Bioinitiative Report : L’arnaque scientifique ?
par Stevrock
lundi 20 septembre 2010
Vous avez sans doute entendu parler du rapport Bioinitiative, la fameuse étude qui en 500 pages prouverait à elle seule et en vrac les dangers des téléphones mobiles et fixe sans-fil, des antennes relais, du Wifi, des ampoules fluo…
Les différentes associations Robin des toits, CRIIREM… ne jurent que par cette étude, mais qu’en est-il réellement ?
Si l’étude se donne l’apparence d’être une étude collective internationale, en réalité, elle ne rentre pas du tout dans ce cadre (cf Le rapport BioInitiative, ou l’apparence de sérieux scientifique (1)), elle est selon l’aveu même de Pr Michael Kundi, l’un des scientifiques Bioinitiative, qu’un « recueil d’articles »(2), puisque chaque article a été écrit indépendamment et sans relecture par les autres chercheurs.
Une synthèse d’ensemble rédigée par une non-scientifique
Pour rendre lisible ce recueil, Cindy Sage, la coordinatrice du projet, a eu l’intelligence d’en faire une synthèse grand public (cf Summary for the Public (3)), sauf que cette dite « experte » n’est pas une scientifique… Ainsi, deux chercheurs Bioinitiative ont même déclaré être en désaccord avec les conclusions (5), qui sont trop engagées pour avoir une apparence scientifique(4).
La coordinatrice Cindy Sage en grave conflit d’intérêts
Si les associations sont toujours promptes à dénoncer les éventuels conflits d’intérêts des chercheurs, pourquoi ont-elles éludées le grave conflit d’intérêts de Cindy Sage ? Il est pourtant simple de retrouver son cabinet de conseil spécialisé dans l’« EMF Design » (EMF=Champ Électromagnétique), qui n’est pas peu fier de ses clients : sociétés, institutions, particuliers, et même célébrités tel Tom Cruise (6). Aucun chercheur ne peut se permettre un tel conflit d’intérêts, Cindy Sage le fait sans peur.
L’AFFSET n’est pas tendre avec le rapport Bioinitiative
Les conclusions du rapport Bioinitiative sont clairement déconnectés des articles, ce qui fait dire à l’un de ses chercheurs Michael Kundi « le rapport propose une valeur limite, allant au-delà de ce que les scientifiques auteurs auraient eux-mêmes pu avancer » (p319 (5)). Selon l’AFFSET, « sur de nombreux points, ces conclusions sont plus affirmatives que celles de chacun des chapitres qui composent le rapport » (5), concluant « Le rapport BioInitiative doit donc être lu avec prudence : il revêt des conflits d’intérêts dans plusieurs chapitres, ne correspond pas à une expertise collective, est de qualité inégale selon les chapitres et est écrit sur un registre militant. »
Le rapport n’a pas de reconnaissance scientifique internationale non plus
Le parlement Européen « est vivement interpellé par le rapport international Bio-Initiative » (9) et l’Agence Européenne pour l’Environnement considère que « les preuves actuelles, bien que limitées, sont assez fortes pour remettre en cause les bases scientifiques sur les limites actuelles d’exposition aux CEM, d’après le groupe de travail BioInitiative » (11). Néanmoins, il faut rappeler que ce ne sont pas des organismes scientifiques : au niveau Européen, le seul habilité à émettre un avis scientifique est le « Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux » (CSRSEN ou SCNIHR en anglais)) (12).
Sur le rapport Bioinitiative, les positions des organismes internationaux sont tranchées :
• EMF Net « le résumé pour le public est écrit en termes alarmistes et émotionnels et ses arguments n’ont pas de support scientifique provenant d’une recherche bien conduite »(5).
• Danish National Board of Health « Le rapport BioInitiative n’apporte aucune raison de changer l’évaluation actuelle du risque pour la santé de l’exposition aux champs électromagnétiques, ne comporte pas de nouvelles données, et n’a pas pris en considération de la manière habituelle la qualité scientifique des travaux cités » (4).
• Office fédéral allemand de radioprotection « Le rapport BioInitiative a des faiblesses scientifiques claires, y compris un biais de sélection dans plusieurs domaines de recherche » (5) (10)
• Health Council of the Netherlands « BioInitiative n’est pas un reflet objectif et équilibré de l’état actuel des connaissances scientifiques, et il n’apporte donc aucune base pour réviser les points de vue actuels sur les risques de l’exposition aux champs électromagnétiques. » (5) (8).
• Australian Centre for Radiofrequency Bioeffects Research (ACRBR) « le rapport contient des prises de position qui ne sont pas en accord avec l’opinion scientifique standard, mais le rapport ne fournit pas de raisons de rejeter l’opinion scientifique standard pour adopter les vues épousées dans le Rapport. » (5) (7)
• HPA (Health Protection Agency, UK) « le rapport Bioinitiative est un réexamen approfondi de la littérature effectué sur la base d’études sélectionnées par ses auteurs. Toutefois, il ne s’agit pas d’un rapport indépendant, car Mme Cindy Sage et le Docteur David Carpenter Directeur de l’Institute for Health and Environment de l’Université d’Albany (New York) ont résumé leur point de vue qu’ils ont présenté comme un travail collectif, ce qui n’est pas le cas. » (2)
• EPA (Environment Protection Agency, USA) « tout en jugeant crédible la majorité des scientifiques concernés, ont estimé néanmoins que la principale difficulté soulevée par ce rapport résidait dans la question des liens financiers de ses auteurs. » (2)
Pour conclure, si certains contenus du rapport Bioinitiative sont scientifiques, l’ensemble et la synthèse ne le sont pas. Les chercheurs Bioinitiative ont sans doute la volonté noble de tenter de faire avancer les choses, mais court-circuiter ainsi les protocoles scientifiques pour sélectionner les études les plus alarmistes n’est pas la meilleure manière de donner confiance en la science, ni de la rendre compréhensible.
PS : On notera, par ailleurs, que pour ce type de (« bio ») initiative, il peut paraître étonnant de rendre l’accès à son rapport payant, même si ce n’est que 2$.
Sources
(1) Association AFIS - Le rapport BioInitiative, ou l’apparence de sérieux
(2) Assemblée Nationale - Les incidences éventuelles sur la santé des radiofréquences – Partie sur Bioinitiative de la téléphonie mobile
(3) Rapport Bioinitiative, synthèse p8 à 28
(4) Page 4 : « The purpose of this report is to assess scientific evidence on health impacts from electromagnetic radiation below current public exposure limits and evaluate what changes in these limits are warranted now to reduce possible public health risks in the future. »
(5) Rapport de l’AFSSET sur les Radiofréquences (PDF de 467p), Bioinitiative de p318 à 328
(6) Sage Associates - Clients
(7) Bioinitiative : Avis complet du ACRBR
(8) Bioinitiative : Avis complet du Health Council of the Netherlands
(9) Résolution du Parlement européen du 4 septembre 2008
(10) Bioinitiative : Avis complet de l’Office fédéral allemand de radioprotection (DE)
(11) « Current evidence, although limited, is strong enough to question the scientific basis for the present EMF exposure limits, according to the BioInitiative Working Group. » Agence Européenne de l’Environnement - Radiation risk from everyday devices assessed
(12) Le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN)