Olivier Ameisen est médecin cardiologue, chercheur, ayant eu son baccalauréat à l’âge de 16 ans, pour émuler son frère et sa sœur. Cet homme très brillant, finit par sombrer dans l’alcoolisme et passe neuf mois en cure, et va jusqu’à deux fois par jour aux alcooliques anonymes (à noter qu’il est prouvé que le facteur génétique est prédisposant à l’alcoolisme).
Le docteur Ameisen finit, grâce à une amie, par lire un article paru dans le célèbre journal New York Times, décrivant l’histoire d’un cocaïnomane légèrement alcoolique traité pour des spasmes musculaires au baclofène. L’individu avait demandé à ce que le traitement lui soit légèrement augmenté, car pas assez efficace à son goût. L’homme en question s’était rendu compte que le baclofène réduisait son envie de boire de l’alcool et de consommer des drogues.
Après avoir contacté Anna Rose Childress, qui avait fait l’observation, et après avoir trouvé un autre article intéressant traitant d’une étude dont les résultats ont démontré que l’administration de hautes doses de baclofène supprimait le « craving » (envie irrépressible contre laquelle le patient doit lutter jour après jour pour éviter de rechuter dans l’alcoolisme) chez les rats cocaïnomanes, il se décide le 22 mars 2002 à tester seul le baclofène sur lui, alors qu’il n’y a aucune autorisation AMM (autorisation de mise sur le marché) concernant ce médicament pour le traitement de l’alcoolisme.
Il met en place un protocole thérapeutique rigoureux afin de tester ce médicament.
Olivier Ameisen affirme : « Le 9 janvier exactement, je commence le protocole en montant donc par palier. Au bout de 35 jours, je me retrouve devant des gens qui boivent alors que j’étais en train de lire un journal et, sans même y croire moi-même, j’avais une indifférence totale ».
Olivier Ameisen, au bout de ce mois, était à 270 mg par jour, alors que la dose maximale autorisée pour le traitement des spasmes musculaires est de 80 mg par jour. On peut trouver sur la notice différents effets secondaires en cas de prises de très fortes doses, dont notamment la dépression respiratoire, qui peut conduire à un état de choc cardio-respiratoire fatal. Olivier Ameisen a donc mis sa vie en danger pour tester ce médicament.
En Italie, Giovanni Addolorato et son équipe ont cherché à savoir l’effet du baclofène sur 84 sujets souffrant d’une cirrhose hépatique et d’une dépendance alcoolique (avec une consommation hebdomadaire supérieure à 21 verres pour les hommes (de 12 grammes d’alcool pur), et pour les femmes avec une consommation hebdomadaire supérieure à 14 verres avec un minimum de deux jours d’alcoolisation importante par semaine (plus de 5 verres en 24 heures).
Les doses de baclofène administrées ont été croissantes, de 5mg 3 fois par jour à 10 mg 3 fois par jour (ce qui est bien largement inférieur aux très fortes doses utilisées par le docteur Ameisen). La durée de l’étude, publiée dans la revue
The Lancet en 2007 sous le titre : « Effectiveness and safety of baclofen for maintenance of alcohol abstinence in alcohol-dependent patients with liver cirrhosis : randomised, double-bind controlled study » a été de 12 semaines.
L’expérience a été menée en double aveugle, donc sans que les scientifiques sachent quelles personnes recevaient le baclofène et quelles personnes recevaient le placebo. Les conclusions de l’expérience sont les suivantes : dans le groupe qui prenait du baclofène 71% ont réussi durant la période de l’étude à arrêter l’alcool, contre 29% dans le groupe placebo, et la durée moyenne d’abstinence sous baclofène serait de 62,8 jours, tandis que sous placebo elle serait de 30,8 jours.
Néanmoins, il est à noter que les patients ayant quitté l’expérience avant échéance ont été comptabilisés comme des échecs, 31% ont quitté l’étude dans le groupe placebo, contre 14% dans le groupe baclofène. L’expérience a donc pu être faussée, ainsi, Martine Daoust, présidente de la société française d’alcoologie reconnue d’utilité publique (décret du 29 octobre 1998), affirme : « Dans ces dernières années une étude menée chez l’homme a donné un résultat encourageant (mais non spectaculaire) qui rend raisonnable la poursuite de recherches méthodologiquement indiscutables ».
De plus, les alcooliques cirrhotiques sont réputés moins dépendants que ceux ne souffrant pas d’atteintes hépatiques, mais les alcooliques cirrhotiques sont plus difficiles à traiter car chez eux de nombreux traitements sont métabolisés par le foie.
D’après les scientifiques ayant réalisé cette étude, les résultats démontreraient que le baclofène est aussi capable de réduire le niveau d’anxiété et des troubles obsessionnels compulsifs liés à l’appétence, néanmoins le baclofène n’a aucun effet significatif sur la dépression.
Le docteur Ameisen avait aussi constaté cela, souffrant d’attaques de panique sévères, d’une timidité excessive depuis l’enfance, qui l’ont amené à consulter un psychiatre, à suivre une psychothérapie, une psychanalyse, une thérapie cognitive et comportementale, ainsi que de suivre des traitements médicamenteux. Il affirme que la prise régulière de baclofène supprime totalement ses attaques de panique.
Si on se réfère aux dires des scientifiques ayant réalisé cette expérience et à ce qu’affirme le docteur Ameisen, alors le baclofène pourrait donc aussi être un traitement efficace contre l’anxiété (et donc un nouveau traitement utilisé par les psychiatres).
Dans un article de la revue
Le Point, daté du 2 octobre 2008, le professeur George Koob, président du Comité de neuro-biologie des troubles de la dépendance au Scripps Research Institute de La Jolla (Californie), a affirmé : « Nous venons de terminer une étude chez les rongeurs qui montre que le baclofène est plus efficace pour supprimer la prise d’alcool chez des rats alcoolodépendants que chez des rats non dépendants. Nous préparons un article sur ces résultats », ainsi, le baclofène aurait déjà de l’effet sur des rats alcoolodépendants.
Le cas d’Olivier Ameisen ne serait pas isolé, ainsi la revue scientifique
Alcohol and Alcoholism a publié en 2006 un article concernant un homme d’affaires atteint d’alcoolodépendance sévère. Un addictologue lui aurait prescrit de hautes doses de baclofène ce qui lui aurait enlevé son « craving ».
Parallèlement, Pascal Gache, responsable de l’Unité d’alcoologie aux hôpitaux universitaires de Genève affirme : « Cela fait deux ans et demi que je prescris du baclofène. En tout à trente-quatre patients. Sept l’ont mal supporté et l’ont arrêté. Pour le reste, les retours sont étonnants, très différents de ceux que j’ai avec les autres médicaments. L’enthousiasme des patients est vraiment l’aspect qui m’impressionne le plus ».
De nombreux scientifiques demandent à ce qu’une étude clinique sur le baclofène soit faite, ainsi, les scientifiques de l’INSERM, dans la lettre bimestrielle sur les effets de l’alcool (février 2008), souhaitent qu’une étude à plus grande échelle échelle et à plus long terme soit mise en place, aussi, Renaud de Beaurepaire, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Paul-Guiraud (Villejuif), dénonce : « Il n’y a rien rien d’absurde à vouloir faire des essais thérapeutiques d’autant que l’on dispose d’une expérimentation animale encourageante chez le rat. »
Depuis 1997, le Baclofène est vendu en France sous le nom de marque Lioresal, qui est en fait produit en tant que médicament générique. Il n’est donc pas très intéressant, économiquement parlant, pour les grands laboratoires pharmaceutiques, mais aussi pour Novartis (l’entreprise qui a découvert cette molécule) de mettre en place des études cliniques en vue d’évaluer l’efficacité de cette molécule dans le cadre du traitement de l’alcoolisme.