Bretagne : les algues vertes sont-elles comestibles ?
par Herve.C
samedi 4 février 2012
De nombreuses associations agricoles le crient haut et fort : les nitrates liés aux engrais que l’on retrouve dans notre alimentation sont bons pour la santé. Ces groupes d’intérêts militent même pour un relèvement des doses limites de nitrates autorisées en France. Devra-t-on manger des algues vertes pour sauver les éleveurs bretons ?
Point d’orgue de cette mobilisation, un colloque intitulé « Nitrate, nitrite, oxyde nitrique : nouvelles perspectives pour la santé » affirmait en mars dernier, dans les locaux de l’Hôpital Salepétrière, l’innocuité voir les bienfaits des nitrates contenus dans notre eau et notre alimentation courante.
Les liens d’incidence entre nitrates et cancers sont aujourd’hui démontrés.
2/ Méthémoglobinémie des nourrissons
Chez les nourrissons, une eau trop riche en nitrates provoque un manque d’oxygénation du sang . La transformation des nitrates en nitrites dans l’organisme déclenche une maladie appelée méthémoglobinémie.
Entre 1945 et 1970, 2 000 cas de méthémoglobinémie ont été recensés.
Le plus souvent, les teneurs en nitrates étaient supérieures à 100 mg/L. Mais dans 3% à 4,4% des cas étudiés aux Etats-Unis, la teneur de l’eau en nitrates était inférieure à 50mg/L. Ce qui signifie que ce type de maladies peut se déclencher en dessous du seuil fixé par l’OMS ou jugé acceptable en France.
Car la virulence de la maladie dépend aussi de l’état général des enfants en bas âge, plus vulnérables s’ils ont des maladies respiratoires ou des diarrhées. La présence de certaines bactéries dans l’eau peut également faciliter la transformation des nitrates en nitrites et ainsi priver l’organisme d’oxygène.
La norme de teneur maximale de 50mg/L de nitrates dans l’eau est loin d’être excessive. Elle protège a priori les adultes. Mais pas les nourrissons, qui doivent boire des biberons préparés avec une eau dont la teneur en nitrates est inférieure à 50 mg/L.
3/ Femmes enceintes et malformations :
Une étude australienne réalisée sur 215 femmes a estimé que le risque d’avoir un enfant atteint de malformation était quatre fois plus important lorsque la concentration d’eau du robinet dépassait les 15 mg/L.
Plusieurs études sur des animaux ont confirmé l’altération de facultés motrices sur les progénitures lorsque les femellles étaient exposées à des doses de nitrates significactives.
Sur ce sujet, les études sont plus contradictoires. Mais on sait que les nitrates impactent de façon négative la grossesse.
Conclusion :
Apporter une preuve absolue d’un lien de causalité direct entre cancers et pollution est toujours difficile.
Si les scientifiques préfèrent souvent parler d’incidences ou de corréaliations, c’est parce que « même une dose journalière admissible peut se révéler dangereuse. C’est en effet la durée d’exposition au produit, la répétition de cette exposition, même à des doses infinitésimales, qui peuvent entraîner un cancer » estime Dominique Belpomme, cancérologue et auteur de Ces maladies créées par l’homme.
Certes, il existe une poignée d’études qui n’ont pas trouvé de liens entre l’exposition aux nitrates et l’apparition de différentes pathologies.
Mais la littérature scientifique dispose d’une cohorte de travaux très étayés pour établir un risque d’impact négatif des nitrates sur la santé. Il est aussi absurde de déclarer les nitrates bons pour la santé que de prétendre les algues vertes comestibles.
Doubler la dose de nitrates autorisée dans l’eau, c’est multiplier le risque sanitaire par deux sur des expositions à long terme.
Pourquoi prendre un tel risque sanitaire ? Pour la prospérité des exploitations porcines bretonnes ? Pour la beauté des marées vertes ?
Les agriculteurs bretons – par ailleurs très exposés aux maladies professionnelles liées à la manipulation d’engrais azotés – doivent se sentir bien mal représentés. Ils sont pourtant une majorité à respecter la réglementation sur les rejets excédentaires de nitrates. Pourquoi les pousser à utiliser toujours plus de nitrates ?
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(1) Armijo, R., Gonzalez, A., Orellana, M., Coulson, A.H., Sayre, J.W. et Detels, R. Epidemiology of gastric cancer in Chile : 2. Nitrate exposure and stomach cancer frequency. Int. J. Epidemiol., 10:57 (1981).
(2) Forman, D., Al-Dabbagh, S. et Doll, R. Nitrates, nitrites and gastric cancer in Great Britain. Nature, 313 : 620 (1985).
(3) Organisation mondiale de la santé. Health hazards from nitrates in drinking-water. Report on a WHO meeting. WHO Regional Office for Europe, Copenhagen (1985).
(4) Dorsch, M.M., Scragg, R.K.R., McMichael, A.J., Baghurst, P.A. et Dyer, K.F. Congenital malformations and maternal drinking water supply in rural South Australia : a case-control study. Am. J. Epidemiol., 119 : 473 (1984).
Les études citées dans l’article ont été sélectionnées sur le très complet site gouvernemental Santé Canada qui recense de nombreux autres travaux sur le sujet.