Des chartreux aux laitues

par olivier cabanel
mercredi 9 août 2017

La religion mène à tout, au meilleur comme au pire, et des fous de Dieu aux sages de quelques monastères, il y a ceux qui veulent notre mort, et d’autres qui choisissent le contraire.

Ainsi, l’histoire de la liqueur de la grande Chartreuse mérite d’être connue, d’autant que le mystère qui entoure les plantes qui la comportent reste encore aujourd’hui entier.

L’histoire commence en 1605, lorsque le maréchal d’Estrées donne aux Chartreux de Vauvert, à Paris, un manuscrit dans lequel est expliqué le principe de la fabrication de cette boisson baptisée « Elixir de longue vie »...et dont l’un des premiers bénéficiaire fut le Cardinal de Richelieu.

Il existerait donc des plantes capables de « prolonger nos vies » ?

Au Moyen âge, cette potion de jouvence était nommée Thiéraque, laquelle était un contrepoison rapporté à Rome par Pompée, puis amélioré par Andromaque, médecin de Néron.

Mais il faut rendre à César ce qui lui appartient, puisque cette Thiéraque a été mise au point par le grec Galénos (131-201) (lien) même si certains l’attribuent à Mithirdate Eupator, qui la mit au point avec son médecin, Cravetas. lien

On pourrait remonter encore plus loin dans le temps, puisque 2 millénaires avant notre ère, les médecins égyptiens utilisaient le livre des 36 herbes pour soigner la maladie...

Ils pensaient faire mieux que guérir, car en utilisant le natron, mélange de carbonate et de chlorure de sodium, ils embaumaient les corps, convaincus que cet acte guérirait de la mort, rattachant ainsi cette pratique à la médecine. lien

Ces 36 plantes ont la vie dure puisqu’aujourd’hui encore, des phytothérapeutes, comme Gérard Edde, les utilisent pour guérir, s’appuyant sur des méthodes naturelles de santé d’origine chinoise. lien

Mais revenons à la Thiéraque.

Cette potion se composait de 74 plantes, ou d’autres ingrédients, dont le principal serait le jus de pavot, l’opium donc.

Nous devons à un certain Moyse Charas la formule, lequel la révéla en 1667, et dans laquelle il y avait du vin, du miel, de la gentiane, du poivre, de la myrrhe, d’acacias, du gingembre, de l’acore aromatique, de la rhubarbe, de la potentille, de la racine d’aristoloche, du safran, de l’écorce sèche de citron, de fruits du persil, de la rose, de l’iris, de la rue, de la valériane, du millepertuis, du fenouil, de l’anis, ainsi que de la chair séchée de vipère, de l’opopanax, et des rognons de castor...la liste complète des ingrédients et des doses sont sur ce lien.

Mais revenons à notre grande Chartreuse...

Rentrent dans la formule qui permet de la fabriquer pas moins de 130 plantes et épices différentes. lien

L’histoire affirme que le Maréchal d’Estrées transmis la formule à un Chartreux, un apothicaire, qui, hélas, ne put l’exploiter, n’ayant pas accès à toutes les plantes décrites dans la formule, et celle-ci resta donc en sommeil pendant 130 ans.

Plus d’un siècle après, les Chartreux firent un long voyage jusqu’en Dauphiné, afin de donner cette formule aux moines de la Grande Chartreuse.

un certain frère Bruno, et son assistant, frère André, travaillèrent sans relâche afin de la fabriquer, sans pour autant y parvenir, et quelques temps avant la mort du frère Bruno, un nouveau chartreux, Jérôme Maubec, grand spécialiste en plantes, pris le relais, et finalement réussit à la fabriquer.

La liqueur de longue vie connut alors un succès grandissant, jusqu’aux milieux aisés de la capitale, mais à sa mort, Jérome Maubec emporta le secret de la fabrication dans sa tombe...

Un certain Antoine Dupuy, chartreux lui aussi, pris alors le relais, et analysant les échantillons de travail de son prédécesseur parvint finalement à mettre au point le breuvage.

Hélas en 1789, les temps changeaient, et en vertu de la loi thermidor de l’an 1, les frères chartreux furent contraints de prêter serment d’allégeance à la République, sinon, c’était le bagne.

Ce fut le cas du chartreux Dupuy, et de transmission en transmission, le précieux manuscrit resta protégé.

Le dernier détenteur, un certain dom Basile, transmis la formule en 1800 a un ex-chartreux, pharmacien, Pierre Liotard, lequel avait renié ses vœux pour échapper au pire.

Ce dernier exploita la formule, et devint vite riche, suite au succès de sa chartreuse verte, jusqu’au jour où, par décret impérial, Napoléon, en 1803, ordonna que toutes les recettes d’élixir soient soumises au ministère de l’intérieur.

Malheureusement, le ministère jugeant la formule trop compliquée, pris la décision de l’interdire la jugeant sans intérêt.

Tout se serait arrêté là si le chartreux n’avait eu la bonne idée de faire une copie du manuscrit, dom Basile n’étant pas le seul détenteur de la formule, un autre chartreux, dom Emmanuel, en était possesseur, et en avait confié, à sa mort, en 1814, la recette à un certain Charles Meunier, lequel avait secouru les chartreux pendant la terreur.

Après bien des péripéties, les moines purent enfin récupérer leurs locaux, à titre de « locataires de l’état », et se remirent à fabriquer la célèbre liqueur, laquelle connut un succès immédiat.

Ils avaient quitté l’enceinte du monastère, le commerce de l’alcool ne faisant pas très bon ménage avec le silence et l’austérité, règles essentielles des Chartreux, et c’est non loin de là, à Fourvoierie, en 1862, que la fabrication put enfin reprendre avec un succès qui perdure de nos jours.

La liqueur connut pourtant un autre épisode malheureux, lorsque Charles Meunier fut contraint en 1903 d’en abandonner la fabrication, l’état ayant supprimé toutes les congrégations, et confisqué leurs biens.

Sauf que les moines, s’étaient enfuis, direction l’Espagne, à Tarragone, et avaient repris la production en 1929...avant finalement de regagner la France, comme on peut le découvrir dans la très jolie BD de Laurent Bidot. lien

Mais que vient faire la laitue dans cette histoire ?

Il s’agit d’une laitue spéciale, sauvage, appelée laitue vireuse, reconnaissable à ses piquants, à ses fleurs jaunes, et au suc laiteux qui coule de la tige ou des feuilles à la moindre blessure.

Cette laitue appelée, à tort, le cannabis légal, a plutôt des effets sensiblement identiques à l’opium, ce qui lui confère des propriétés intéressantes : sédatives, calmante, anxiolytique, analgésique, la laitue vireuse vous aidera à dormir, calmera votre stress, et atténuera vos éventuelles douleurs.

C’est donc bien une plante médicinale, très courante dans la nature, et que vous pourrez consommer soit en tisane, soit en fumant les feuilles séchées. lien

Il est important de sécher la plante à l’ombre, et non au soleil, car celui-ci détruirait en grande partie les propriétés de la plante.

Il est conseillé de la prendre plutôt en tisane, mais pour ceux qui seraient accro au cannabis, c’est un moyen simple de s’en désaccoutumer.

On le voit, les plantes s’ingénient à nous permettre une bonne santé, alors que les hommes s’ingénient à leur mettre des bâtons dans les roues.

Par les temps qui courent, les herboristes connaissent des moments difficiles, c’est le moins qu’on puisse dire.

La règlementation française qui encadre le commerce des plantes est inadaptée, interdisant aux personnes vraiment compétentes de fournir des conseils sur les propriétés thérapeutiques des plantes, privilégiant plutôt les pharmaciens, lesquels les connaissent qu'imparfaitement, et leur préfèrent les médicaments allopathiques.

Ainsi, l’herboriste de la Place de Clichy, a été condamné à un an de prison avec sursis, le 17 février 2016 lien

En résumé, ceux qui se tournent aujourd’hui vers les plantes, risquent bien de connaitre un véritable parcours du combattant… tout comme les Chartreux à l’époque, lesquels en ont fait la cruelle expérience.

Fort heureusement, Internet permet à ceux qui voudraient connaitre et mieux comprendre les propriétés des plantes, d’obtenir de bon résultats, et souvent gratuitement. lien

Il leur faudra de la patience, et de la perspicacité, car l’on compte 333 plantes médicinales traditionnelles, sur les 4900 espèces de plantes présentes en France. lien

N’hésitez pas à vous rendre sur ce site pour faire vos premiers pas… ou aller sur celui-là.

Comme dit mon vieil ami africain : « la brousse est plus forte que l’éléphant  ».

L’image illustrant l’article est de musee-grande-chartreuse

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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