Justice : guerre interne chez les masseurs-kinésithérapeutes

par Trombone 59
mardi 3 mars 2009

 20 masseurs-kinésithérapeutes de Haute-Garonne assignés en référé au tribunal de grande instance pour … exercice illégal.
Ils sont donc 20 (10 salariés et 10 libéraux) à avoir été tirés au sort parmi une longue liste (plus de 485 collègues du même département) pour servir d’exemple (nos anciens apprécieront…) et intimider bon nombre de leurs collègues de toute la France dans la même situation.
 
Qu’ont-ils fait de si grave pour qu’une procédure de référé soit mise en place ? Ils sont tous en possession de leur diplôme et n’ont pas commis de fautes professionnelles. Ils soignent même depuis longtemps avec sérieux et professionnalisme.
 
 Que leur reproche-t-on ?
 
 Ces masseurs-kinésithérapeutes (MK) ont le tort de contester leur conseil de l’ordre et sont en défaut d’inscription auprès de ce nouvel organisme, créé en 2004 et imposé à cette profession depuis 2006.
 
 Ces procédures judiciaires ont débuté au printemps 2008 et c’est le président du conseil départemental de l’ordre (CDO) du Finistère qui a ouvert les hostilités en portant plainte contre environ 200 MK de ce département breton. Ces professionnels de la santé ont subi l’humiliation d’une audition, souvent même sur leur lieu de travail.
 
 Depuis la mise en place de ce conseil de l’ordre, le code de la santé publique impose l’inscription à son tableau afin d’exercer cette profession (article L.4321-6). Cette structure ordinale est un organisme privé à mission publique et à ce titre, la totale autonomie financière oblige les professionnels de s’acquitter d’une cotisation annuelle obligatoire.
 
 La majeure partie des MK, au début de cette histoire, n’avait pas de véritable opinion sur cet ordre, réclamé par une minorité (contrairement à ce qui se dit au sein des instances ordinales).
 
 Ce qui a d’abord fait réagir la profession, c’est l’instauration d’une première cotisation très élevée (une des plus élevée de toutes les cotisations ordinales, comparativement aux salaires. Puis les MK salariés ont commencé à se poser des questions sur le rôle d’un tel organisme à leur niveau, les MK exerçant dans la fonction publique hospitalière par exemple ayant déjà des procédures disciplinaires.
 
 Progressivement s’est installé un gros doute sur l’utilité d’une structure ordinale dans sa conception actuelle. Celle-ci, loin d’insuffler un certain modernisme non corporatiste, conserve les aspects surannés de ce genre d’institution.
 
 Elle semble même s’inspirer de son grand frère, le conseil de l’ordre des médecins. On retrouve par exemple un code de déontologie « copier-coller » à celui des médecins et difficilement applicable pour les MK salariés ainsi qu’un fonctionnement à 3 niveaux (départemental, régional et national) source de dépenses financières.
 
 Le conseil de l’ordre, arguant en permanence que « la loi, c’est la loi », se présentant comme le garant de l’honneur, de la probité de la profession, laisse planer une certaine opacité sur son fonctionnement : arrangements internes lors des élections, indemnités substantielles, bureaux parisiens somptueux au loyer mensuel dépassant les 35000 euros, un rapport financier publié en février 2009 pour l’exercice 2006 et 2007,…
 
 De plus, ils refusent catégoriquement toutes discussions avec les MK « contestataires », certains apportant pourtant des éléments constructifs en vue d’une sortie de crise (un syndicat de MK salariés et libéraux s’est créé sur la base des différends avec l’ordre. Celui-ci est d’ailleurs en passe de devenir l’un des plus représentatifs de cette profession !).
 
 Loin d’avoir fait la démonstration de son efficacité, le conseil de l’ordre des MK ne semble pas être l’organisme capable de résoudre les différentes attentes de ces professionnels (reconnaissance financière, études,…). Il a été créé essentiellement pour « gérer » une profession à la place de l’Etat, ce dernier gardant toujours une certaine emprise…
 
 Tout ceci permet d’expliquer en grande partie l’amertume d’une grande majorité des MK obligés de « payer pour travailler » dans une période économique difficile.
 
 Attendons maintenant de voir les réactions des infirmières qui, elles aussi, ont dorénavant un conseil de l’ordre. Tout comme les MK en 2006, les infirmières n’ont pas encore vraiment conscience de son existence le taux de participation aux premières élections en avril 2008 était de 13.7% !). Le montant des cotisations n’a d’ailleurs toujours pas été établi…
 
 Certes, le nombre d’infirmières est bien supérieur à celui des MK mais son budget de fonctionnement reste lui aussi proportionnel.
 
 L’exemple des MK servira-t-il et les conseillers ordinaux infirmiers éviteront-ils de commettre les mêmes erreurs que leurs confrères masseurs-kinésithérapeutes ? Sinon, les avocats peuvent se réjouir, ces crises internes risquent de les occuper un certain temps.
 
 A quand un conseil de l’ordre des plombiers, des bûcherons, des jardiniers et des marchands de frites ?

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