Rupture : le premier chanoine divorcé

par Jean-Dominique Reffait
jeudi 20 décembre 2007

Par tradition, le chef de l’Etat français est chanoine honoraire de la basilique de Saint-Jean-de-Latran à Rome, siège de l’évéché romain. Cette tradition nous vient du don de l’abbaye de Clairac que fit Louis XI à l’évéché de Rome en 1482, don confirmé par Henri IV. Ladite abbaye fut reprise par la Révolution et c’est Napoléon III qui restaure le titre de chanoine en accordant une subvention pour l’entretien d’une chaire dans la cathédrale romaine.

Le titre de chanoine lui-même, s’il est honorifique pour les présidents français, n’en demeure pas moins un titre ecclésiastique exigeant, accordé notamment à de vieux prêtres particulièrement méritants, lorsque vient l’heure de la retraite. Le chapitre canonial, composé de chanoines, constitue, au siège de chaque évéché, le conseil autour de l’évèque. C’est à eux que sont réservées les stalles que l’on admire souvent, sans pouvoir y pénétrer, dans les grandes cathédrales gothiques et baroques.

Un chanoine est donc un membre du clergé, soumis, comme l’étymologie de son nom l’indique, à une règle canonique, à savoir en premier lieu le respect des préceptes de l’Eglise. Si un laïc peut devenir chanoine, il a cependant obligation de se plier à certaines règles fondamentales qui fondent le "don eucharistique", c’est-à-dire le sacrement de l’alliance nouvelle.

Nicolas Sarkozy, en prenant place dans la stalle réservée aux rois et présidents français, deviendra de facto chanoine honoraire de la basilique de Saint-Jean-de-Latran, comme le firent avant lui Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing et Charles de Gaulle. A ceci près que Nicolas sarkozy est divorcé et qu’à ce titre il ne peut prétendre à la communion ou aux autres sacrements de l’Eglise.

L’attribution du titre de chanoine honoraire au président Sarkozy ouvre donc la voie à une jurisprudence du droit canon concernant les divorcés. En effet, en faisant d’un divorcé un membre de son clergé, l’Eglise catholique adopte une position contraire à ce qui fut pendant longtemps une règle intangible : le divorce n’est plus une cause d’exclusion des sacrements et devient donc autorisé par le droit canon. L’ex-cardinal Ratzinger n’a sans doute pas pesé les contradictions de cette nomination, lui qui se caractérise par une rigidité résolue sur les questions de principes de la vie catholique. La raison d’Etat, fût-elle celle du plus petit Etat du monde, mais aussi du plus symbolique, l’a emporté sur des principes séculaires.

Les chrétiens divorcés sauront désormais que les portes de l’Eglise leur sont grandes ouvertes.


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