Compétitions de « Botellón » et de « Binge drinking »

par Voris : compte fermé
mercredi 20 août 2008

Alors que la compétition olympique bat son plein, c’est à une dangereuse forme de compétition que se livre la jeunesse européenne. Appelée "Binge drinking" outre-Manche et "Botellón" en Espagne, elle ne sera jamais accréditée aux JO. Chez nous, on peut appeler cela le concours de "biture express". En France, une campagne télévisuelle se donne pour ambition de frapper les esprits sur cette pratique en mettant en scène une fête de jeunes alcoolisés qui se termine en drames. Mais d’autres pays européens s’inquiètent de la montée de ce nouveau phénomène.

Le "Binge drinking" et le "Botellón" sont-ils des disciplines olympiques ? Non, s’il s’agit bien de compétitions, elles n’ont rien de sportives. En français, on parle d’hyper alcoolisation. Ce qui est nouveau, ce n’est pas l’alcoolisation excessive dans les lieux publics, c’est l’introduction de l’esprit de compétition et de jeu dans cette pratique.

Le Botellón

A Lausanne, en Suisse, la municipalité est très inquiète du rassemblement prévu le 23 août. Une compétition de Botellón va se tenir au parc Montbenon. Déjà, à Genève, le 18 juillet dernier, le premier événement du genre s’était soldé par des dégâts matériels importants au parc des Bastions qui avait dû faire l’objet d’une mesure de fermeture. La municipalité de Lausanne a convoqué le jeune organisateur de ce rassemblement nocturne pour parler des risques. La ville dira mercredi si le projet est viable ou si la sécurité publique impose une interdiction de la manifestation.

Le Botellón vient d’Espagne. Pour payer moins cher leurs consommations dans des débits de boisson, les jeunes préparent leurs propres cocktails, et se réunissent dans la rue. Au menu du Botellón, un "Calimocho", c’est-à-dire du gros rouge et du coca, "Gin Kas", du gin avec du citron, ou encore un "Orgasmo", un mélange de liqueur de pomme et du soda citron.

Le Botellón est une pratique ibérique qui n’est pas nouvelle, mais ce qui est nouveau, c’est le côté compétition. Un Interville d’un genre inquiétant s’étend : "Ils étaient 5 000 à Séville, il faut qu’on les batte. Botellón cette nuit. Fais passer". C’est en lançant des messages de ce type que les jeunes de Grenade, de Madrid, de Barcelone ou de Valence, se livrent à une constante surenchère. Record provisoire : Grenade avec 20 000 jeunes "cuités" selon la police locale. Face à ce phénomène brutalement apparu, les mairies sont prises de vitesse, dépassées, et ne voient pas d’autre moyen que d’interdire, sachant que les jeunes braveront de toute façon l’interdiction. C’est le but du "jeu".


La compétition prend désormais une dimension internationale. Elle s’est exportée en Suisse. La Tribune de Genève a ouvert un forum  : "La tradition ibérique du Botellón, biture généralisée entre jeunes dans un lieu public, a traversé les frontières. Elle se pratique désormais sur les rives du Léman, voire dans les parcs genevois. Et les dérapages qu’elle implique (comas éthyliques, bagarres, conduite en état d’ébriété, désordres en tout genre) inquiètent désormais les autorités locales. Entre interdiction, prévention et libéralisation, quel est votre avis sur ce genre de manifestations  ?"

Le Binge drinking

Le Binge drinking consiste à absorber une grande quantité d’alcool en un court laps de temps pour obtenir une ivresse rapide. Pour éviter l’anglicisme, on peut dire aussi "hyper alcoolisation" ou plus familièrement "biture express". Ce mode de consommation est en augmentation rapide chez les adolescents ces dernières années outre-Manche.

En France, la ministre Roselyne Bachelot a décidé de prendre le problème à bras-le-corps en lançant cet été à la télévision et au cinéma une campagne de communication pour faire baisser le "Binge drinking". Vous avez peut-être vu ces spots ; ils montrent des adolescents "dans un univers paradisiaque qui va tourner au cauchemar" quand ils auront "trop bu". Il s’agit de prévenir les conséquences de ces comportements, à savoir les - trop classiques - accidents de la route, mais aussi la violence, les rapports sexuels non protégés, les viols et "les comas éthyliques, qui peuvent engendrer le décès".

La ministre de la Santé a encouragé, dès le mois de mai, les professionnels à "anticiper" le décret rendant obligatoire la mise en place d’éthylotests dans les débits de boisson. Un ensemble de mesures est prévu dans le projet de loi "Santé, patients, territoire" qui "seront effectives en 2009", comme l’interdiction totale de la vente d’alcool aux mineurs et des open bars qui permettent de boire autant que l’on veut pour un prix forfaitaire, l’interdiction de la consommation d’alcool sur la voie publique aux abords des établissements scolaires, l’interdiction totale de la vente dans les stations-service.

La Grande-Bretagne ne contrôle plus rien

Déjà en difficulté sur son territoire, où le phénomène est classé fléau de santé publique, le Royaume-Uni doit faire face aux excès de toutes sortes de ses ressortissants dans les pays étrangers. Le Foreign Office vient de publier des statistiques inquiétantes concernant les sujets de Sa Gracieuse Majesté à l’étranger. En 2007, 4 600 Britanniques ont été arrêtés hors de leur pays, une hausse de 15 % par rapport à 2006. "La boisson joue un rôle dans ces comportements, reconnaît Meg Munn, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Dans de nombreux cas, il s’agit de personnes qui vont en vacances sans leurs parents pour la première fois."

Le pays le plus touché est l’Espagne où se rendent chaque année 17 millions de touristes britanniques. En 2007, on y dénombre plus de 2 000 arrestations (+ 33 %), 695 hospitalisations et 29 viols. En France, le nombre d’arrestations a également fait un bond de 42 %, même si le niveau reste pour l’instant limité à 153 seulement.

Le Foreign Office a réagi par des campagnes de sensibilisation, comme ces posters qui prodiguent le conseil de jauger ses propres limites et de ne pas faire confiance au premier venu. "Cela a permis de diminuer le nombre de viols", selon Meg Munn.

On le voit, la Grande-Bretagne n’en a pas fini avec ce problème car il est particulièrement difficile de contrôler les faits et gestes de ses ressortissants en dehors de ce territoire. Nos voisins anglais, qui remportent à Pékin une quantité inhabituelle de médailles d’or, pourraient bien se voir décerner aussi la médaille d’or des délits directement imputables à la pratique du Binge drinking.

Nous, nous espérons que le plan Bachelot laissera la France au pied du podium...

 


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