qui dérange dans l’islam ? Car comme on n’ose pas s’attaquer à elle (la religion), on s’en prend à ses « symboles » : hijab, minaret, le halal…

C.d.V : À notre époque troublée, quels conseils donneriez-vous aux femmes quant à leur mission au sein de notre société ?

Salma : Je conseillerais aux femmes, comme aux hommes, croyant ou pas, de rester authentiques, d’assumer leurs choix, leurs pensées et leurs idées. De ne pas avoir peur, et de se battre pour leurs convictions dans la tolérance et le respect de l’autre, car c’est à ça qu’on reconnait les gens de valeurs.

 

Propos reccueillis par Jennifer Cingouin et Amélie Carlier


Lire l'article complet, et les commentaires