Un dialogue interreligieux sans tutelle ?

par Christian Wolff
vendredi 7 novembre 2008

Quelques jours après la tenue à Rome d’un forum consacré à la question du dialogue interreligieux, le philosophe Abdennour Bidar réagit en posant une question de fond : l’homme religieux aurait-il peur de devenir majeur ?

Les personnalités réunies cette semaine au Vatican dans le cadre du premier forum islamo-chrétien n’ont pas eu de mal à s’accorder sur quelques valeurs fondamentales : respect de la vie, liberté religieuse, liberté de conscience, dénonciation de l’oppression et de la violence, etc. Mais « liberté » n’a pas exactement le même sens selon les contextes dans lesquels on l’envisage, et chacun est naturellement porté à percevoir la liberté de l’autre comme une forme de prosélytisme larvé. L’essentiel de la discussion a donc logiquement porté sur la manière dont il convient de définir les conditions d’un véritable dialogue : un dialogue ouvert, qui commence par reconnaître qu’aucune des parties en présence ne jouit du monopole du sacré, ni ne détient la clé du rapport de bon voisinage entre religion et modernité.

Dans un texte paru le 4 novembre dans le quotidien Le Monde (« Parler de l’homme plutôt que de Dieu »), le philosophe Abdennour Bidar défendait ainsi l’idée selon laquelle « une intelligibilité partagée des trois monothéismes » ne sera possible qu’à partir du moment où les deux traditions seront capables de « se considérer à égalité de valeur spirituelle », en abandonnant un « complexe de supériorité » qui est malheureusement trop bien partagé aujourd’hui. Plus profondément, c’est à une révision de notre notion du religieux qu’invite l’auteur de Self-Islam, en situant le centre de gravité de la vie spirituelle par-delà les formes du pouvoir ecclésiastique, qu’il s’agisse du clergé catholique ou musulman.



Car, derrière les généreux discours sur la dignité spirituelle de l’homme et la liberté de conscience, c’est la possibilité d’un rapport au sacré dégagé de toute tutelle qui demeure impensée. Or, l’homme religieux – dont il est clair, en ce début de XXIe siècle, qu’il n’est nullement une espèce en voie de disparition – a probablement atteint depuis quelques années l’âge de la majorité. Comment s’orienter, une fois admis qu’il faudra désormais avancer seul ? Abdennour Bidar repart de cette question fondamentale dans un entretien d’une vingtaine de minutes, que publie le site e-ostadelahi.fr. Sur un ton à la fois philosophique et personnel, il y aborde certains des problèmes développés dans son dernier ouvrage : Un islam sans soumission (Albin Michel).



Voilà de quoi nourrir les réflexions préparatoires au deuxième forum qui doit se tenir d’ici fin 2010, cette fois-ci dans un pays musulman.


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