Ces experts indépendants qui volent au secours de Big Pharma...

par Pharmaleaks
mardi 24 janvier 2012

C'est qu'elle a du mal à passer cette réforme post-Mediator. Dans leurs tours de verre teinté, les patrons des firmes pharmaceutiques se sont étranglés de colère de cette ingérence des pouvoirs publics dans leur business. La loi sur le médicament de Xavier Bertrand dérange. Il va falloir agir, et vite !

Le Quotidien du Médecin a fait sa Une du 23 janvier sur un article intitulé "Loi médicament, effets secondaires". Dans un éditorial incendiaire, le Dr Gérard Kouchner (le frère de Bernard) explique au Dr vulgum pecus les conséquences dramatiques du contrôle par l'administration de l'information médicale dictée par les firmes pharmaceutiques à votre médecin de quartier.

"Ainsi se retrouve-t-on sans experts en maladies infectieuses, ceux-ci ayant démissionné en masse, et sans experts vierges de tout lien d'intérêts autres que des retraités depuis plus de cinq ans, dont l'expérience du médicament n'a pas du être améliorée par la pratique de la pétanque..."

Il s'émeut ensuite du nombre de morts que pourrait provoquer le retard de la publicité sur un anticoagulant innovant : "soit en un mois presque autant que le Mediator en 35 ans..."


On peut comprendre que la presse médicale s'en émeuve car cette loi entraînera des coupures drastiques dans les lignes budgétaires consacrées à la publicité.

Comme d'habitude, pour étayer ses propos, la presse médicale va s'appuyer sur des experts qui peuvent attester à quel point l'heure est grave. Dans le cas présent, avant de faire intervenir Christian Lajoux, le représentant officiel de l'industrie pharmaceutique, le Quotidien du Médecin n'a rien trouvé de mieux que de donner la parole à l'illustre Professeur Bergmann, vice-président de la Commission d'Autorisation de Mise sur le Marché de l'agence du médicament.

Ce dernier parle d'ambiance de fin de règne à la commission d'AMM et "assure que si le curseur est placé très (trop) haut par les décrets, cette commission va se retrouver, en terme d'expertise, avec des médiocres, des retraités, des militants ou des iconoclastes" et déplore le décalage entre la politique affichée et les réalités du terrain .

Et il sait de quoi il parle. Nous avons déjà eu l'occasion de relayer via ce site son audition surréaliste par François Autain, chipotant et renégociant sans cesse la notion de conflit d'intérêt.

Cette prise de parole spontanée pour défendre les intérêts de Big Pharma n'est pas si surprenant lorsque l'on examine d'un peu plus près ses propres conflits d'intérêts. (voir ci-dessous). De source officielle, pendant ces quelques dernières années, le vice-président de la Commission d'AMM a travaillé pour absolument tout le monde ! La liste est ahurissante.

Cerise sur le gâteau, ce type d'article dans lequel un professeur renommé prend la défense de l'industrie pharmaceutique en tant que vice-président de la Commission d'AMM ne prend même pas la peine de préciser ses conflits d'intérêts qui donnent pourtant un éclairage très différent à son témoignage.

Même si elle reste critiquable sur quelques aspects, cette loi sur le médicament fait progresser nos institutions. Suite aux scandales récents, l'AFSSAPS a été remaniée. Des têtes ont sauté. Néanmoins, l'intervention d'un professeur comme Jean-François Bergmann, en tant que représentant officiel de l'agence, dans des actions de lobby pro "Big Pharma" montre que la chasse aux conflits d'intérêts n'a pas été menée comme il se doit. Certains fondamentaux de l'agence "avant Mediator" sont toujours là et le business peut s'exercer comme avant.

Liste des conflits d'intérêts du Professeur Bergmann (source : AFSSAPS)


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