Dépistage de l’Alzheimer : fichez-nous la paix

par Pascal GILBERT
mardi 22 avril 2008

La chasse au malade qui s’ignore est commencée. Dépister l’Alzheimer ? On marche sur la tête et ce n’est pas ainsi que l’on va améliorer son fonctionnement.

La presse écrite, internet, bruissent de la nécessité impérieuse de poser précocement le diagnostic de maladie d’Alzheimer (MA) voire de celle de chercher à la dépister.

Les chercheurs s’y mettent : "Les nouveaux critères diagnostiques proposés permettraient de reconnaître la maladie trois à quatre ans plus tôt qu’actuellement" disait le Pr Dubois sur France-Info en juillet 2007. Il continue à prôner le diagnostic précoce dans un des derniers FigMag et dans le n° 26 (mars-avril 2008) de Cerveau et psycho.

Alors, cool, revenons à nos basiques et regardons le principal critère auquel doit répondre une maladie que l’on cherche à dépister précocement : elle doit avoir un traitement.

Et c’est là que le bât blesse : à ce jour l’efficacité des traitements est extrêmement limitée. Les médicaments spécifiques de la maladie ne retardent l’évolution que de quelques mois et, encore, pas chez tous les patients. Le Pr Dubois l’admet implicitement quand il déclare : "Dans les années qui viennent, dans les mois peut-être même, on va avoir des médicaments qui devraient ralentir le processus de la maladie". Alors attendons, non ? A mon sens, proposer dès aujourd’hui le dépistage au nom d’un avenir qui pourrait être favorable est rendre un bien mauvais service à son patient. Primum non nocere semble avoir été effacé du fronton des facultés.

Durant mon exercice, j’ai vu certains de mes patients se dégrader, oublier leurs clés puis la date, puis fuguer, devenir agressifs, démentir, épuisant leur entourage. Enfermés de plus en plus profondément dans une prison psychique terrifiante. Et c’est la preuve de cet avenir que vous venez, Messieurs les diagnostiqueurs précoces, proposer ? Vous venez offrir aux vieux, et aux moins vieux, les moyens d’avoir la joie de se savoir promis à l’agonie psychique, sans la moindre certitude thérapeutique tangible.

Merci, sans moi, je préfère vivre ces trois ou quatre ans dans l’ignorance, pestant simplement contre les lacunes qui émaillent mon vieillissement.


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