Science et christianisme : la nouvelle alliance

par Cazab
samedi 12 février 2011

En ce début de XXIème siècle, il y a beaucoup de science. Il y a aussi beaucoup de foi. Mais ces deux composantes sont en train d’opérer sous nos yeux un rapprochement fantastique. Loin de la caricature classique de la science détricotant la religion, c’est une nouvelle alliance qui se dessine. Au profit du christianisme.

Mathématiques et logique : les nouvelles armes fatales

3%. Telle est, selon Richard Swinburne, philosophe émérite des sciences et des religions à Oxford, la probabilité que Jésus de Nazareth n’ait pas ressuscité. Il l’a écrit dans un livre publié en 2003, The Resurrection of God Incarnate[1] . Cependant le degré de précision ne doit pas tromper. Il ne s’agit pas d’établir un nombre fixé dans le marbre. Il s’agit plutôt de montrer quelle direction indiquent les faits quand on utilise l’arme fatale des probabilités. Et l’on se rend compte que même si Swinburne, malgré sa démarche précautionneuse et volontairement minimaliste, a commis une gaffe énorme et que la probabilité de la non-résurrection est dix fois supérieure, cela ne fait toujours pas pencher la balance de l’autre côté.

Une autre arme fatale est celle de la méthode historique. Il y a encore une dizaine d’années, on entendait très fréquemment les historiens reprendre en chœur la formule selon laquelle il leur faudrait des preuves absolument miraculeuses, donc hors de leur portée, pour pouvoir dire qu’un événement miraculeux s’est produit. Ce raisonnement sonnait bien. Il était basé sur un essai du philosophe écossais du XVIIème siècle David Hume et permettait aux historiens spécialistes du Nouveau Testament de ne surtout pas entrer au cœur du problème et de ne fâcher personne. Oui, cela sonnait bien et c’était bien pratique. Mais c’était faux. Plus que faux c’était, pour reprendre le titre d’un livre que le philosophe des sciences John Earman a consacré à la question en 2000, un « raté lamentable » de la part de Hume[2]. Beaucoup d’historiens se cachent encore derrière le paravent de cette faillite logique en l’adaptant au cas de Jésus de Nazareth[3]. L’infime probabilité d’un événement « miraculeux » est présupposée, mais cette base de départ engendre une contradiction interne puisque les historiens admettent dans le même temps que l’existence de Dieu n’entre pas dans leur champ de compétence. Dès lors comment fixer une probabilité à un événement impliquant quelque chose qui n’entre pas dans son champ de compétence ?

Des disputes instructives

Et dès que l’on se rend compte de l’absurdité de la position historique traditionnelle, les conclusions sautent presque aux yeux. Et cela se remarque très bien dans les débats publics que les universités américaines offrent régulièrement à leurs étudiants et où des défenseurs de l’existence de la résurrection affrontent des agnostiques et des athées. Ce ne sont pas du tout des divertissements mais bien de véritables remakes des « disputes » médiévales et les meilleurs universitaires acceptent d’y participer. A un regard français, habitué à la recherche quasi désespérée du consensus mou, ces confrontations sont à première vue tout ce qu’il y a de plus bizarre. Mais on s’habitue vite à ces explications franches et toujours polies. La participation à ces événements a même contribué à ce qu’un ce qu’un des plus célèbres philosophes analytiques du XXème siècle, Antony Flew, abandonne en 2004 son athéisme militant pour devenir déiste. Depuis une quinzaine d’années, il est impressionnant de constater combien le meilleur défenseur de la thèse, le philosophe des sciences et théologien William Lane Craig, s’en sort à chaque fois à bon compte quand il doit répondre aux objections de spécialistes aussi reconnus que Gert Lüdemann, John Dominic Crossan et Bart Ehrman.

L’impasse des lois naturelles

C’est qu’en fait le poids des preuves est presque accablant en faveur de la résurrection. Car si l’on se base uniquement sur les faits admis par 99% des spécialistes du Nouveau Testament, la résurrection devient de loin la meilleure explication possible[4]. En effet, aucune explication naturelle n’est en mesure de coller avec le plus ancien témoignage historique sur la vie de Jésus. Ce petit passage ne se trouve pas dans les Evangiles mais dans la première Epître aux Corinthiens de Paul. Aujourd’hui la quasi-unanimité des experts s’accordent pour dire que ces quelques lignes remontent aux années 30, c’est-à-dire au plus tard 10 ans après la mort de Jésus. Il s’agit d’un ancien credo que Paul a probablement découvert lors de sa visite à Jérusalem où il a pu interroger notamment Jacques et Pierre. On peut y lire que Jésus est mort, qu’il a été enterré, ressuscité et qu’il est apparu à Pierre puis aux apôtres, puis à une foule de cinq cents personnes. Le problème est qu’il n’existe aucune « explication naturelle » permettant de comprendre ces phénomènes : l’explication la plus souvent donnée par les experts, l’hallucination collective, ne tient pas la route puisque la littérature médicale n’a jamais pu constater un seul cas d’hallucination en groupe (qu’il ne faut pas confondre avec des interprétations erronées de phénomènes visibles). En trouver d’un coup plusieurs, étalées dans le temps, durables, à différents endroits, sur des gens différents, certaines connaissant très bien la personne en question, relèverait en soi d’un défi aux lois de la nature. Et comme on l’a vu le paravent historique adapté de Hume est invalide au plus haut point. L’explication par des lois naturelles amène à une impasse logique. Une impasse logique du même genre que celle des "sceptiques" dans l'affaire de l'apparition en France du suaire de Turin, rendus à devoir postuler, avant même de commercer à chercher une technique de reproduction de l'image, un faussaire médiéval, modeste, génial, inconnu et sans scrupules[5].

En ce début de XXIème siècle, l’évolution des connaissances scientifiques amène donc à un renversement très piquant : pour contester l’existence de miracles, il faut d’abord admettre que l’on se base sur une série d’événements dont la probabilité de survenue est plus faible que la probabilité d’un « miracle ».

Dès lors, la conclusion s’impose : le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas scientifique.


[1] Richard Swinburne, The Resurrection of God Incarnate, Clarendon Press, Oxford, 2003.

[2] John Earman, Hume’s Abject Failure, The Argument Against Miracles, Oxford University Press, 2000.

[3] Le spécialiste vivant le plus connu de Jésus, John P. Meier, a une position légèrement différente mais tout aussi incohérente (voir particulièrement W.L. Craig, « "Noli Me Tangere’’, Why Meier Won’t Touch the Risen Lord », The Heythrop Journal, 2009, 1, pp. 91-97.)

[4] Le livre le plus rigoureux et le plus à jour sur ces questions est de Michael Licona, The Resurrection of Jesus, A New Historiographical Approach, IVP Academic, 2010.

[5] Voir nos deux articles précédents sur Agoravox et un autre de nos articles hébergé par l’encyclopédie Larousse ( http://www.larousse.fr/encyclopedie/article/Suaire_de_Turin/11019930 )


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