Selon un reportage de BFM TV, les Français seraient « allergiques » à l’islam ! Le contraire d’un service rendu aux musulmans

par guylain chevrier
jeudi 2 octobre 2014

Le Grand Angle de BFM TV d’hier soir prenait pour thème « Islamophobie, l’inquiétude ». Ce reportage, réalisé dans le contexte du combat contre le terrorisme de l’Etat islamique autoproclamé « Califat » en Irak et de l’assassinat sauvage d’Hervé Gourdel, entendait prendre le parti pris des musulmans pour désamorcer un climat dénoncé comme délétère envers eux. Tout le reportage était ainsi conçu sur le mode d’une victimisation à outrance des musulmans qui se retournait dans son contraire. 

Ce reportage prend tout d’abord à témoin les actes de dégradation contre les mosquées qui sont certes, absolument inacceptables. Une chercheuse de Science-po explique que les Français seraient de moins en moins tolérants vis-à-vis des maghrébins et que cela correspondrait avec les événements qui depuis cinq ans secouent les pays arabes, par amalgame, ce qui serait évidemment condamnable. Elle nous parle d’« allergie » croissante des Français pour l’islam dans l’espace public, particulièrement le voile, comme conséquence de cet amalgame. On recueille le témoignage d’une femme voilée qui explique s’être fait violemment agressée par le simple fait de porter le voile, ce qui ne peut qu’indigner. Mais est-ce là les seules références à évoquer quant aux relations entre l’islam et notre société ? On va interroger des musulmans dans une mosquée qui expliquent se sentir « mal vue », ne pas comprendre pourquoi on leur demande de s’expliquer sur des actes commis par des fous. On entend nous remettre en mémoire, selon le commentaire, que l’islam est sans la moindre nuance, une religion de paix.

Une vision à sens unique, de victimisation unilatérale, qui n’a que peu de choses à voir avec l’investigation journalistique. Rien donc permettant de redonner à cette question de la place de l’islam dans notre pays et de ses relations avec notre République, plus de sens. Pourtant, il y a de quoi si l’on cherche un peu, qui modère cette victimisation outrancière.

 

De sérieuses contradictions entre la République laïque et une partie des musulmans

La société française n’est-elle pas concrètement interpellée par la multiplication des revendications communautaires à caractère religieux, remettant en cause régulièrement la laïcité par exemple ? Demandes de femmes musulmanes d’être soignées à l’hôpital public uniquement par des femmes ; Sous la pression d’associations musulmanes, on ouvre des piscines municipales à des horaires particuliers uniquement aux femmes ; L’adoption des menus sans porc se traduisant par des tables de sans-porc créant ainsi des groupes sur une base ethnico-religieuse problématique dans certaines écoles ; Contestation du contenu de certains cours de l’école primaire à l’université, lorsqu’ils touchent à l’enseignement des civilisations, de la shoah, de l’origine de la vie, de l’égalité homme-femme… ; Encore ailleurs, ce sont les sapins de Noël que l’on ne met plus dans des écoles à la demande de parents musulmans, sous prétexte que cela serait discriminatoire… Pourtant, on sait combien Noël est une fête laïcisée qui n’a plus, pour l’immense majorité des Français, de connotation religieuse ; Des éducatrices portant le voile remettent en cause leur rôle d’information des usagers qu’elles accompagnent concernant le sida ou la contraception au nom de leur religion ; Ici un éducateur offre un tapis de prière à un enfant sous prétexte qu’il est issu d’une famille de même religion que lui, sans se préoccuper du choix de ses parents, créant une situation d’assignation problématique ; Au moment du ramadan, des personnels refusent de s’alimenter pendant le temps où ils sont en charge d’enfants dont ils doivent pourtant assurer la sécurité en étant en pleine possession de leurs moyens ; Dans l’entreprise, on voit apparaitre le refus de serrer la main aux femmes de la part de certains hommes en raison de leurs convictions religieuses… Faut-il encore continuer cette liste pour se rendre compte que bien des problèmes se posent concernant la place de l’islam dans notre société et surtout, relativement à celle que veulent y donner une partie des musulmans parmi les plus pratiquants.

N’y-a-t-il pas une logique communautaire qui tend vers le communautarisme et s’affirme en France à travers ces revendications et le refus d’une partie de nos concitoyens de se mélanger au-delà de leur communauté de croyance, que le développement du voile signifie sans ambiguïté et peut inquiéter ?

 

Une mise en danger de la laïcité par le communautarisme au risque du djihad

Loin de tout fantasme, on voit au nom de ces revendications réclamer l’adaptation de la norme commune pour la régler sur des intérêts particuliers d’essence religieuse, remettant en cause le principe de laïcité, l’égalité de tous devant la loi inscrite à l’article premier de notre Constitution. L’égalité homme-femme, symbole fort de notre modernité démocratique, qui est une conquête toujours fragile, est tout particulièrement ici mise en cause. Il existe aussi, en reflet de cette situation, une tentation dangereuse de nos politiques d’aller dans ce sens en cédant aux pressions, entre autres par clientélisme, et de reconnaitre juridiquement des droits particuliers à des groupes issus de ce que l’on nomme la diversité, au nom de mieux la prendre en compte. C’est même devenu une pratique régulière de bien des élus de la République que de financer sur fonds publics des projets directement ou indirectement liés à des demandes de cultes, allant dans le sens d‘accommodements qui n’ont rien de raisonnables.

La diversité de la France, qui est issue de l’histoire de son immigration, n’est nullement remise en cause, et chacun est libre d’appartenir à une communauté tant qu’elle ne tourne pas au communautarisme. Le communautarisme, comme l’explique Dominique Schnapper, ancienne membre du Conseil constitutionnel, revient à enfermer les individus dans leur particularisme, de les assigner à un groupe, à l’encontre de leur liberté personnelle et de leur possibilité d’échange, de mélange, avec les autres. Il est donc nécessaire de nous prémunir contre ce péril mortel pour notre République laïque et donc pour le bien de tous.

Le repli communautaire auquel on assiste concernant une part croissante de musulmans dans notre pays voulant imposer une conception rigoureuse de leur religion qui les amène à disputer nos valeurs communes, conduit à l’isolement, au refus du mélange, à l’enfermement communautaire. Il en découle un discours de victimisation qui nourrit une défiance vis-à-vis de la société française. Dénier ce qui ici prend forme, n’est-ce pas courir le risque de laisser s’installer un radicalisme religieux sur le terreau duquel l’islamisme peut proliférer ? Cette situation, ne constitue-t-elle pas un des ingrédients favorables à la fragilisation de certains pratiquants pouvant les conduire à être séduit par la cause djihadiste fondée sur un rejet de l’Occident et de ses valeurs libérales ?

 

Une attente d’un positionnement de l’islam de France qui ne joue pas franc-jeu

Si l’on peut croire de bonne foi les musulmans qui défendent un islam de paix, l’attente d’un positionnement des institutions représentatives des musulmans par la France était tout à fait légitime, en raison simplement déjà de ces départs pour la Syrie de jeunes et moins jeunes Français musulmans qui ne cessent de croitre, et dont l’opinion publique peine à comprendre pourquoi. Comment se fait-il que de simples pratiquants musulmans ordinaires basculent soudain dans le djihad ? Une question que refusent de se poser les responsables musulmans en avançant que cela ne serait pas l’islam, ce qui interroge nécessairement nos concitoyens.

On nous fait oublier un peu vite aussi que la Guerre Sainte, le djihad, est bien une des références historiques essentielles de l’islam, certes ancienne, comme historiquement dépassée, comme contraire sans aucun doute à ce qui fait l’islam de France pour l’essentiel aujourd’hui, mais nullement dénoncée en tant que telle comme devant être définitivement enterrée.

On peut trouver le meilleur et le pire dans le Coran. Le reportage nous explique pourtant qu’à son propos on serait plein de fantasmes, que nous n’aurions affaire qu’à un islam de paix. C’est d’ailleurs exactement ce que le Président du CFCM a expliqué lors du rassemblement des musulmans devant la mosquée de Paris de vendredi dernier, en affirmant que « Tuer un homme dit le Coran c’est tuer toute l’humanité  ». Tout d’abord, cette phrase est totalement sortie du contexte du verset qui la contient, puisqu’il s’agit d’une prescription faite dans la sourate V verset 32 aux enfants d’Israël, qui doivent se soumettre au seul dieu, Allah, qui n’a donc aucune valeur universelle pour les musulmans. Et puis, si on regarde d’ailleurs de plus près le Coran, on trouve très vite des versets relatifs à la guerre contre les infidèles qui ne laissent pas d’ambigüité quant à leur appel à la violence : « Ceux qui ne croient pas à Nos versets, Nous les brûlerons bientôt dans le feu. Chaque fois que leurs peaux auront été consumées, nous leur donnerons d’autres peaux en échange afin qu’ils goûtent au châtiment…. » (Sourate 4 verset 56), « La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager(…) c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe… » (Sourate 5 verset 33).

On entend même dans ce contexte, dans l‘émission Envoyé spécial de jeudi dernier sur le djihadisme, Mohamed Bajrafil l’imam d’Ivry-sur-Seine expliquer que, si l’islam n’est que « religion de paix » elle aurait aussi apporté l’égalité entre hommes et femmes… Contrevérité que l’on ne peut laisser dire, ce que feront pourtant les journalistes sans sourciller. Encore une fois, on angélise à plaisir. Le Coran sans contestation possible institue l’infériorité juridique des femmes dans l'application stricte des textes. La femme n’y est désignée que comme croyante, épouse et mère avec l’affirmation de la prééminence de l'homme sur elle (Sourate 2 versets 228) ; Le témoignage d'une femme vaut la moitié de celui d'un homme, (Sourate 2 verset 282) ; la femme perçoit la moitié de la part dévolue à l'homme lors d'un héritage, (Sourate 4, versets 12) ; l'homme a droit à la polygamie (Sourate 4, versets 3) et à répudier sa femme, (Sourate 2, versets 226 à 233) ; « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci (…) Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises… (Sourate 4, versets 38 et suivants).

Sans prendre ces extraits du Coran au pied de la lettre, car toutes les religions sont issues de temps anciens et marqués par la violence et le patriarcat, on peut s’inquiéter de ce discours qui vise à nous cacher des références qu’il s’agirait plutôt de mettre en débat et d’adapter à notre réalité contemporaine. Pourquoi donc ainsi, en nous cachant la réalité, vouloir à tout prix nous vendre un islam de paix qui peut être aussi interprété, selon une lecture littérale des textes, comme un islam de guerre ? Ceci, alors que les musulmans qui entendent ce discours savent parfaitement ce que l’on dit dans le Coran, dont ceux aussi qui risquent d’être tentés par ce djihad et en raison de ce discours biaisé, n’en sont pas protégés. 

 

Une accusation d’islamophobie qui conduit au repli des musulmans et à un renforcement du FN 

Tout cela n’existe donc pas pour les journalistes qui ont réalisé ce reportage, qui ne voient vraiment pas comment la France aurait le moindre problème avec tout ou partie de l’islam, tout questionnement ou critique ici tombant nécessairement alors sous la mise en accusation d’« islamophobie ». 

On connait les tenants et les aboutissants de ce terme qui fait florès depuis quelques années, venu de l’Iran des Mollahs, s’affiliant avec le terme xénophobie. On entend ainsi avec ce terme assimiler toute critique de l’islam à du racisme, ce qui aboutirait dans le cas où ce terme prendrait un caractère juridique, au délit de blasphème. En insistant sur l’idée d’une défiance des Français (sous-entendus des Français du cru non-musulman) dans ce reportage, on induit qu’il existerait une attitude de rejet des musulmans, par un amalgame avec le terrorisme islamique de façon bête et méchante, renvoyant à un fond de racisme.

Ce qui est grave ici, c’est de nourrir une propagande culpabilisatrice qui tend à empêcher de réfléchir et par là-même, de pouvoir se poser la question de savoir comment réunir les conditions de lutter correctement contre le risque de départ pour le djihad de jeunes musulmans de notre pays. Et encore, de nourrir par cette mise en procès révoltante des Français, une colère qui les jette dans les bras du FN avec un rejet du système politico-médiatique que ce reportage de BFM illustre malheureusement à merveille !

Conjurer le risque du communautarisme et du rejet de l’autre

Si dans ce contexte particulier on a vu pour la première fois de cette façon les autorités musulmanes de France dénoncer le terrorisme islamique comme une barbarie, ce qui n’est pas à négliger, il ne faut pas pour autant tout oublier. Au lieu d’empêcher tout débat sur l’islam derrière une victimisation à outrance de cette religion, il faudrait permettre que les musulmans puissent se poser certaines questions qui sont peut-être aux racines du problème. Il en va de la liberté de musulmans qui constituent une sorte de majorité silencieuse au nom de laquelle on s’exprime en permanence, en créant toutes les conditions de la maintenir dans ce silence. On la prive ainsi de cette liberté de faire entendre autre chose que ce discours de victimisation, relayé par des imams et une frange de pratiquants, qui fait aussi oublier ce que l’assignation à une communauté réalise, la forclusion de la liberté de ses membres d’exercer leur libre choix.

Avant même ces deniers événements, il est un fait que la perception de l’islam par les Français, dans toutes les enquêtes d’opinion, est marquée tendanciellement par la négative, qui y voit un risque pour les libertés et nos valeurs collectives. On peut voir que, loin d’être tous des « islamophobes », ils peuvent avoir là de réels motifs d’inquiétude pouvant être reliés à ce qui peut favoriser, par exemple, le départ de candidats au djihad ?

La volonté obsessionnelle des journalistes de présenter l’islam comme une religion inoffensive, hors de toute critique ou questionnement, les rend aveugles et incapables de faire l’analyse qui devrait permettre une critique constructive et utile à la réflexion collective, ce qui devrait être leur rôle. Ceci, au lieu d’appuyer sur des divisons qui ne rendent service à personne et surtout pas aux musulmans eux-mêmes, à coups d’anathèmes et de raccourcis faciles rétribuant une bonne conscience à bas prix. Espérons que BFM TV nous proposera une autre qualité d’analyse sur ce sujet à l’avenir.

S’il faut conjurer le danger des amalgames, et de s’enfermer dans une vision unique des musulmans comme représentant un danger flattant le rejet de l’autre, pour autant, il ne faut pas ignorer les risques que toute religion peut faire courir à nos libertés si son rôle n’est pas contenu à l’espace privé, voire personnel, de la croyance et du culte. La laïcité est ce bien commun qui porte au-dessus des particularismes ce que l’on met ensemble pour faire société, ce qui assure l’harmonie d’un vivre-ensemble avec nos différences, et une société apaisée qu’il faut préserver. Il a fallu des siècles pour conquérir l’émancipation de notre société et de l’Etat de la tutelle religieuse, il en va aussi ici de la défense de ce bien pour tous. Toute religion qui entend prendre sa place dans la modernité démocratique doit s’y adapter et non le contraire, sinon, c’est la liberté de tous, y compris des musulmans eux-mêmes, qui se trouve menacée.

Guylain Chevrier


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