L’éthique de la génétique
par Mikaël Cabon
jeudi 4 mai 2006
La meilleure hygiène de la population, le soin apporté à une nourriture diversifiée, et l’apparition des vaccins, et par là l’éradication d’un certain nombre de maladies, la variole par exemple, et au-delà l’ensemble des progrès de la médecine, permettent une augmentation considérable de l’espérance des vie des populations pour lesquelles ces règles et ces progrès sont accessibles. Et ceci en l’espace de moins de cinquante ans. Les travaux sur la génétique interviennent dans ce contexte général de reflux des maladies infectieuses et virales. La génétique se pare alors de beaucoup d’atours ; son développement présumé et les perspectives qui l’entourent peuvent paraître quasi miraculeux.
Le début de la génétique vient avec Gregor Mendel au XIXe siècle, qui met en avant le principe de l’hérédité. L’autre évolution majeure vient avec la découverte de Watson de la société ; la tendance à l’individualisme, avec une montée en puissance des expérimentations scientifiques, force au questionnement éthique.
Plusieurs évolutions majeures proviennent du génie génétique.
-le diagnostic pré-implantatoire. Cet examen effectué avant la fécondation in vitro permet de sélectionner, de trier des embryons, afin de n’implanter que des embryons sains. Il est utilisé par exemple dans le cadre de la chorée de Huntington. Cette maladie se déclare vers l’âge de 40 ans chez les porteurs. Elle conduit à la mort par démence, et se caractérise par les symptômes de la maladie de Parkinson, d’Alzheimer et de la sclérose latérale réunis chez une même personne. Son caractère autosomique dominant rend la maladie inéluctable. Au-delà de la question de la personne touchée se pose celle de la reproduction. Dans notre société, chacun dispose du droit à avoir un enfant. Cette reproduction est même encouragée, privilégiée, soutenue financièrement, socialement, culturellement. Dans les faits, moins de 10%, en ne comptant pas les couples infertiles, de la population en capacité de procréer ne le fait pas. Cependant, pour un porteur de la chorée de Huntington, ou qui en perçoit le risque parce que l’un de ses parents est touché, la responsabilité est grande, et le questionnement dantesque : dois-je essayer de donner la vie quand, ce faisant, je peux condamner mon enfant à mourir dans d’atroces souffrances ? Face à ce dilemme, la science a considérablement avancé grâce à la génétique de la potentialité de la maladie, et le résultat aussi. Alors enceinte, la femme est confrontée à des moments de tensions psychologiques que l’on peut aisément qualifier d’effroyables. La décision appartient alors aux parents de continuer la grossesse ou pas...
- pour des raisons éthiques. Or, dans ce cas de dépistage positif, l’on sait que 95% des décisions sont de procéder à une interruption médicale de grossesse (IMG). N’existe-t-il pas alors une dérive eugéniste, dangereuse sur bien des points, et surtout illégale en l’espèce en référence au droit français ?
- pour des raisons de fiabilité. La génétique a réalisé d’énormes progrès, mais elle ne peut pas tout. Sur le cas du diagnostic pré-natal généralisé, sur lequel le Comité consultatif national d’éthique a donné un avis, près de la moitié des cas, en raison de la multiplicité des variantes de la maladie, passeraient au travers de cette recherche. Impossible donc de promettre avec certitude la non-apparition de la maladie.
- pour des raisons organisationnelles. Le consentement des individus, en l’occurrence ici, les parents, est obligatoire pour débuter le dépistage. Cela suppose non seulement que les parents soient informés de manière claire, précise et loyale, mais aussi que le personnel soignant soit formé en conséquence aux techniques, à l’aspect psycho-relationnel, ce qui n’est pas une mince affaire.
- pour des raisons plus générales, qui conduisent à se poser la question de savoir, quand une technique est disponible, quelle en est l’efficacité (il y a moins besoin d’embryons créés pour arriver à une naissance). Si l’on se place dans le cas d’un nombre d’embryons disponibles en décroissance : comment imaginer que des recherches scientifiques pertinentes du point de vue de l’amélioration de la santé publique puissent s’arrêter, une fois débutées, par manque de « matière première » ? Que se passera-t-il quand il n’y aura plus d’embryons surnuméraires, qui de toutes façons étaient voués à la destruction ? La recherche s’arrêtera-t-elle, ou bien essaiera-t-elle de trouver de nouveaux embryons pour sa consommation ? Certains, politiques, scientifiques, s’interrogent sur l’après. Existe-t-il un risque de marchandisation de l’embryon ? Ce point est essentiel, et mérite une réflexion sereine qui n’en est qu’à son commencement.
Toute vie vaut-elle la peine d’être vécue ?
Bien
d’autres exemples sont possibles, le clonage thérapeutique,
reproductif... pour parler de l’impact des évolutions de la génétique
dans notre société. Deux courants de pensée s’opposent par essence : le
courant objectiviste et le courant subjectiviste. Le premier donne de
l’importance à la dignité de la vie. La vie, par nature, vaut la peine
d’être vécue et doit donc être respectée en tant que telle. Le courant
subjectiviste, quant à lui, insiste sur l’utilité de la vie. Toute vie
vaut-elle la peine d’être vécue ? Non, répond-il. Il importe de prendre
en considération la qualité de la vie. Qualité qui dépend des critères
que l’on prend pour la déterminer.