Des éleveurs chassent la mauvaise graisse

par Chansiaux
lundi 26 juin 2006

Aux portes de Rennes, des éleveurs produisent un lait naturellement riche en acides gras oméga3. Pour y parvenir, ils exploitent les vertus du lin et de la luzerne, aliments traditionnels.

Dans la nature, la vache donne le meilleur de son lait lorsqu’elle broute de l’herbe. Les connaisseurs le savent, le lait d’été fait les meilleurs fromages et le bon beurre. Aujourd’hui, les scientifiques confirment le bien-fondé de cet empirisme. La composition des lipides animaux est toujours dépendante de l’alimentation qu’ils reçoivent, affirment-ils, analyses à l’appui. Le lait des vaches qui se repaissent d’herbe contient plus d’acides gras « oméga 3 » que celui de vaches nourries au maïs et moins d’acides gras « oméga 6 ». La composition de notre alimentation en ces acides gras est déterminante pour notre santé. Les nutritionnistes recommandent un rapport « oméga 6 / oméga 3 » voisin de 5 et un apport en oméga3 de 2 g par jour pour un adulte (OMS-AFSSA). De 1960 à 2000, notre consommation journalière par adulte et par jour est passée de 78g à 105g d’acides gras, principalement par augmentation des huiles végétales (15%) et des produits laitiers (6%). Malgré cette augmentation,  nous ne consommons que 0,15 à 0,2 g d’oméga3 quotidiennement et notre rapport alimentaire « oméga3 / oméga 6 » s’est élevé de 5 à 12 pour les acides gras totaux et de 6 à 23 pour leurs précurseurs ! Cette détérioration entraîne de nombreuses conséquences funestes sur notre santé et serait à l’origine de l’obésité infantile précoce. Le fameux rapport dans le lait maternel est passé de 5 à 20 en 20 ans ! Celui du profil moyen des lipides végétaux consommés en France est de 32 ! Et celui du lait d’une vache nourrie au maïs de 8 ! A l’origine de ce déséquilibre, la surconsommation d’huile de tournesol (au détriment du colza) et l’industrialisation de l’élevage autour du modèle maïs-soja.

A Vern-sur-Seiche, dans la banlieue de Rennes, des éleveurs comme Claudine et Albert Richomme, ont bien compris l’enjeu de santé publique de l’agriculture. Avec dix autres collègues, ils se sont engagés dans la production de lait naturellement riche en oméga 3. Pour que leurs vaches produisent toute l’année cette qualité de lait, Claudine et Albert complètent l’alimentation de leur troupeau avec un produit à base de lin et de luzerne lorsque l’herbe se fait rare. C’est-à-dire de fin août à début avril. La graine de lin contient 190 g d’acides oméga3 au kilo. Une substitution de 5% du soja au profit d’un produit à 58% d’oméga3 dans les acides gras totaux permet d’obtenir un lait contenant 1,2 % des lipides sous forme oméga3 et dont le rapport « oméga3 / oméga6 » est inférieur à 4. La démarche des Richomme s’inscrit dans l’initiative de leur coopérative Coralis. Dès 2004, elle décide de se lancer  dans la fabrication de beurre demi-sel, riche en oméga 3. Chaque semaine sous la marque Agrilait, elle en produit une tonne. La relance de la culture du lin est le fait de l’association Bleu-Blanc-Cœur, reprenant à son compte les recherches qui ont prouvé les effets positifs des oméga3 sur la fertilité des animaux, leur immunité et leur vigueur. En 1999, les chercheurs prennent un virage vers la nutrition humaine et confirment l’excellente assimilation par l’homme des oméga3 élaborés par les animaux (lait, œuf, viande porcine et bovine) et leur meilleure saveur, révélée par l’analyse sensorielle.

 

Ces projets sont révélateurs du renouveau de l’agriculture vers plus d’autonomie, plus de traçabilité, plus de responsabilité. Les Richomme ne font qu’appliquer des principes agronomiques de bon sens que la modernité des années soixante-dix avait balayé. Depuis une dizaine d’années, la vache folle est passée par là et bien des éleveurs en ont tiré des leçons. La plus simple, la plus évidente : des animaux bien nourris donnent de bons produits. Avec une production de 200 000 litres de lait par an, les Richomme sont de petits éleveurs. Mais heureux. Si la ration de leurs vaches « lin - luzerne » leur coûtent plus cher que du maïs et du soja, la bonne santé de leur animaux leur évite des frais vétérinaires. Leur lait est mieux payé. Ils estiment que leur marge brute est de 5% supérieure à ce qu’elle était avant cette conversion. Au final, le bilan est positif. Pour le consommateur aussi.


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