Un islam de France ? Chiche ? Voici mes propositions

par Catherine Segurane
mercredi 9 mars 2011

Un islam de France, c'est d'abord un islam qui accepte, sans chercher à la contourner ou à la modifier, la législation française et en particulier la loi de 1905. Celle-ci assure la liberté de conscience, mais dans le respect de l'ordre public (article 1). La République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (article 2). Ce dernier est organisé par des associations au fonctionnement transparent (article 18 et suivants). Ces associations doivent avoir l'organisation du culte pour objet exclusif (article 19). Les réunions cultuelles se déroulent dans des lieux prévus à cet effet, et sont placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public (article 25). Les réunions politiques sont interdites dans les locaux cultuels (article 26). Les pressions sur les personnes pour les faire participer à un culte ou le leur interdire sont interdites et sanctionnées (article 31).
 
L'application de ces principes à l'islam impliquerait de rappeler que la liberté de conscience (article 1) inclut le droit de changer de religion ou de n'en avoir aucune ; l'apostasie est donc de droit pour les personnes de naissance musulmanes qui le souhaitent, et le CFCM doit la reconnaître ou se voir dissous ; la loi de 1905 interdit également (article 2) le financement public des mosquées, comme de tout autre lieu de culte ; l'obligation d'être organisé en associations cultuelles transparentes (articles 18 et suivants) interdit les fonctionnements informels autour d'imams dont on ignore qui ils sont exactement. L'obligation, pour les associations cultuelles, d'avoir le culte pour objet exclusif, interdit à ces associations tout ce qui est politico-religieux ou intermédiaire entre le cultuel et le culturel ou intermédiaire entre le religieux et la promotion des intérêts d'un pays étranger même ami ; l'interdiction des réunions politiques, si elle était réellement appliquée, interdirait tout ce qui oeuvre à faire respecter la charia, même sur un point jugé mineur par certains (halal, voile) ; l'obligation que le culte se déroule dans les lieux prévus à cet effet interdit de transformer en espace cultuel des locaux d'entreprise, voire l'ensemble de l'espace public ; l'obligation d'accepter la surveillance des autorités implique que les réunions se tiennent en Français (ou dans une langue largement connue) ; un tel usage du Français est refusé, même pour le prône (sermon) par la Grande Mosquée de Paris, association qui se veut pourtant une des plus libérales. L'interdiction de faire pression sur les personnes (pour le port du voile, pour la promotion du halal, pour le respect du ramadan) peut être sanctionnée sur la base de l'article 31, et le serait si les pouvoirs publics faisaient leur travail.
 
On le voit, l'exacte application de la loi de 1905 règlerait tous les problèmes de voile, halal, pressions sur les personnes, mosquées-relais de pays étrangers, prières en entreprises, surveillance du personnel hospitalier par les maris. Bien entendu, elle est violée au quotidien sur chacun des points que nous venons de citer, et il faut un phénoménal culot aux autorités musulmanes pour se réclamer de la laïcité et de la loi de 1905 quand cela les arrange, alors même qu'ils se dispensent tout ce qui les gêne.
 


La liberté de culte prévue par la loi de 1905 ne peut être mise en oeuvre qu'au travers d'associations qui ne se livrent à aucun degré aux délices ambigus du politico-religieux. Doit être exclue des libertés et avantages prévus par cette loi toute association qui se prévaut d'une "école juridique" quelle qu'elle soit (car faire et dire le droit, c'est politique) ; toute association ayant des liens privilégiés avec un pays étranger ; toute association cherchant à modifier la condition de la femme, car les lois sur la famille sont aussi politiques que les autres ; toute association cherchant à structurer des communautés distinctes (car c'est un acte éminemment politique, et qui plus est destructeur, que de chercher à segmenter la communauté nationale) ; toute association préconisant ou permettant à ses fidèles de pratiquer une police des comportements religieux quotidiens en direction des personnes supposées musulmanes d'après leur nom ou leur physique.
 
Tous les actes décrits au paragraphe précédent sont incompatibles avec le statut d'association cultuelle régie par la loi de 1905. Tous ne sont pas forcéments à interdire pour autant. Il faut distinguer. Certains ne sont pas forcément criticables ; je ne vois aucun mal, par exemple, à maintenir des contacts culturels et amicaux avec un pays d'origine. Mais pas sous l'égide de la loi de 1905. D'autres de ces actes, en revanche, seraient à réprimer avec vigueur, car non seulement ils sont politiques, mais en plus ils sont délictuels, voire criminels ou criminogènes. Tel est le cas de la police des comportements religieux. Tel est encore le cas des invitations d'imams préconisant califat, charia, lapidation et autres joyeusetés. Il n'y a aucune raison de tolérer de telles incitations à la violence, voire au meurtre, sous prétexte qu'elles usent du paravent religieux.
 
D'une façon générale, toute association préconisant l'instauration d'un califat ou la charia doit être interdite. C'est-à-dire que toutes les associations se prévalant de diverses "écoles juridiques" coraniques doivent l'être. En effet, le juridique, c'est le droit, et créer du droit, c'est politique. Une association se référant au droit coranique, même sous une forme qu'elle dit libérale, est politico-religieuse et par là même contraire à la loi de 1905.On pourrait en théorie imaginer qu'une telle association puisse être autorisée, non sur la base de la loi de 1905, mais en tant que parti politique. Cependant, les partis politiques eux-mêmes ne jouissent pas d'une liberté absolue. Ils ne peuvent se proposer de renverser la République. Or, la République serait renversée si la source de droit venait de Dieu et non du peuple.
 
On le voit, l'islam tel qu'il fonctionne de façon concrète en France ne respecte à peu près rien de la loi de 1905, et la plupart de ses associations mériteraient d'être dissoutes, à commencer par l'UOIF, relai des Frères musulmans du sinistre Al Qaradawi , et par le CFCM, qui a refusé d'admettre le droit à l'apostasie.
 
Un islam de France, c'est à dire un islam totalement exempt de politico-religieux, existe-t-il concrètement ? A-t-il au moins le potentiel d'exister ?
 
Bien sur, nous connaissons tous des musulmans qui ne demandent qu'à vivre à la française, apprécient nos libertés et seraient heureux de pouvoir, dans de bonnes conditions matérielles, faire leur prière et rien que leur prière, sans être embarqués dans un système de pouvoir politico-religieux. Ces musulmans sont-ils assez nombreux pour représenter quelque chose de collectif ? Je l'ignore totalement. Je ne dispose d'aucune statistique ni d'aucun sondage.
 
Mais il importe peu qu'ils soient nombreux ou pas. Les religions ne sont pas à classer selon des critères numériques, et les petites ont les mêmes droits que les grandes. De toute façon, ces musulmans désireux de s'abstenir de politico-religieux sont les seuls, s'ils le souhaitent, à pouvoir se compter, se rassembler et s'organiser en associations. A partir du moment où le politico-religieux est absent, l'Etat doit cesser d'intervenir, et la liberté des fidèles doit pouvoir se déployer comme elle l'entend.
 
Notre seul rôle, en tant que laïcs, et le seul rôle des pouvoirs publics, est et reste le même qu'en 1905 : surveiller la frontière du politico-religieux et s'assurer qu'elle ne soit pas franchie.
 


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