L’Epitomax ou l’hypocrisie des coupe-faim
par Pharmafox
jeudi 15 septembre 2011
Fin août, l’AFSSAPS lance l’alerte : après le Médiator, c’est l’Epitomax1 qui est détourné pour être utilisé comme coupe-faim. Mais l’Epitomax est un médicament dangereux : destiné à traiter l’épilepsie, et agit notamment sur le cerveau. Pour autant, le laboratoire qui le fabrique n’est pas en cause. Retour sur l’hypocrisie des coupe-faim.
Trop manger : une réalité complexe
Les personnes qui croient tout avoir s’empressent souvent de fustiger les obèses : « Ils n’ont qu’à faire du sport et manger moins ». Les choses sont loin d’être aussi simple, croyez-en quelqu’un qui lutte contre sa bouée.
Sur le plan physiologique, tout d’abord, une personne obèse est une personne qui a trop mangé, trop longtemps, trop régulièrement. Son organisme est déréglé :
- L’estomac est dilaté, avec pour conséquence qu’il n’est jamais plein et donc que l’on continue d’avoir faim ;
- Ses cellules adipeuses, celles qui stockent la graissent, sont accoutumées. Lorsqu’un obèse perd du poids, il a tendance à le regagner très vite car ces cellules vont reconstituer les réserves perdues ;
- Ses hormones sont perturbées. Principalement, le patient est devenu insensible à la Leptine, l’hormone de la satiété.
Pour être complet, il convient d’ajouter que la nature ne nous rend pas tous égaux vis-à-vis de l’obésité. Par exemple, les personnes qui ont un faible métabolisme brûlent moins de calories, ont donc moins de besoin et doivent manger beaucoup moins.
Sur le plan psychologique, la paresse n’explique pas grand chose. Oui, c’est vrai, surveiller son poids se présente souvent comme de grande lignes directrices agrémentées d’une somme indéfinie d’exceptions sociales (dîner de famille…) et psychologiques heureuses mais surtout malheureuses : dispute, deuil, défaite de l’équipe de France de football (épidémie en vue).
En fait, les chercheurs sont en train de découvrir que dépression et obésité sont intimement liées2,3. Le patient est déprimé et se réfugie dans la nourriture. Il a une si mauvaise image de lui-même qu’il n’a aucune raison de soigner son apparence. Il est trop démotivé pour faire du sport. Etc.
L’échec des coupe-faim
La seule solution radicale, efficace mais précaire, ce sont les opérations gastriques. Leur principe est d’opérer pour réduire la taille de l’estomac (anneau gastrique), et modifier le trajet de la nourriture (court-circuit gastrique). La perte de poids est alors spectaculaire (voire dangereuse) et les hormones doivent s’adapter à leur tour, avec d’autres effets dangereux. Lorsque l’opération inverse est effectuée, c’est à dire lorsque l’on annule le résultat de la première car le patient a perdu suffisamment de poids, les hormones font une nouvelle fois le yoyo, mais le patient redevient rapidement obèse.
Trouver un remède miracle contre l’obésité est un sorte de graal de l’industrie pharmaceutique, qui explore 2 pistes :
- La piste métabolique ;
- La piste cérébrale.
La piste métabolique consiste à agir sur les hormones, la piste cérébrale cible le fonctionnement du cerveau. Toutes deux ont engendré un nombre impressionnant d’échecs ou de fausses victoires, à causes de leurs effets secondaires (un euphémisme pour « dommages collatéraux »).
Des échecs comme l’Accomplia : Sanofi-Aventis avait énormément misé sur ce produit qui ciblait des récepteurs dans le cerveau. Le produit est certes efficace. Mais comme tout ce qui touche au cerveau, il a des effets psychologiques. En 2008, Sanofi abandonne le produit, qui cause des dépressions4. L’aventure coûtera sa place au dirigeant de l’entreprise, Gérard Le Fur5.
Des échecs comme le Meridia (ou Sibutral, ou Reductil) : Ce médicament qui fonctionnent sur les mêmes cibles que les antidépresseurs provoquait des problèmes cardiaques et a du être retiré du marché6.
Des fausses victoires comme l’Alli : l’Alli agit sur le métabolisme, en l’occurrence sur l’absorption des graisses dans l’organisme. Comme elles ne sont pas absorbées, ces graisses sont évacuées. Je ne citerai que les diarrhées, mais la liste et la description des effets secondaires suffirait elle-seule à couper l’appétit (c’était peut-être l’objectif initial ?). Pour éviter toute mise en danger, le patient doit suivre un régime assez strict, ce qu’il pourrait faire en se passant du produit7.
On peut encore citer le Zyban, l’Isoméride ou la Phentermine, sans parler du Qnexa (mélange de phentermine et de topiramate, c’est à dire d’Epitomax). Remettez-moi un peu d’Escherichia Coli docteur, je veux être enterré dans une enveloppe.
Aujourd’hui, la recherche explore les possibilités au niveau de la Leptine et de la Ghréline (hormone de l’appétit),
Détourner les médicaments : une tentation de patients
Ainsi donc, les médicaments développés contre l’obésité ne fonctionnent pas. Mais des petits malins ont eu une autre idée. Pourquoi ne pas utiliser des médicaments dont un effet secondaire est de faire perdre du poids ? En tête de liste viennent les laxatifs et les vomitifs (et il est d’ailleurs connu que les patients anorexiques se font vomir). Mais avoir un fil de gerbe aux lèvres et une tâche brune au pantalon, ce n’est pas très glamour (je vous ai parlé de l’Alli ?).
La deuxième technique, ce sont les produits qui coupent l’appétit, a tort ou à raison. A raison dans le cas de l’Epitomax, puisqu’il fait bien perdre du poids. A tort pour le Mediator, puisqu’aucune étude scientifique ne prouve qu’il est efficace.
Seulement voilà : ces produit aussi ont leurs effets secondaires. Ce ne sont pas les laboratoires qui les vendent comme tels. Non. C’est la rumeur, le bouche-à-oreille. C’est tel patient qui dit à tel autre qu’il a perdu du poids grâce à la Ritaline8.
C’est tel magazine féminin qui fait un article sur ces vilains coupe-faim-oh-qu-ils-sont-dangereux-et-on-vous-donne-toute-la-liste-pour-être-sûr-que-vous-ne-vous-faîtes-pas-prendre-même-que-si-vous-être-assez-conne-pour-en-prendre-quand-même-la-rédaction-niera-avoir-eu-connaissance-de-ce-qu-elle-publiait-et-de-toute-façon-le-temps-que-votre-cœur-vous-lâche-vous-aurez-jeté-cet-article (et flûte, je viens de faire pareil) 8 aussi.
C’est tel forum de discussion, de ceux où les patients ne comprennent pas pourquoi ils ont des problèmes de cholestérol alors qu’ils prennent bien la dose mensuelle de Lipitor (mais en une fois), où xxffdqi95 vante d’avoir perdu 16 kilos grâce à une infusion de cocaïne, de graisse de phoque et de cisplatine (un médicament utilisé dans les chimiothérapies) 8, ah ben encore.
Amis obèses, soyons enfin francs avec nous-même : aucun médicament ne guérira personne de l’obésité. L’obésité est un combat, une lutte. C’est aussi un état physique qui provoque des maladies, pas une maladie en soi. L’obèse a besoin de soutien moral pour affronter les vicissitudes de son existence, doublée d’une autorité ferme pour ne pas succomber aux tentations.
1. L’Epitomax détourné pour maigrir : l’AFSSAPS lance l’alerte, Jean-Philippe Rivière, Doctissimo, 29 Août 2011
2. Obesity and depression or anxiety, Atlantis E & al., British Medical Journal, 6 Octobre 2009
3. Overweight, obesity, and depression : a systematic review and meta-analysis of longitudinal studies, Luppino FS & al., ives of general psychiatry, Mars 2010
4. Rimonabant, Wikipedia
5. Les quatre plaies de Sanofi-Aventis, Chloé Hecketsweiler, L'Expansion, 22 Décembre 2008
6. Sibutramine, Wikipedia
7. Orlistat, Wikipedia
8. Sujet : Coupe faim, amphétamines et ritaline…., Elfi13, Forum.doctissimo, 17/ Octobre 2008