Carla Bruni-Sarkozy pourra signer la pétition « Sauvons la clinique »

par Karim Sarroub
lundi 14 juillet 2008

Il y a urgence Madame la Présidente

Au mois de janvier dernier, vous avez accordé une interview au magazine Psychologie. En voici quelques extraits :

Psychologie Magazine :
Que pensez-vous de la psychanalyse ?
Carla Bruni :
C’est la découverte du siècle ! Tout le monde devrait faire une analyse… Malheureusement, il y aura toujours des gens qui n’auront pas envie de se sentir mieux. La psychanalyse est une partie essentielle de ma vie. Je suis une « absolue pratiquante. »
Psychologie Magazine :
C’est parce que vous souffriez que vous avez commencé une analyse ?
Carla Bruni : C’est parce que la vie est douloureuse, vivre est douloureux, la condition d’être humain est douloureuse. Même être un chat, c’est peut-être douloureux. La psychanalyse permet d’accepter la réalité de la vie, donc la douleur. Savez-vous pourquoi les enfants sont plus désagréables avec leur mère qu’avec leur père ? Parce qu’ils lui reprochent de leur avoir donné la vie. Etre mortel, c’est extrêmement violent. Cioran le disait très bien : « Etre né, c’est un inconvénient. »
Psychologie Magazine : Essayez de vous projeter dans dix ans. Quelle vie rêveriez-vous d’avoir ?
Carla Bruni : Dans dix ans ? Je rêverais d’être psychanalyste. Je n’en suis pas encore là, c’est un long travail, mais je pense que c’est le monde le plus intéressant que l’on ait à notre portée.

Vous vouliez peut-être dire, comme Lacan : « qu’Etre psychanalyste, ou entreprendre une analyse, c’est simplement ouvrir les yeux sur cette triste évidence qu’il n’y a rien de plus cafouilleux que la réalité humaine. »

Mais aujourd’hui, vous n’êtes pas psychanalyste. Vous êtes non seulement la première dame de France, mais surtout une artiste. Et on a besoin de vous. Il y a urgence, Madame la Présidente, car ça cafouille encore, dans tous les sens. Cinq ans sont passés entre la rédaction de cet amendement et son éventuelle application en catimini le mois prochain. Et trois ans seulement depuis la parution du Livre noir de la psychanalyse...


En 2003
Bernard Accoyer, ancien médecin oto-rhino-laryngologiste, aujourd’hui président de l’Assemblée Nationale, présente un amendement réglementant la profession de psychothérapeute, qui est approuvé par l’Assemblée Nationale. Et depuis, ce décret est en attente de publication.

Un oto-rhino-laryngologiste qui veut réglementer la profession de psychothérapeutes, pourquoi pas, mais il n’y a qu’en France où on peut vivre ça. Pourquoi donc Bernard Accoyer s’est penché sur ce dossier ? Mystère. L’intention est louable. C’est assurément parce qu’il doit être un type bon, sincère, comme beaucoup de ses collègues. Mais ce n’est pas un homme politique au-dessus de tout soupçon, qui voulait simplement combler un vide juridique.

Avant de l’accabler, devant vous, soyons directs et disons tout. C’est-à-dire même là où il a raison, là où ça dérange. On peut avancer par exemple que c’est quelqu’un qui a surtout pris conscience (et connaissance), à juste titre, qu’il y a autant de thérapies que de thérapeutes, que beaucoup de "psys" sont plus malades que leurs patients, qu’il y a une galaxie d’Ecoles qui drainent des "psys" souvent psychotiques, peu formés, voire pas formés du tout. Tout cela est bien vrai, hélas, et quelqu’un a dû le lui souffler, sinon il n’aurait pas déclenché tout ça Monsieur le député. Il a eu donc raison de se pencher sur ce dossier. Mais il l’a fait très naïvement et avec beaucoup de maladresse, car comme vous l’avez, vous, compris, on ne légifère pas sur l’Inconscient. Mais comment le lui faire comprendre ?


On avait déjà eu du mal à lui expliquer que les homosexuels étaient des gens normaux, lorsqu’il tenait des propos homophobes des plus caricaturaux, en déclarant :
« L’État a naturellement vocation à privilégier les couples hétérosexuels, mariés ou non, qui seuls peuvent assurer le renouvellement des générations. L’État n’a évidemment pas le même devoir envers les couples homosexuels et les personnes isolées mais certains lobbies sont manifestement plus influents auprès de l’actuelle majorité que d’autres ». Quels lobbies ? Le Marais ?

« Dans un couple homosexuel, il y a toujours un dominant et un dominé »
Bernard Accoyer.

Tout cela vient d’un seul homme, qui est aujourd’hui le quatrième personnage de l’Etat, et qui détient à lui tout seul la palme des amendements les plus infâmes : fixation d’âge minimum des contractants d’un PACS à 21 ans ; l’obligation d’un délai de 5 ans entre la signature de deux PACS ; interdiction de la signature d’un PACS aux étrangers en situation irrégulière ; encore une interdiction aux personnes de même sexe ayant adopté.

Le plus surprenant, c’est que ce médecin oto-rhino-laryngologiste, a été nommé, en septembre 1996, secrétaire national chargé des questions de santé. Il est (ou était) président du Groupe d’études parlementaires sur le Sida, et est (ou était) également vice président du groupe d’études parlementaire sur les handicapés !

Souvenons-nous également de ses déclarations dans les colonnes du Figaro, quand il déclarait : « Avant tout, nous voulons que soient mises en évidence les difficultés des familles qui choisissent d’avoir des enfants », et d’ajouter que « la question des couples homosexuels qui désirent adopter ne rentre pas, à (son) sens, dans le cadre de cette mission. »
En plus de ses dérapages, ce député s’est permis de signer la pétition homophobe de Michel Pinton.

Et depuis cet amendement, Madame la Présidente, les cognitivistes et les tenants des TCC (thérapies cognitivo-comportementales), ces spécialistes à l’origine d’une virulente compagne anti psychanalyse (Le Livre noir de la psychanalyse) se sont déchaînés et sable aujourd’hui le champagne.

A ceux qui l’ignorent encore, les TCC, ce sont des thérapies qui ont pour curieuse particularité de s’attaquer aux problèmes du patient par des exercices pratiques : vous avez peur de l’araignée ? On va vous soigner en vous forçant à toucher une araignée. Peur de l’ascenseur ? On va vous faire un truc que vous n’allez jamais croire. Grâce à notre méthodologie simple bien qu’un peu contraignante, vous allez tout pigé. Et ensuite guérir, cela va de soi.

Ce décret (en attente de publication), est désormais inscrit dans l’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (JO n° 185 du 11 août 2004 page 14277). Et il va ressurgir au mois d’août, en pleine canicule.

Il ne nous reste plus qu’à espérer que vous, qui êtes aujourd’hui la première dame de France, et qui en sait quelque chose, se joigne à nous pour signer la pétition.

Entre-temps, la profession s’est saisie du dossier pour dire non à des théories du psychisme imposées par l’Etat, non à une formation au rabais des psychothérapeutes qui menace l’intérêt des patients. Les indignations et les dénonciations des psychanalystes et psychothérapeutes, ainsi qu’un grand nombre de chercheurs, de médecins, d’artistes et d’intellectuels, n’ont servi à rien, puisque "quelque chose" se prépare en douce pour ce mois d’août. Il faut dire à cette belle qui a oublié d’être bête et qui a dit tant de bien de la psychanalyse, qu’elle vienne signer la pétition et se joindre à nous, car on a besoin d’elle.


Pour Ingrid Betancourt, avec Bertrand Delanoë


Message de Jacques-Alain Miller

Après m’avoir consulté à ce sujet, mon ami Roland Gori a pris l’initiative de rédiger et faire circuler la “Pétition Alerte Rouge”. C’est un appel général à s’unir contre le projet d’arrêté que j’ai critiqué dans ma tribune du Point la semaine dernière. J’ai signé cette pétition, et j’invite les adhérents et amis du Champ freudien à faire de même. L’heure n’est pas aux “petites différences”, mais au rassemblement.

Le texte incriminé vise à casser les reins au mouvement psychanalytique, en créant subrepticement une nouvelle profession de soi-disants “psychothérapeutes”, formés au rabais (et qui seront aussi employés au rabais) sur des bases exclusivement cognitivistes. Cette politique de ravalement et déqualification, déjà entrée en vigueur en Grande-Bretagne, fait courir au public des dangers manifestes ; elle a conduit dans ce pays à la marginalisation des psychanalystes. La fuite qui m’a permis de connaître ce texte, et l’alerte donnée dans les médias, ont déjà permis de percer à jour le guet-apens, prémédité pour le mois d’août. Il s’agit maintenant de faire nombre.

Je prépare la sortie d’un numéro spécial de LNA pour cet été. Il sera aussitôt diffusé aux médias et à la classe politique, puis, au public dès le début septembre. Avant d’autres initiatives.

Jacques-Alain MILLER


Pour signer la pétition

Pour voir les signataires

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Sauvons la clinique


Lettre à Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports

Par Roland Gori et Alain Abelhauser

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