Affaire Gardénal : mais que fait la presse ?

par JL ML
vendredi 2 mars 2007

Alors qu’une figure emblématique de la médecine homéopathique est accusée de charlatanisme et se voit interdire d’exercer pendant trois mois, la presse généraliste ignore cet événement pourtant capital en matière de liberté thérapeutique. Qu’une affaire digne des procès de sorcières intentés au Moyen-Âge ait lieu aujourd’hui en France ne lui paraît pas mériter une ligne : pour elle, c’est un non-événement. Sur qui le citoyen peut-il alors compter pour défendre ses libertés fondamentales attaquées par les autorités, si même les contrepouvoirs s’en fichent ?

Martine Gardénal, médecin non conventionnée et réputée, puisqu’elle a donné pleine satisfaction à des milliers de malades en 30 ans de carrière, est interdite par le Conseil de l’Ordre des médecins d’Île-de-France de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois, sous prétexte de charlatanisme ! Son crime : pratiquer l’homéopathie[1]. La Caisse d’assurance maladie des Yvelines l’accuse notamment de ne pas avoir « tenté avec la conviction et la fermeté qui s’imposaient de persuader (une) patiente de suivre les traitements adaptés à son état et conformes aux données acquises de la science ».

« Il aurait fallu que je dénonce ma patiente ! s’indigne Martine Gardénal. Mais cela s’appelle de la délation ! » La malade avait pourtant affirmé que c’était son libre choix thérapeutique, ce dont elle a même fourni une attestation[2].

En vain.

Martine Gardénal a fait appel de cette décision (du 18 mai 2006) devant le Conseil d’Etat. La réponse de cette instance est ahurissante. Elle déboute la plaignante sans donner de justification :

« Considérant que, pour demander l’annulation de la décision attaquée, Mme Gardénal soutient que la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins a insuffisamment motivé sa décision, en ne répondant pas au moyen tiré de la méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure dès lors que l’exposante n’a pas eu accès aux procès-verbaux d’audition des patients, ni aux questionnaires et rapports à l’origine des griefs retenus à son encontre ; qu’en ne tenant pas compte des témoignages et attestations produites par l’exposante, elle a insuffisamment motivé sa décision et dénaturé les faits ; qu’elle a dénaturés les pièces du dossier en jugeant que le principe du contradictoire avait été respecté ; qu’en retenant des fautes dans le traitement des patientes (...), elle a dénaturé les faits de l’espèce ; qu’elle a fait une inexacte application de la loi du 6 août 2002 et commis une erreur de droit en estimant que les faits reprochés étaient, eu égard à leur nature contraire à l’honneur professionnel », malgré tous ces éléments dont il a pris bonne note, le Conseil d’Etat considère « qu’aucun de ces moyens n’est de nature à permettre l’admission de la requête » !

Autrement dit : absence de débat contradictoire, refus de communiquer son dossier à un accusé, ignorance délibérée des témoignages favorables à l’accusé, dénaturation de faits de la part de l’accusation, atteinte à l’honneur, etc. : rien de tout cela ne suffit à la plus haute juridiction administrative de France pour casser une décision inique et exiger au moins que le procès soit équitable !

Concernant cette affaire, la commission santé des Verts s’est alarmée « du risque d’une évolution autoritaire de la politique de santé et de l’Assurance maladie, où des gestionnaires et une petite caste de spécialistes imposeraient des traitements voire des comportements obligatoires quel que soit le choix des citoyens face à la médecine, à la santé et plus largement face à la vie »[3].

Ce mardi 27 février, environ 200 personnes étaient venues soutenir Martine Gardénal qui comparaissait devant le Conseil de l’ordre régional francilien. Celui-ci devait lui faire « connaître les modalités d’exécution de la sanction ».

Aucun journaliste n’était présent, hormis la chaîne NT1 qui enregistre un documentaire sur les médecines douces, et moi-même, journaliste environnement indépendant sensibilisé aux questions des libertés fondamentales.

Jean-Marc Governatori, président de la France en action, candidat à la candidature pour les présidentielles, était également venu en personne apporter son soutien.

Pourquoi un contentieux aussi important, touchant à la liberté du choix thérapeutique et à la complémentarité allopathie/homéopathie, laisse-t-il mes confrères de la « grande » (!) presse aussi indifférents ?

Personne ne lui demande de défendre l’accusée. Mais le public attend d’elle au moins, elle qui reçoit tous les ans des aides importantes au nom de l’intérêt général, qu’elle enquête sur cette affaire capitale, interpelle les différentes parties en lice et publie tous les éléments du dossier, notamment les pièces à décharge qui n’ont été prises en compte ni par les autorités sanitaires ni par les autorités administratives...

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[1] Elle est par ailleurs présidente de l’Association des médecins spécialistes homéopathes et vient de publier Homéopathie, soins et conseils, éd. Trédaniel.

[2] Pour obliger les médecins homéopathes à aller contre l’avis de leurs patients et à les “signaler” aux autorités s’ils refusent d’utiliser la médecine allopathique, la Sécurité sociale s’appuie sur l’article 4 de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005.

[3] Le 22 mars 2006.


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