Antidépresseurs : le fond du problème

par Pharmafox
jeudi 29 septembre 2011

Le 27 Juillet, Clojea publiait sur AgoraVox un article sur les antidépresseurs : Les antidépresseurs : Drogues légales ?

L’auteur y déplorait l’usage excessif d’antidépresseurs en France, blâmant les laboratoires, les médecins et la société. Cependant, j’estime que l’article était trop tranché, négligeant quelques facteurs.

A quoi sert un antidépresseur ?

Un antidépresseur ne sert pas à guérir de la dépression. Un antidépresseur sert seulement à empêcher le patient de trop ruminer ses idées noires, à l’empêcher de se suicider. Ca ne marche pas toujours, et chez certains patients, l’effet est même inverse : Cymbalta, Prozac, Zoloft, Paxil ou encore Lexapro (« étrangement », c’est pas écrit sur Wikipedia) sont autant de produits qui ont provoqué des suicides. Ceux-ci restent rares, et bien plus de suicides ont pu être évités.

Comment ça marche ? Un antidépresseur joue sur la chimie du cerveau. Il modifie les concentrations de certains composés chimiques pour que le cerveau fonctionne à peu près comme celui d’une personne qui n’est pas dépressive. Les réactions physiques et instinctives du patient redeviennent celles d’une personne dite saine. En revanche, ils n’ont aucun effet sur la psyché.

Une définition que j’aime, c’est que les antidépresseur ne sont que des soins palliatifs : ils maintiennent le patient en vie. Jamais un antidépresseur ne guérira quelqu’un de sa dépression. Et contrairement à ce que l’on dit, un antidépresseur n’est pas une drogue. On ne se sent pas bien quand on est sous antidépresseur. On subit des effets secondaires très désagréables.

Un de ces effets est l’oblitération émotionnelle : le patient ne ressent plus, ni ne communique d’émotion. S’il ne soufre plus d’émotions négatives, il ne bénéficie pas non plus des émotions positives, et se coupe progressivement de son entourage, qui ne comprend pas ses réactions, ou plutôt son absence de réaction.

Comment guérir de la dépression ?

Pourtant, beaucoup de patients guérissent après un traitement antidépresseur.

En fait, il faut d’une part distinguer différents types de « dépression ». Il y a l’épisode dépressif. Un passage à vide (ce qui n’empêche pas que cela peut être très sévère), souvent provoqué par un élément extérieur (ou plus souvent encore une succession d'évènements) : un décès, un divorce, un échec, du harcèlement… L’élément déclencheur heurte alors la personnalité du patient, qui perd pied. Le temps ayant permis à cette situation de perdre de sa charge émotionnelle, ou l’élément déclencheur ayant disparu du paysage, le patient peut se reconstruire de lui-même et surmonter sa dépression. C'est ainsi que l'on voit des patients sous antidépresseur se remettre et guérir.

Il y a aussi la dépression chronique. Celle-ci est ancrée beaucoup plus profondément dans la personnalité du patient, et il faut des années de travail pour en venir à bout. Il faut la force de changer sa personnalité, ce qui est déjà très dur pour une personne solide, beaucoup plus encore pour un patient dépressif.

Dans les deux cas de figure, le seul véritable traitement est la psychothérapie. C’est elle qui amène le patient à remettre en question les fondements de sa personnalité.

Pourquoi en est-on là ?

Les études ont démontré que ce qui était le plus efficace, c’était de combiner un traitement antidépresseur à une thérapie non-médicamenteuse, psychothérapie ou thérapie comportementale.

Seulement, on constate que les gens se précipitent sur les pilules et évitent le thérapeute. Il y a cela plusieurs raisons :

En revanche, les antidépresseurs, eux, sont remboursés par l’assurance maladie. Que d’avantages : on garde son malheur pour soi, on a le temps d’appeler son ex pour se faire traiter de vieille morue et en plus on ne débourse pas un centime.

Alors voilà, les gens préfèrent être « drogués » à vie que se donner les chances de ressortir plus fort, plus solide. L’Assurance Maladie préfère rembourser du Prozac pendant 20 ans que 3 mois chez le psy.

La France en pointe ?

La France est championne du monde des prescriptions d’antidépresseurs, oui. Mais cela veut-il dire que les Français sont plus « drogués » que les autres ? Non. En effet, il d’autres médicaments, autrement plus addictifs, qui jouent à l’étranger le rôle que l’on impute aux antidépresseurs.

Il y a les anxiolytiques, pour commencer. Ces fameuses benzodiazépines : Xanax, Tranxène, Rohypnol… Les Benzos comme l’on dit dans les séries policières américaines, c’est le truc qu’on a retrouvé dans le sang d’un cadavre, généralement injecté par le tueur pour faire croire à un suicide. De véritables poisons dont on a d’autant plus de mal à décrocher que les symptômes de sevrage sont dévastateurs.

Ensuite, il a les opiacés, ces cousins de l’opium, Oxycodine en tête. Dans la série médicale américaine, c’est le patient qui vient hurler sur le médecin qui refuse de lui donner son médicament alors qu’il a mal.

Alors voilà. En France, on évite au maximum ce genre de saletés. Ce sont les antidépresseurs qui prennent une place laissée libre.

Changer la société

Si l’on veut vraiment mettre fin à la hausse continue des prescriptions d’antidépresseurs, il convient :

Pour cela, il faudra probablement censurer les dialogues d’un nombre considérable de films et séries… Pour ceux qui ont vu La revanche d’une blonde, avec Reese Witherspoon, sa meilleure amie lui dit dans un moment de déprime, qu’elle l’admire, qu’à sa place, elle prendrait du Prozac pour tout oublier… Le même film où l’on voit les étudiantes entrer dans le bâtiment de Harvard appelé Wyeth… De là à penser qu’il a été sponsorisé par l’industrie pharmaceutique, il n’y a qu’un pas.


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