« J’ai la mémoire qui flanche... »

par Voris : compte fermé
vendredi 22 septembre 2006

Qu’y a-t-il de commun entre Rita Hayworth, Charlton Heston, Jean-Jacques Servan-Schreiber, la reine Juliana des Pays-Bas, Ronald Reagan et Annie Girardot ? Ce sont tous des victimes de la redoutable et incurable maladie d’Alzheimer. Hier, jeudi 21 septembre 2006, se déroulait la 13e Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, l’occasion de faire le point sur cette terrible maladie et sur ses conséquences mais aussi sur les progrès de la recherche.

Si la revue Paris-Match, en publiant le témoignage de la fille et de la petite-fille d’Annie Girardot, qui souffre de cette maladie depuis trois ans, nous émeut, ce sont de plus en plus de familles qui ont à connaître au quotidien les ravages de cette épidémie sur les malades et sur elles-mêmes.

1 - Présentation générale : L’association France Alzheimer a organisé les rencontres en divers points du territoire français hier. Créée en1985, par des familles de malades et des professionnels des secteurs sanitaire et social, elle s’est fixé pour objectifs de soutenir les familles de malades, d’informer l’opinion et les pouvoirs publics, de contribuer à la recherche, de former les bénévoles et les professionnels de santé. Principal interlocuteur reconnu des pouvoirs publics pour son expertise sur la maladie d’Alzheimer et sa prise en charge, elle a pour cette « 13e Journée mondiale » mobilisé ses quelque 100 associations départementales avec ses 3000 bénévoles sur le thème : « Ne restez pas seuls face à la maladie d’Alzheimer ». Ce fut l’occasion d’une opération journée « Portes-ouvertes » inédite.

2 - Où en est-on dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer ?
En juillet 2005, un rapport parlementaire sur la maladie d’Alzheimer parlait de « négligence » des pouvoirs publics en termes de recherche. Un premier Plan Alzheimer couvrait la période 2001-2005. Mais des crédits non fléchés avaient été détournés des affectations prévues ! Un deuxième plan, pour 2004-2007, est assorti cette fois de la garantie formelle de Douste-Blazy, alors ministre de la santé, que cela ne se reproduira pas. Dix objectifs sont fixés dont la création de 13 000 places d’accueil de jour et temporaire d’ici à 2007. Mais l’association France Alzheimer pointe le rôle insuffisant de l’État pour lequel cette maladie reste encore un sujet tabou alors qu’il s’agit d’un vrai problème de santé publique. Pour d’autres, il manque encore une solution sanitaire pour les périodes de crise aiguë des malades (hospitalisation en urgence en structure sanitaire adaptée).
Plan Alzheimer

3- Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ?
La maladie d’Alzheimer est une maladie dégénérative du cerveau, qui débute autour de la quarantaine. Elle est liée à la production anormale de la « protéine bêta-amyloïde ». Les symptômes mettent plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années avant d’apparaître : détérioration progressive des fonctions cognitives, perte de la mémoire récente (une lésion de l’hippocampe rend incapable de former de nouveaux souvenirs). Les lésions se diffusent ensuite pour atteindre le raisonnement, puis le langage. Des troubles du comportement viennent s’associer.

4 - Des chiffres alarmants :
La maladie touche 25 millions de personnes dans le monde, et, en France, 850 000 selon les chercheurs de l’INSERM (si l’on inclut les pathologies apparentées). La maladie frappe 5 % des plus de 65 ans, 25 % des plus de 80 ans. Les estimations françaises chez les plus de 75 ans sont de 13,2% pour hommes et 20,5% pour les femmes. Chaque année, 110 000 nouveaux cas apparaissent. En incluant l’entourage familial, très éprouvé, c’est au moins 3 millions de personnes qui sont directement concernées en France. Environ 65 000 décès sont dus à cette maladie chaque année. Selon les prévisions démographiques de l’INSEE et faute de progrès significatifs de la recherche, on estime que près de 1,3 million de personnes seront atteintes d’Alzheimer en France d’ici 2020.

(Source : Étude paquid menée par l’équipe du Professeur Jean-François Dartigues, INSERM Bordeaux.)

5 - La recherche sur la maladie d’Alzheimer :

La piste médicamenteuse :
Les médicaments existants agissent sur les symptômes et non sur la maladie. Ils sont d’autant plus efficaces que la maladie est dépistée tôt. Or, le problème actuel est l’absence de test biologique de dépistage précoce. Quand les signes psychiques de la maladie apparaissent, beaucoup de neurones sont déjà perdus ! Les médicaments permettent cependant de ralentir la dégradation et la recherche médicale s’efforce d’affiner l’utilisation de ces médicaments et d’inventer de nouveaux médicaments plus efficaces qui devraient arriver d’ici à un ou deux ans sur le marché. Il y a aussi des recherches prometteuses en immunothérapie.

La recherche sur le contrôle des facteurs de risque :
Le but est de combattre les facteurs de risque qui favorisent l’apparition précoce de la maladie : les lésions liées au vieillissement, fragilité des neurones, obésité, hypertension, excès de cholestérol. Ces recherches visent aussi à promouvoir les facteurs qui en retardent l’expression. Des travaux ont montré que la réduction des facteurs de risque vasculaires, en particulier de l’hypertension artérielle, réduisait fortement l’incidence des démences. Selon Le Figaro, une étude prospective hollandaise a montré que le taux sanguin de deux protéines est modifié chez les personnes qui souffriront ultérieurement d’une démence. Aura-t-on bientôt un test de dépistage précoce de la maladie d’Alzheimer ?


La piste du vaccin :
En 1999, un chercheur américain, Dale Schenk, a eu l’intuition d’utiliser le principe de la vaccination. Après des tests concluants sur la souris, l’essai a été arrêté parce que des patients avaient développé des encéphalites. Actuellement, au moins cinq essais thérapeutiques sont en cours chez l’homme.

6 - La prise en charge de la maladie :

-Le coût financier s’élève, pour les dépenses strictement médicales, à 5731€ par malade. (Total estimé à 1 milliard d’euros par an, dont 97% pris en charge par l’assurance maladie) et pour les dépenses médico-sociales à 16 307€ par malade. Au total un malade représente 22 099 € de dépenses annuelles. L’APA (allocation personnalisée d’autonomie) couvre une grande part des frais engagés, mais 55% de ces dépenses restent à la charge des familles.

-Soutenir le malade : Très souvent, ce sont les malades qui découvrent leur pathologie avant tout le monde. Et ils sont conscients d’être atteints d’une pathologie grave. Mais, bien qu’atteints de cette maladie neurodégénérative, ils ont besoin d’être entendus et associés aux décisions les concernant.
Citons une expérience locale : Alzheimer Haute-Savoie a créé les «  instants d’accueil », moments de rencontre et d’expression pour les malades. (contact : Tel 04 50 51 49 14. email : hautesavoiealzheimer@noos.fr)

-Soulager les familles : Vivre avec un malade d’Alzheimer demande un effort et une vigilance de tous les instants. Le malade oublie les rituels du quotidien, devient incontinent, peut fuguer ou errer dans la maison et provoquer un accident. Il requiert de l’aide pour la toilette, les repas. À un stade plus avancé de la maladie, il peut avoir des difficultés à respirer, peut s’étouffer. L’aménagement du domicile s’impose.

Le lien familial et social est donc mis à l’épreuve. Les aidants se sentent désemparés face à l’être aimé qui ne les reconnaît plus, devient irascible, distant voire violent. Ils se sentent isolés. L’entourage d’un malade d’Alzheimer est presque toujours frappé de troubles liés à la fatigue physique et mentale. Selon une étude de 1999, le taux de morbidité chez les sujets aidant un patient est majoré de 63% par rapport à un sujet non aidant. (Schulz R., Beach SR, Caregiving as a risk factor for mortality : the caregiver health effects study, 1999).

Citons cette expérience locale d’accueil de jour conviviale : le centre Amista du Centre hospitalier d’Aubagne accueille en journée des personnes atteintes de maladies cognitives. Les pensionnaires, que l’on appelle des « amis », doivent se sentir « comme à la maison ». Un autre centre Amista s’est ouvert à La Ciotat. (Contact : Association Accueil amitié Alzheimer, tél : 06.22.32.18.84 ; http://www.amista-alzheimer.com)

-Former les professionnels : Un réel effort de formation des professionnels s’impose. Alzheimer est une pathologie de la communication. Les soignants n’y sont pas préparés et « chosifient » beaucoup trop vite la personne, ne lui parlant plus.

A Longny-au-Perche (Orne), les salariées de la maison de retraite et de l’association d’aide à domicile ont été formées, ensemble, aux techniques de massage. Un moyen de communiquer avec les malades. Le toucher est le dernier support de communication, c’est ce qui reste jusqu’au bout, même en stade de fin de vie. Cela éveille les sentiments, rappelle des souvenirs, restitue chez les malade la perception normale de leur corps.
(Contact Maison de retraite La Providence, tél. : 02.33.73.63.02.)

Autres expériences locales notables : le travail en réseau autour de la personne associant les familles, avec accueil de nuit. (Hôpital local de Mortain, dans la Manche : Contact : 02.33.69.21.00), les programmes d’animations pour stimuler la mémoire et l’activité mentale et sensorielle des pensionnaires (maison d’accueil du château d’Ay dans la Marne. tél. : 03.26.51.02.51), l’accueil en petites unités de vie (Maison de retraite spécialisée de Nègrepelisse, tél. : 05.63.25.02.90)

Il faut donner la parole aux malades et aux aidants et ne pas se limiter aux aspects médico-biologiques. Si le malade vit normalement, dans un environnement où il peut s’adapter facilement, son état va s’améliorer. C’est-à-dire, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, que l’on va noter une absence de dégradation. Il s’agit d’essayer de réhabiliter le malade en tant que personne, de l’écouter, de lui permettre de dire ce qu’il n’arrive pas à dire.

P.S (1) : On t’aime Annie !
P.S (2) : La photo prise chez Annie en 1989 est mon hommage au sculpteur et ami Claude Kuster ( Tarn ) disparu en 2004. Photo se trouvant sur le site de Valérie, nièce du sculpteur : http://univerval.free.fr/univerval.html

Sources Internet :

Association France Alzheimer
Fondation nationale de gérontologie
Le site de l’unité Inserm 442, à Lille
Le site du service de neurologie de l’hôpital Gui-de-Chauliac à Montpellier
Un site créé par des malades à l’attention d’autres patients et de leurs aidants
Une liste de discussion francophone
Un bottin des sites internet
Un site d’information et d’échangessur la maladie d’Alzheimer, soutenu par les laboratoires Eisai et Pfizer

Quelques Articles de journaux et revues :

- A Ivry, des malades d’Alzheimer retrouvent le goût de la vie : Le Monde 21/09/05 p10

- Maladie d’Alzheimer. Des inégalités dans la prise en charge, Gazette des communes du N°35/1805 du 19 septembre 2005 p.20

- Mise en œuvre du plan Alzheimer, Travail Social Actualités du 29 avril 2005 p.5

- Dossier spécial Alzheimer : Gazette santé social n°11 de septembre 2005

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