L’espérance de vie : un indice peu fiable ?

par Wakka
samedi 25 juillet 2009

Donnée statistique parmi les plus utilisées au monde, l’espérance de vie moyenne d’une population est censée signifier le niveau de développement d’un pays ou d’une région, in extenso mesurer la qualité de vie des autochtones. Pas sûr qu’il faille donner tout ce crédit à cette mesure scientifique...

D’après un rapport de l’OMS paru fin mai 2009, c’est (*roulement de tambours*) au Japon que l’espérance de vie moyenne est la plus élevée. "Une petite fille née au Japon, commente l’Associated Press, célèbrera problablement son 86e anniversaire." Derrière, les principautés d’Andorre et Saint-Marin font bonne figure, aux côtés des régions administratives d’Hong-Kong et Macao, autonomes quoique rattachées à la Chine.
 
Focalisons-nous sur le Japon. Réputé pour abriter le plus grand nombre de centenaires (notamment sur son île d’Okinawa), l’archipel est la deuxième puissance économique mondiale. Un tel classement tend-il à "valider" la statistique de durée de vie des ressortissants ? La corrélation existe, c’est une certitude, mais elle ne coule pas de sources : les USA, première puissance économique mondiale, ne s’établissent ainsi qu’au 45e rang mondial en terme d’espérance, avec une moyenne légèrement inférieure à 80 ans. Un premier indice qui laisse entrevoir la relation ambigue entre le développement d’un état et la qualité de vie qu’il est susceptible d’offrir.
 
D’autres statistiques viennent mettre à mal la portée de l’EV. Le taux de suicide, notamment. Au Japon, il est de 24 pour 100 000 habitants (données 2004), ce qui en fait le 8e pays le plus affecté au monde. Dans ce classement peu glorieux, les premières places sont ’trustées’ par des pays ayant appartenu au bloc soviétique : Lituanie (39 suicides pour 100 000 habitants, un record !), Biélorussie, Kazakhstan, Hongrie, Ukraine...
 
L’augmentation du nombre de cancers est une autre donnée significative. Le cancer est une maladie aux origines encore nébuleuses, en tout cas multiples (et la maladie elle-même prend diverses formes). Sa naissance semble liée avant tout à l’hygiène de vie, une autre notion floue regroupant, pêle-mêle : l’alimentation, l’environnement, la consommation de tabac ou de stupéfiants, etc., soit autant de facteurs qui influent plus ou moins chez les personnes, selon leur âge, les capacités de leur système immunitaire, ... Toutefois, la relation entre la création par l’organisme de cellules cancéreuses, et l’état psychologique de l’individu est, sans être avérée, fortement considérée par les spécialistes. 
De deux choses l’une : d’abord l’OMS admet que l’évolution du nombre de cancer dans les pays développés va exponentielle (au Japon, le cancer de l’estomac représente la 6e cause de mortalité, selon l’organisme) . En est-il de même dans les pays en voie de développement ou pauvres ? C’est la première question. Ensuite, le taux de cancer est particulièrement élevé dans les civilisations contraintes d’adopter notre mode de vie : les indiens d’Amérique du Nord parqués dans des réserves, les Inuits au Canada forcés de quitter leurs terres arctiques, les peuples des déserts contraints d’assurer leur subsistance dans les villes... Un constat qui, bien sûr, fustige la politique des états envers ces civilisations, mais met en cause aussi, directement, notre propre mode de vie.
 
 
Une telle réflexion suscite une interrogation profonde autour du calcul de l’Espérance de vie. Une remise en cause non pas scientifique... mais bel et bien philosophique. Car ce calcul trahit la faiblesse mathématique. Mathématiques qui, s’ils peuvent déterminer aisément une quantité, peinent à saisir et mesurer la notion de qualité.
Or, ne cherche-t-on pas à vivre le mieux possible, et non pas le plus possible ?
L’Espérance de vie a ceci de traître qu’elle sous-entend mesurer la qualité de notre existence, le confort de notre société. Quelle motivation à vivre longtemps si c’est pour être soumis à plus de maladies, vivre qui plus est une vieillesse "scénilisante" nous privant de notre indépendance, parfois même de notre dignité.
 
L’homme est-il destiné à vivre aussi longtemps ? N’est-il pas plus enviable de vivre moins longtemps, mais plus sainement ?
L’espérance de vie, en fait, est un calcul tronqué, "validant" notre mode de vie (l’EV progresse d’année en année) alors qu’il n’est pas apte à nous épanouir. Tronqué, car incomplet : son utilité serait en effet avérée s’il était confronté à une autre donnée, consacrée exclusivement à la qualité de nos vies. Exercice complexe, qui pourrait toutefois prendre en compte le taux de suicide, bien sûr, mais aussi le nombre d’individus affectés par des maladies d’origine non-virales, le nombre de patients pris en charge pour dépression, le taux ’d’addiction’ d’une population (l’addiction ne se résumant pas à la dépendance à l’alcool, au tabac et aux drogues), etc.
 
Et nous nous apercevrions peut-être alors que, dans nos pays développés, la durée de la vie ne garantit pas sa qualité. Mais cela, est-on prêt à l’entendre ?
 

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