Une exégèse scientifique du Coran
par Catherine Segurane
jeudi 17 février 2011
Bruno Bonnet Eymard a entrepris de rénover la traduction du Coran en se fondant sur les techniques de la linguistique. Il part du texte coranique en ne tenant compte que des consonnes, et en s'aidant des langues voisines (hébreu et araméen) pour éclaircir les obscurités. Il aboutit à un sens relativement différent de celui des traductions classiques.
Bruno Bonnet-Eymard a entrepris ce qu'il appelle une exégèse scientifique du Coran. Il présente le résultat de ses recherches dans une série de vidéos accessibles sur internet, qui sont le seul mode d'approche de ses travaux pour le grand public, car sa traduction, écrite avant 1997, n'est pas publiée à grande échelle à notre connaissance.
L'auteur appartient à un mouvement contesté, la Contre-Réforme catholique, ce qui a probablement causé du tort à ses travaux. Nous ne souhaitons pas nous interesser ici à ses idées générales, mais seulement à sa démarche scientifique originale, que nous souhaitons juger en elle-même. Le lecteur interessé pourra écouter ces vidéos très détaillées. Il pourra ou non être d'accord avec tout ou partie des conclusions de Bruno Bonnet, mais il constatera en tous cas qu'il s'agit d'un travail sérieux.
Sachant que les premiers manuscrits du Coran sont nettement postérieurs à la période supposée de la vie de Mahomet ; sachant également qu'un grand nettoyage par le vide a été fait dans les sources, au cours des premiers siècles, par les religieux musulmans, il reste essentiellement, pour essayer d'approcher la genèse du texte, les ressources de la linguistique, et c'est elles que Bonnet-Eymard a décidé d'interroger.
On commencera par noter qu'aucun texte écrit en arabe n'existe avant le Coran. Dans ces conditions, comment résoudre une obscurité linguistique ? Que faire devant un terme inconnu ? Longtemps, les traducteurs ont accepté d'"éclairer" (si l'on peut dire) le sens du Coran au moyen de textes para-coraniques (les hadiths, la sira, ou vie du Prophète), qui eux-mêmes se voyaient parfois "éclairés" par des interprétations pas toujours évidentes du Coran lui-même. Le serpent se mordait la queue. Le texte A était validé par le texte B qui lui-même tenait son autorité du texte A, ou plutôt de la compréhension que les autorités religieuses souhaient imposer de ces deux textes. En réalité, les hiérarchies donnaient aux mots du texte le sens qu'elles voulaient, et il est surprenant que des traducteurs modernes, en principe scientifiques, aient accepté de leur emboîter le pas sans montrer plus d'esprit critique.
Devant ce chantier en folie, Bruno Bonnet adopte la seule attitude scientifique possible. Refusant d'éclairer un terme inconnu par des textes qui lui sont postérieurs, il reprend le texte coranique à la base. Il en supprime les voyelles, puisque celles-ci ont été rajoutées a postériori, et peuvent fortement changer le sens d'un mot. Devant un mot inconnu, il se réfère aux langues voisines, à savoir l'hébreu et l'araméen. Il aboutit ainsi à un texte fort différent de celui des traductions classiques, mais cohérent. En particulier, le mot "islam" aurait été mal traduit. Il ne serait pas demandé aux musulmans d'être soumis, mais d'être parfaits.
Gérard Brazon nous résume le résultat de ces tavaux :
"Mettre de côté la Sira lui permet également de réfléchir au monde arabe d'avant le Coran. Décrit comme une terre païenne et polythéiste, l'Arabie de l'époque était selon lui largement judaïsée et christianisée, peuplée d'ariens, ce qui remet en cause les textes traditionnels autour de la naissance de l'islam et de son contexte. En outre, il existe des vestiges ainsi que des écrits anciens dans la région du Yémen et de Syrie, datant de cette époque, qui seraient assez proches de ce qui allait devenir l'arabe et qui seraient, aux dires du frère, des écrits chrétiens.
Tout cela servira de base à sa traduction, mais aussi à définir la personnalité de l'auteur du texte. Le nom de Mohamed signifierait tout simplement "Le bien-aimé" et ne serait en aucune façon un prénom. Selon le frère Bruno, l'auteur serait bien arabe, mais un arabe christianisé, et issu de l'arianisme, qui tente de réconcilier les juifs et les arabes autour d'un nouveau texte. Son éxégèse l'amènera à faire des recoupements historiques allant dans le sens de sa théorie (...)
Le frère Bruno, qui écrivait tout cela avant 1997, sera rejoint par la suite. Christoph Luxenberg, philologue allemand, arrive indépendamment à la même conclusion que lui, en affirmant, dans un ouvrage paru en 2000, que "les sources du Coran proviendraient de l'adoption de lectionnaires syriaques destinés à évangéliser l'Arabie (citation de wikipédia)" ce qui est aussi, en gros, la thèse soutenu par le frère. Cela lui permet notamment de retraduire le mot "houri", ces fameuses vierges du paradis, pour trouver en traduction des... "raisins blancs". Selon Christoph Luxenberg, cette nouvelle approche permet de découvrir des sens nouveaux et plus profonds au texte, en se passant des textes tels que la Sira, justement..."
Bonnet dépeint ainsi l'auteur du Coran : il ne vit pas à la Mecque, qui n'existe pas avant l'islam. L'Arabie dans laquelle il vit abrite de nombreux juifs, et des chrétiens ariens, c'est à dire refusant la trinité et la divinité de Jésus. L'auteur du Coran connait les écrits de Saint Paul ainsi que les Evangiles. Il tente une synthèse entre un judaïsme sous sa forme la plus légaliste et un christianisme sous sa forme arienne. Il prêche la guerre de conquête. Il souhaite abolir le christianisme sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui et prend le contrepried des Evangiles et des écrits de Saint Paul.