Epidémie de bêtise
par Alain Hertoghe
mardi 15 novembre 2005
Ce lundi, dans une pharmacie du centre de Paris, un homme âgé s’est présenté avec son ordonnance pour acheter son vaccin antigrippal. Il avait rendez-vous l’après-midi même avec son médecin traitant pour être vacciné. L’air dépité, son pharmacien lui a répondu qu’il était en rupture de stock, et qu’il ne savait pas si ni quand il aurait de nouvelles doses... Si cet homme meurt cet hiver d’une mauvaise grippe, qui en sera responsable ?
La population à risque, menacée par la grippe saisonnière (personnes âgées, certains malades), va être en effet en partie privée de vaccins cette année, en raison de la psychose née de l’apparition de la grippe aviaire. Les gens se sont précipités chez leur médecin pour se faire non seulement prescrire le médicament antiviral Tamiflu (adapté au virus H5N1), mais également le vaccin antigrippal saisonnier (inefficace dans le cas du virus H5N1)... Du coup, les pharmacies sont en rupture de stock.
Après le décès de 15 000 personnes âgées durant la canicule de l’été 2003, va-t-on assister à une nouvelle hécatombe durant l’hiver 2005 ? Il y a de sérieuses raisons de le craindre car, même les années où les vaccins sont disponibles en nombre suffisant, 1 500 à 2 000 personnes, parfois plus, décèdent de la grippe saisonnière.
Qui sera montré du doigt, si le drame advient ? Ce sera, bien sûr, haro sur le gouvernement, les laboratoires et les médias. Pourtant, le ministre de la santé, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et les médias ont fait leur travail de prévention à temps, et de manière sérieuse. Encore faut-il que les citoyens prennent la peine d’écouter et de lire les informations mises à leur disposition. Encore faut-il qu’ils écoutent ce que leur disent leurs médecins et leurs pharmaciens.
Quant aux médecins qui cèdent à leurs patients, de peur que ceux-ci aillent voir un confrère, et qui excusent leur lâcheté mercantile en rejetant la faute sur les médias, ils ne font pas - et c’est un euphémisme - honneur à leur profession...
Concernant les laboratoires, que la rumeur accuse déjà d’avoir alimenté la psychose dans une logique cynique de profit, restons sérieux ! Ils seraient d’office accusés de ne pas avoir su répondre à la demande et d’être responsables de l’éventuelle surmortalité...
Non, en réalité, les premiers responsables de l’hécatombe annoncée seront bien les affolés chroniques, et leurs médecins complaisants.