De l’art de la sieste

par C’est Nabum
mardi 6 novembre 2012

Ce doux plaisir horizontal.

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Le Bonimenteur couché

Qu'elle soit graveleuse ou bien honnête, solitaire ou bien à deux, intérieure ou extérieure, la sieste est une douce rupture, une perte de contrôle, un bel arrêt au mi-temps de la journée. Elle reconstitue des forces, redonne de l'allant pour continuer ce qu'il y a à faire. Elle vous ragaillardit d'autant plus que vous y fûtes gaillard ou bien paillard, fripon ou bien poivron.

Elle fut pourtant un bien mauvais souvenir lors de vos années d'enfance. On a continué à vous l'imposer quand bien même vous n'en aviez plus besoin. Vous ragiez de cette obligation d'alors et bien des années plus tard, vous découvrez enfin ce merveilleux plaisir de la rupture de faisceau au cœur de la journée.

Vous l'avez redécouverte avec vos enfants. Lorsque l'un d'eux n'était pas bien, malade ou bien ronchon, vous avez retrouvé le bonheur des draps frais juste après le repas. Vous prétendiez devoir endormir votre petit et le sommeil vous emportait au rythme apaisant de sa respiration tranquille.

Vous y prîtes plaisir coquin quant à de rares occasions, la maison se vidait de tous ses occupants bruyants. Une après-midi tranquille, un plaisir dérobé à la folie de la vie d'un couple qui n'en peut plus d'être entraîné dans le tourbillon de la famille. C'était alors un temps suspendu, un retour au bonheur de se retrouver enfin.

Puis le temps est passé. Les années s'accumulent, la fatigue se fait plus pressante. La sieste devient alors une nécessaire étape au milieu de la journée. Vous y refaites le plein d'énergie pour aller jusqu'au soir. Vous sombrez bien vite dans un sommeil que vous tâchez de ne point faire durer. Vous trouvez votre manière, celle qui vous convient le mieux pour vous accorder de petit bain de jouvence.

Pour les uns, il faut un bon fauteuil, une télévision qui ronronne sa douce médiocrité et qui vous entraîne au pays des songes. Vous piquez doucement du nez, le menton vient frapper la poitrine, la tête se penche, la respiration se fait plus profonde, les yeux se ferment. Les publicités viendront mettre un point final à cette bulle vaporeuse qui est devenue une douce habitude !

Pour d'autres, le rituel est moins sournois. Le canapé tend sa douceur rebondie, les chaussures sont quittées, le corps allongé sait qu'il ne va pas lutter. S'il y a un fond sonore, c'est simplement pour meubler le silence. Les yeux se ferment sans lutte inutile, le dormeur s'accorde ce droit tout en ne s'octroyant pas la possibilité de se dévêtir.

Rares sont ceux qui poussent le plaisir jusqu'à la chambre à coucher à moins que ce ne soit pour le partager en cette douce folie qui était d'un autre âge. La sieste dans des draps, c'est le plus parfait renoncement, c'est l'abandon total. Il faut clore les volets, s'enfoncer dans les draps, accepter sans remords de perdre une heure ou deux.

Le réveil sera alors nébuleux et vaseux. C'est le prix à payer pour cette perte de conscience du temps et des contraintes, des usages et des codes sociaux. Vous avez échappé à la routine quotidienne qui n'autorise pas pareil naufrage bienheureux. Vous vous êtes accordé le droit de vous perdre à vous-même et vous en acceptez la brumeuse conséquence.

Il y a encore bien des manières d'assouvir ce vice respectable. Sur un hamac ou bien un transat, une pelouse ou bien un tapis de mousse, un sable fin ou un lit de feuilles, vous allez à votre perte provisoire, à ce bienfaisant égarement méridien. À moins que vous ne soyez de ceux qui lui préfèrent l'abandon de dix heures. Tout est bon pour tenir le cap et aller un peu plus loin au bout de la soirée. Car désormais, vous avez bien du mal à tenir la longueur d'une journée. La sieste est ainsi le complément idéal d'une nuit qui n'est plus aussi réparatrice qu'avant.

Horizontalement vôtre.

C'est l'heure de la sieste !


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