Quand le paon fait la roue

par C’est Nabum
vendredi 3 mars 2023

 

Drôle de ferme.

 

Pour entrer dans cette immense ferme d'apparat, il convient de montrer patte blanche. La fouille au corps s'impose sans qu'on ne sache très bien si ce sont des poulets ou bien des cerbères qui œuvrent de la sorte. Le visiteur perçoit une tension extrême parmi tous les animaux présents. Il est vrai qu'un jeune paon est annoncé pour une visite exceptionnelle.

Le badaud qui a franchi la porte de l'exploitation n'est pas au bout de ses peines. Il découvre une troupe de moutons bêlants dans l'attente d'un hôte d'honneur qui viendra faire la roue plus de douze heures d'affilées. Une meute de pigeons voyageurs équipés de microphones, de caméra ou d'appareils photographiques se presse dans l'attente de cet événement considérable.

Les volatiles sont tous munis d'une carte de presse tout en se déplaçant en une masse compacte. Il y a bien longtemps que plus aucun d'entre-eux n'écrit à la plume ni ne prend ses ailes à son coup pour envoyer un message. Les progrès de la technologie ne touche pas que le monde agricole.

La vedette fait son apparition flanquée d'un troupeau de gorilles patibulaires qui veillent au grain. Malheur si dans l'assistance un âne ou un jeune singe ne bougent l'oreille. Les vilains petits canards eux aussi seront soigneusement et méthodiquement renvoyé dans leur marigot. Personne ne peut ouvrir son bec devant sa majesté le paon.

Si jamais un drôle d'oiseau s'aventure à la moindre manifestation d'humeur, les gorilles se chargeront de lui voler dans les plumes, de le renvoyer dans une cage après l'avoir copieusement molesté. On ne plaisante pas avec l'ordre et la discipline dans la ménagerie.

Quelques chiens aboient à distance au passage de la caravane. Eux aussi seront repérés et repoussés sans ménagement. Le paon aime qu'on l'admire et n'aime rien tant que de dialoguer avec des gentils chiens-chiens à sa mémère. Tout ce joli cheptel, s'il n'est pas tenu en laisse, n'en a pas moins été identifié par une draconienne sélection génétique.

Un petit colibri se risque à proximité du troupeau pour faire sa part, mettre en garde contre l'incendie qui ravage la planète. Le malheureux subit les foudres des molosses sans la plus petite parcelle d'humanité. Le pauvre messager est roué de coup ce qui est sans doute une manière de rendre hommage au paon.

D'autres oiseaux de mauvais augure ont bien tenté de s'approcher de l'élevage. Le filtrage a joué son rôle, le phasianidé prétentieux ne supporte pas la moindre contestation. La basse-cour doit être aux ordres, un vieux relent de monarchie en somme.

Les vaches sont tenues à distance, elles risqueraient d'écorner son image. Leur flatulences importuneraient des narines plus coutumières de la poudre blanche que des effluves douteuses. Les laitières sont plus que leurs congénères mises à l'écart. Point de re-traite dans les parages même pour les éleveurs de Reblochon.

Les oies sont priées d'aller voir ailleurs. Cette visite n'est pas un jeu, le refus d'entrer dans le labyrinthe complexe où d'un malheureux coup de dès, il est possible de disparaître dans un puits n'est pas tolérable.

Seuls les animaux domestiqués, bien propres sur eux et acceptant sans récriminer leur destin de bête d’abattoir peuvent s'approcher de sa majesté le paon. Les cochons n'ont pas droit à la visite pas plus que les veaux. Les uns doivent se contenter de payer leur écho tandis que les autres sont trop souvent élevés sous l'amer pour venir se mêler au cortège.

Quelques charognards assistent à distance à la visite. Ils attendent leur heure pour évoquer ce terrifiant cortège annonciateur de la mort de la diversité et de la démocratie. Parmi eux, un âne bâté qui se charge de vous faire partager cette farce.

À contre salon


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