Paimpol et sa région - l’échappée bretonne

par Armelle Barguillet Hauteloire
jeudi 12 juillet 2012

La côte rose, la baie de Paimpol comptent parmi les lieux les plus envoûtants de Bretagne. Et ils ont, entre autres privilèges, d'être beaux à voir par tous les temps et sous tous les éclairages

J'ai toujours pensé que partir c'était renaître un peu et chacun de mes voyages n'a fait que confirmer ma conviction qu'il n'y a rien de tel que de rompre les amarres pour se ressourcer, se restaurer intérieurement et s'ouvrir à de nouvelles perspectives. Ce lundi 2 juillet, mon mari et moi mettons le cap vers la Bretagne, très précisément sur Paimpol, où depuis que nous avons vu l'émission "Les racines et des ailes" consacrée à la région, nous n'avons qu'un souhait, la visiter au plus vite en nous fixant plusieurs jours dans un manoir/chambres d'hôtes* non loin du port, à Kerbors. Ce lieu va se révéler des plus plaisants, d'une part parce que cette demeure du XVIIe siècle a été magnifiquement restaurée par Françoise et Jean-Marie Maynier, d'autre part parce que les jardins, qui l'environnent, alternent harmonieusement pelouses, buissons de fleurs, arbres rares et pièce d'eau et sont en soi un pur enchantement. 

Nous posons nos valises et, dès le lendemain matin, partons à l'assaut de notre premier objectif : l'abbaye de Beauport sise en baie de Paimpol, face à l'archipel de Bréhat. Celle-ci est un témoignage étonnant de l'architecture religieuse en Bretagne. Son histoire remonte au XIIIe siècle où les chanoines de l'ordre de Prémonté vont modeler ce lieu jusqu'à la Révolution. Son nom de Beauport ou Bellus Portus dit bien son exceptionnelle dimension littorale. Elle fut ensuite un centre d'accueil des Pèlerins se rendant à Saint Jacques de Compostelle, puis un comptoir de commerce et d'économie maritimes. Pendant trois siècles, les chanoines poursuivront les constructions et aménagements en duo avec les jardins de roses et d'agapanthes, les vergers de figuiers et de pommiers à cidre, ainsi que les prés salés et l'activité d'un port abrité. Construite sur une colline surplombant le magnifique paysage de la côte, le dénivelé fut habilement utilisé dans l'organisation des bâtiments ; le cloître, l'église et les pièces principales furent construites sur les hauteurs afin de bénéficier de la vue, les pièces servantes, cellier et salles secondaires, érigées en-dessous, au niveau du jardin et des dépendances. De style gothique, l'abbaye est aujourd'hui en ruine mais des ruines d'une beauté intemporelle qui font corps avec son environnement, si bien que l'on imagine sans peine les volumes de jadis en visitant le cloître végétalisé ou l'église à ciel ouvert qui jouent l'un et l'autre avec la lumière et les somptueuses couleurs de la nature. 

C'est en 1862, et suite aux démarches de Prosper Mérimée et à l'initiative du comte Ponïnski, que l'ensemble fut classé monument historique, après qu'il ait été longtemps propriété d'une famille qui n'avait plus les moyens de l'entretenir et ait subi les pillages et destructions qui faisaient suite à la Révolution. En 1992, le site a été acquis par le Conservatoire du littoral et d''importantes restaurations ont pu être effectuées en collaboration avec le Conseil général des Côtes d'Armor.

Un chemin mène au rivage qui offre au regard une série de criques, d'anses, de pointes, avec de superbes perspectives sur l'océan, côte du Goëlo qui invite à remonter les siècles jusqu'au temps d'Alain Barbe-Torte, qui guerroya contre les Normands en 917, ou à les descendre puisqu'en 39/45 elle abrita les aviateurs alliés acheminés clandestinement d'ici vers la Grande-Bretagne. On décèle depuis ce contre-bas toute la puissance de l'abbaye qui avait juridiction sur treize paroisses et dont les bâtiments, disposés autour d'une cour intérieure, ont toujours grande allure, surtout vus de loin et dans son extraordinaire décor maritime. 

A quelques kilomètres de là débute le sentier des Falaises, assez sportif car caillouteux, mais que les amoureux de la randonnée ne doivent pas manquer, car il serpente dans le silence de la lande parmi les fougères et les bruyères mauves en offrant des points de vue grandioses sur cette large échancrure côtière fermée au loin par le cap Fréhel avec, tout au long, des plates-formes parsemées d'écueils et découpées à souhait. Quant à Paimpol, la ville doit sa célébrité et sa réputation à son activité portuaire. Si, de nos jours, le vent de l'aventure ne gonfle plus les voiles des goélettes, ce chef-lieu de canton continue à jouer la carte maritime grâce à son bassin à flot et sa marina très fréquentée. Bien sûr, nous sommes loin des pécheurs d'Islande qui ont inspiré des écrivains comme Pierre Loti ou des compositeurs comme Théodore Botrel, dont le mérite a été d'ancrer dans la mémoire collective l'épopée des marins ferrant la morue à Terre-Neuve et aux abords de l'Islande. Une épopée, dont les chapelles, les sanctuaires présents partout, ont vocation à perpétrer. C'est pourquoi l'eau est si omniprésente dans la mythologie celtique. A toute époque, il semble que l'Armorique ait été vouée aux divinités de l'au-delà et aux âmes errantes, celles des marins disparus en mer. Les marais, les gorges où s'encaissent les rivières, les chaos de roches ne sont-ils pas, selon l'histoire et les légendes qui s'égarent sur la lande, les lieux fréquentés par ces âmes absentes ? Jamais, en pays breton, le souci de la destinée n'a laissé l'homme au repos. Il s'en inquiète constamment et cette inquiétude des heures dernières n'a point manqué de laisser son empreinte dans le moindre calvaire, le moindre enclos paroissial, la plus humble chapelle. Partout les éléments, la terre, la mer, le ciel forment avec l'ouvrage local de l'homme un territoire à part et, par conséquent, sacré. 

Notre dernière visite de la journée sera pour le manoir-forteresse de la Roche-Jagu situé dans l'une des boucles de la rivière du Trieux, dont les rives sont enveloppées de verdure. Il se dresse au sommet d'une falaise, austère et élégant, offrant une vue exceptionnelle sur la vallée et proposant aux visiteurs le charme de ses jardins. Il fut édifié au XVe siècle par Catherine de Troguindy à l'emplacement d'un ancien château-fort, ne conservant de l'ancien que la partie manoir, ce qui lui donne une allure plus légère malgré sa grande sobriété. La campagne alentour est superbe, lieu d'une intense agriculture avec, ici et là, les frondaisons d'un parc résidentiel et une végétation exubérante où que vous posiez le regard. Fourbus, nous sommes heureux au retour de retrouver notre chambre et table d'hôtes où le dîner, préparé avec les produits locaux, se révélera un régal.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 à suivre - le prochain article sera consacré à l'île de Bréhat -

 

* Pour tous renseignements complémentaires sur le manoir/chambres d'hôtes de Troezel-Vras, cliquer ICI 

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