On entendait les coups
par olivier cabanel
vendredi 21 février 2025
Encore une pierre lancée dans le jardin de Bayrou. Celle qui a lancé l’alerte « notre-dame-de-Bétharram », Françoise Gullung, alors prof de math dans ce collège, raconte…
Elle s’appelle Françoise Gullung et raconte dans un entretien vidéo fait avec Médiapart avoir signalé les violences subies par les élèves de l’institution privée à François Bayrou, et ceci à plusieurs reprises, entre 1994 et 1996) alors qu’il était à l’époque ministre de l’éducation nationale et président du conseil général de Pyrénées-Atlantiques, chargé de la protection de l’enfance.
Elle ajoute qu’elle était à ce moment en compagnie de l’épouse de Bayrou, et qu’elles ont été témoins des coups portés à un enfant qui hurlait et suppliait pour que cela s’arrête. Lien (curseur à 4’15’’)
L’épouse du 1er ministre n’a pas voulu intervenir, et par la suite, la prof de math a été mise au ban de l’institution…
extraits : « j’avais été choquée que Mme. Bayrou me croise à coté d’une salle dans laquelle on entendait un adulte cogner sur un enfant. On entendait les coups. Il hurlait et le gamin pleurait, et demandait grâce. J’avais l’impression que pour elle, ces enfants étaient d’une espèce inférieure aux siens. C’est à dire que ces enfants là, c’était normal qu’on les batte ».
Suite à ça, elle a subi un rapport d’inspection, en avril 1996, lequel dénigrait les dénonciations de la prof de math, dont l’état d’esprit était jugé « très négatif », concluant qu’il « fallait trouver une solution afin que Madame Gullung n’enseigne plus dans l’établissement ».
Et Françoise Gullung d’enfoncer le clou : « si François Bayrou avait agi, il y a 30 ans de souffrances qui n’auraient pas eu lieu (…) j’ai fait un courrier à M.Bayrou, un courrier à la direction diocésaine, Bayrou n’a jamais répondu(...) lors d’une remise de décoration le 17 mars 1995 par Bayrou, je lui ai dit : il faut absolument faire quelque chose à Betharram, parce que c’est très grave. Je pense que c’est très très grave...je l’entend me répondre : « oui, on dramatise », je lui ai dit : « non, on ne dramatise pas, c’est vraiment grave ». lien (curseur à 9’30’’)
Pas de chance pour Bayrou, cette remise de décorations a été médiatisée le 18 mars 1995 dans la République des Pyrénées évoquant cette remise par Bayrou, à une certaine Mère Myriam décorée « chevalier des palmes académiques » devant un nombre d’invités rarement vu. Lien (curseur à 5’35’’)
d’autant que cette même République des Pyrénées écrit le 11 avril 1996 : « choquée par les méthodes musclées du pensionnat, où les surveillants ne semblent pas hésiter à frapper pour obtenir la discipline, Françoise Gullung a déjà écrit 3 courriers au père Landel, et aussi à la direction diocésaine pour faire part de ses observations (…) ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, je ne peux pas l’admettre ».
C’est aussi dans Libération qu’un article paru le 16 avril 1996 évoquait la dénonciation faite par Françoise Gullung : « ici, le climat de violence est tel que les enfants reproduisent le schéma auquel ils sont habitués (…) le lendemain du « perron » (punition infligées aux enfants) j’avais donné à ces élèves le numéro téléphonique de l’aide à l’enfance ».
Le perron ? C’est une punition qui consistait à envoyer de nuit les élèves en sous vêtement sur une estrade, située au bord de la rivière.
L’un des punis, Marc, un garçon de 14 ans, a réussi à s’enfuir, son père est venu le chercher et l’a transporté à l’hôpital de Pau, il était en hypothermie. lien
Adrien, jeune chef d’entreprise aujourd’hui, était à 12 ans à Bétharram en 2002, et raconte : « j’ai subi des sodomies, des fellations, à 3 reprises dans les toilettes de la cour de récréation (…) j’ai vécu un enfer (…) des prêtres de l’Ehpad voisin venaient nous voir (…) l’un d’entre eux a glissé sa main entre mon caleçon et mon pantalon prétextant que « j’avais un truc ». je suis allé me plaindre auprès du directeur, lequel m’a menacé : « arrêtez de mentir, vous allez rentrer dans le moule (…) cet homme a tout fait pour me briser. lien
Et c’est sur Antenne 2 que le 10 avril 1996 que Françoise Gullung déclarait : « avoir signalé à plusieurs reprises des comportements qui lui semblait anormalement agressifs à l’égard des élèves ». lien (curseur à 31’15’’)
Son témoignage accablant devrait mettre un terme aux affirmations mensongères de Bayrou qui continue, droit dans ses bottes, de maintenir le fait qu’il « ne savait rien »…soutenu par Darmanin. lien
Or, Bayrou a déclaré au Point, en juillet 2024, au sujet de son épouse : « elle a enseigné l’instruction religieuse dans cet établissement une heure par semaine, il y a 30 ans. Ni elle ni mon fils n’ont jamais entendu parler de rien ». et il conteste les affirmations de Françoise Gullung, qui assurait avoir écrit au Ministre, dénonçant le fait que « l’internat était le lieu de tous les abus ». lien
Sauf que le 19 février dernier, on pouvait entendre sur France Info, le témoignage de l’inspecteur qui avait rédigé le rapport : « je n’ai pas cherché à savoir ce qui se passait dans les dortoirs ou dans les lieux de rencontre des élèves ».
Pourtant 4 élèves avaient déjà eu un tympan perforé à cause des coups portés par les surveillants.
Manu, 13 ans à l’époque, 52 aujourd’hui témoigne : « j’ai subi des attouchements, je ne peux pas croire que ces gens croient en Dieu, c’était énorme (…) j’ai vu un de mes camarades pleurer pendant 2 heures dans son lit parce qu’on l’avait frappé pour un sourire ».
Olivier, un élève de 8 ans à l’époque, il en en 78 aujourd’hui, raconte : « un jour, on dormait, avec des affaires pliées surle lit, et il y eu un chahut. Il y a le père supérieur, le pédophile, qui est arrivé dans un silence de mort dans le dortoir. Moi, j’ai bougé un peu le pied. Il y a une bille qui est tombée de mon pantalon et qui a roulé. Il a demandé qui avait fait çà et je me suis dénoncé. Il m’a foutu par terre. J’ai pris des coups de pieds dans le ventre, dans la tête, partout ! Mais un fou ! Parce qu’une bille était tombée ! ».
À la suite de ces révélations, 3 hommes viennent, le 19 février 2025 d’être placés en garde à vue, soupçonnés de viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et/ou violences aggravées, susceptibles d’avoir été commis entre 1957 et 2004. lien
Pourtant Bayrou ne semble pas trop inquiet, espérant une accalmie, et agite des écrans de fumée en provoquant une rencontre avec le collectif des violences au collège-lycée de Notre-Dame-de-Bêtharram. Lien
Pas sur que la suite lui donne raison, si l’on veut bien croire Alain Esquerre, membre du collectif qui a déclaré : « bienvenue à Neuneuland », déplorant la « légèreté » de l’inspecteur qui « était payé pour faire un travail et nous dit aujourd’hui qu’il fait son acte de contrition en avouant que ce travail n’a pas été fait à l’époque ». lien
D’ailleurs, même si certains faits pourraient être prescrits, un témoignage récent devrait inquiéter le ministre, celui d’Adrien Honoré (voir plus haut) car les faits se sont produits plus récemment.
Il a porté plainte le 9 juillet dernier, et malgré les dénis et les gesticulations du 1er ministre, la justice pourrait bien montrer le bout de son doigt. lien
Est-ce pour détourner l’attention qu’Élisabeth Borne vient de demander au rectorat de Bordeaux d’avancer les opérations de contrôle prévues dans les établissements privés, lesquels devaient se dérouler d’ici à 2027 ? lien
L’avenir nous le dira...
comme dit mon vieil ami africain : « un grain de maïs a toujours tort devant une poule ».
l’image illustrant l’article vient de ActuFR
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
Articles anciens
Castex et casse toi sont dans un bateau